Le 31 octobre 2007, vers 13 h, Bianca Leduc, petit ange blond de 3 ans, joue dans la cour de la garderie en milieu familial de l’île Perrot, en banlieue de Montréal. Comme tous les enfants du pays, ce jour-là, elle s’affairait à terminer ses décorations pour la fête d’Halloween. Pour elle, rien ne pouvait l’empêcher, le crépuscule venu, de sillonner ensuite les ruelles de son village pour collecter bonbons et friandises, se permettre les seuls excès de sucrerie autorisés pendant l’année.
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Bianca Leduc, innocente gamine préoccupée à s’imaginer son monde de rêve ne pouvait soupçonner que sur cette terre de Dieu, des individus infects, sans moralité ni conscience, plus sauvages que les rhinocéros, pouvaient décider autrement pour elle. En effet, pendant que Bianca montait tranquillement ses casse-tête sous l’œil vigilant de sa gardienne, Brandon Pardi, 18 ans et son ami (un mineur que la loi interdit de nommer) faisaient le rallye sur la voie publique à bord de leur véhicule.
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Brandon conduisait une Golf prêtée par son père alors qu’il n’a pas le droit de conduire seul et son ami maniait une fourgonnette qu’il ne savait absolument pas conduire. La course-poursuite irresponsable et criminelle des deux voyous prend une tournure tragique quand, au niveau d’un stop, ils perdent le contrôle de leur engin et la Golf de Brandon Pardi fonce droit sur la garderie et tue d’un coup la petite Bianca Leduc.
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Le soir, j’ai vu à la télévision les habituelles larmes de crocodile des imbéciles meurtriers et la phrase habituelle : « C’était un accident. Je suis désolé ! » Et la famille de Brandon Pardi qui se met à ânonner les excuses habituelles que les parents indignes servent à leurs enfants délinquants : « Brandon est un garçon gentil. C’est le sort qui s’est acharné sur lui. Nous compatissons à la douleur de la famille de Bianca » et patati et patata jusqu’à vous donner envie de déglutir votre dernier dèguè de mil. Tout cela est absolument criminel, nauséabond.
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Non, ce n’était pas accident ! Brandon a commis un meurtre pur et simple. Il savait très bien qu’il ne maîtrisait pas la voiture, qu’il ne savait pas conduire, qu’il circulait à 120 km/h dans une zone de 30 km/h et qu’il n’avait aucun droit de faire la course dans les ruelles d’un quartier résidentiel. Je pense qu’il ne s’agit même pas de meurtre mais d’assassinat, c’est-à-dire d’un homicide prémédité.
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Je pense qu’il est urgent que toutes les sociétés, dans le monde entier, prennent conscience du danger que représentent les ivrognes, drogués et petits téméraires inexpérimentés sur la route. Il faut modifier les codes pénaux pour faire de ces gens des criminels quand ils attentent à la vie d’autrui. Je ne vois aucune différence entre un bandit qui tire volontairement avec son pistolet sur sa victime et un paltoquet qui prend le volant et tue une fillette dans la rue.
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Quand on parle de circulation, on parle forcément d’accident de la route. Mais un accident, c’est quand un pneu neuf éclate sans raison et provoque une embardée, c’est quand le moteur prend feu sans raison ou que des freins neufs lâchent à cause d’un vice de conception. Ce n’est pas un accident quand un téméraire décide de faire Bamako-Ségou en une heure et tue des femmes assises au bord de la route. On doit le juger comme un assassin et l’envoyer derrière les barreaux pour le restant de ses jours.
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Je suis inspiré par la colère quand j’écris ces lignes. C’est parce qu’à Montréal (comme à Paris ou Bamako), je vois des fous furieux à bord de leur bolide, jouer les matamores. Vous savez, ce genre de conducteur imbécile qui pensent que la route appartient à leur père ou qu’il l’ont reçue en héritage de leurs aïeuls. C’est cette colère qui, Dieu me pardonne, m’a poussé à applaudir un jour au bord de la route.
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Sur l’autoroute 40 de Montréal, en direction d’Ottawa, un chauffard à bord d’une Honda Civic m’a dépassé à plus de 200 km/h alors que la limite maximale de vitesse est de 100. Huit minutes plus tard, j’ai trouvé sa voiture en feu encastrée dans un pilier de viaduc. J’ai ralenti et applaudi presque mécaniquement : voilà au moins un qui ne tuera personne. Quand j’ai appris à la télé qu’il était à vie paralysé des bras et des jambes, j’ai crié un gros : « Merci Dieu ! » parce que pour moi, c’est une Bianca Leduc, 3 ans, qui vient d’être sauvée.
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Combien de morts pour rien faudra-t-il pour conscientiser les conducteurs ? Malheureusement, aucun politicien ne veut affronter ce sujet. Et c’est dommage. Parce qu’un jour ou l’autre, les populations, excédées, commenceront à lyncher les chauffards et ce sera un échec pour la justice.
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Ousmane Sow
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(journaliste, Montréal)
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