Un employé du palais présidentiel qui écope d’un arrêt de rigueur de la part d’un colonel, un camion de gravats saisi et immobilisé au commissariat du 8e Arrondissement, des manutentionnaires à la recherche de leur pitance quotidienne injustement séquestrés, un entrepreneur excédé par la cupidité du personnel, etc. Les travaux de rénovation de Koulouba tournent au scandale avant l’heure, en attendant de tirer au clair la grande polémique autour de son budget.
Au moment où nous mettions sous presse, le camion et son contenu (une cargaison de carreaux brisés) étaient encore immobilisés dans la cour du commissariat du 8e Arrondissement. Quant aux ouvriers, ils sont au nombre de 17 qui ne doivent leur libération qu’à la menace de leur employé d’ébruiter leur injuste sort dans les radios libres de la capitale.
Auparavant, ils auront été soumis, avant-hier Samedi, à la rude épreuve d’un interrogatoire très corsé par une police insensible jusqu’à leur statut de coreligionnaire en jeûne. Leur supplice physique et moral, selon nos sources, a été instruit par un capitaine de Koulouba répondant au nom de Samaké, qui aurait agi à son tour sur instruction de l’intendance du palais présidentiel.
Sollicités par un entrepreneur en charge du volet «logistique» dans le juteux marché de la rénovation, les pauvres innocents ont eu le tort de se retrouver malencontreusement
dans l’engrenage d’une querelle larvée sur fond de convoitise de matériaux vétustes.
Démontés et amassés pour faire place aux nouveaux matériaux de rechange, les carreaux brisés, selon nos confidences, se trouvaient depuis longtemps dans le viseur des travailleurs les plus nantis du palais présidentiel. Et pour cause : tous sont conscients qu’il s’agit d’une fortune vendable à prix d’or sur le marché du Dabanani. Et, déterminé chacun à faire mainmise sur la marchandise estimée à pas moins d’une demi-dizaine de millions, le personnel s’est même constitué en clans prêts à se livrer à une dispute éhontée et sans vergogne.
Les prétentions se sont d’abord manifestées auprès du maître d’œuvre (un entrepreneur libanais très excédé par leur cupidité), avant de se poursuivre avec la profération de menaces par personnes interposées.
Sans franchir le Rubicon d’en découdre directement, les différents protagonistes se confiaient chacun aux ouvriers avec l’intention évidente de le faire transmettre aux autres prétendants.
L’un des premiers à donner le ton est un vieil employé de Koulouba, pour qui, le droit à disposer des carreaux cassés du palais se mesure au nombre d’années passées sur la colline mythique. Un autre prétendant est un colonel longtemps expatrié par sa fonction dans les chancelleries. Il dit à qui veut l’entendre que même le faux coup d’Etat ne serait jamais arrivé s’ils n’étaient pas absents du Mali. Et l’officier supérieur de mettre en garde quiconque osera se mettre entre lui et le tas de carreaux usagés. Il a été finalement défié, avant-hier Samedi, par un autre employé qui, s’estimant jusque-là très influent dans le rouage du palais présidentielle, a choisi de manifester son intérêt par la mobilisation de moyens pour enlever la marchandise tant convoitée.
Il s’agit d’un travailleur répondant au nom de Bagayoko, qui s’est prévalu d’une instruction de débarrasser les débris de la vue d’IBK, principal locataire des lieux. L’intéressé -et non moins prétendant- a ainsi sollicité l’entrepreneur chargé de la logistique, lequel a eu recours à son tour aux services de 17 ouvriers pour la tâche. Mais, la cargaison à peine arrivé au bas de la colline qu’elle fut interceptée par la meute policière déployée à ses trousses. Le camion, contraint à remonter la cote, a été mis sous bonne garde dans la cour du 8e Arrondissement. Quant aux ouvriers, déjà éprouvés par le jeûne, ont dû subir le supplice d’une détention arbitraire de 13 à 21 h, malgré les sollicitations de leur employé pour répondre en leurs lieux et place.
Le courroux du capitaine Samaké ne s’est pas limité là. Il nous revient, par ailleurs, qu’une correction de plusieurs heures d’arrêt de rigueur a été infligée au nommé Bagayoko pour son audace de vouloir disposer des carreaux brisés.
Pendant que les travailleurs de Koulouba se crêpe le chignon pour des brisures de matériaux, les travaux de rénovation se trouve au centre d’une autre polémique de plus grande envergure. Estimée à quelques deux (2) milliards de nos francs sous la transition, le coût de réhabilitation du palais a été revu à la hausse par les nouveaux pouvoirs qui l’ont réévalué à près de 10 milliards, selon le Premier ministre interpellé sur le sujet lors des dernières questions orales. Un écart assez exorbitant selon l’opposition et nombre d’observateurs suspicieux.
A. KEITA