Au milieu de la nuit, tel Cendrillon, deux jeunes hommes s’étaient métamorphosés. Deux jaquettes de seconde main et masques achetés un matin et leurs chaussures silencieuses transformaient les cambrioleurs en personnes anonymes au quartier Banconi où ils étaient nés et avaient grandi. Lorsqu’ils approchaient la maison abritant une moto flambant neuf, l’excitation était à son comble. Ils sautaient par-dessus le mur de clôture, prenaient soin d’ouvrir un des battants du portail. La cour bien que faiblement éclairée permettait de constater qu’aucune âme n’était présente.
Sourire aux lèvres, ils s’approchaient de la véranda où était garée la moto. Mais pendant qu’ils étaient à un doigt de l’objectif, tous les dangers de leur entreprise leur apparaissaient avec une éclatante clarté quand une femme désireuse de se rendre aux toilettes extérieures ouvrait la porte et se trouvait nez à nez avec les deux cambrioleurs. Leur espoir s’évanouissait dès l’effet de surprise vaincu, la femme sonnait l’alerte : Au voleur ! Au voleur !
Les deux voleurs étaient persuadés en ce moment qu’il s’agissait de leur liberté, de leur honneur, de leur vie en un mot. Ils avaient fait de leur quartier Banconi leur terrain de chasse. Fuir était l’alternative qui s’offrait à eux. Pas pour longtemps. Ils étaient rapidement cueillis à quelque 500 mètres plus loin par une forêt de jeunes qui armés de gourdin, de manchettes ou de cailloux les rouaient de coups dont la rudesse semblait venir de leur dégoût, voire leur haine pour les voleurs de motos qui n’hésitaient point à tuer pour des broutilles. Frappés violement à la tête, au thorax, un trépassait, l’autre plus chanceux avait dû son salut grâce à la promptitude de la réaction de la police. Conduit à l’hôpital, son pronostic vital n’était pas engagé.
Dialakorobougou :
Vivandière délestée de 20.000 F
Plus rien n’existait pour lui que cette femme esseulée dans une rue desserte, bassine sur la tête, rides sur le visage brutalement éclairé par les lampes qui lui donnaient une cinquante d’années. Une proie facile pour un voleur débutant. La vendeuse s’arrêtait soudain, tournait la tête découvrait la présence de l’intrus, mais incapable de crier, de bouger malgré l’imminence du danger. Le canon d’un vieux revolver veuf de toute munition lui tenait en respect. La voix rauque du détenteur de l’arme ordonnait de poser le sac à terre. C’était une entreprise digne d’Hercule que de s’opposer à un homme de surcroit armé et déterminé. Elle n’avait pas détaché un instant ses yeux sur son braqueur. En mettant dans l’un des plateaux de la balance quelque 20.000 F CFA en petites coupures rangés dans son sac à main et dans l’autre sa vie, celle-ci pesait plus lourd. Elle s’exécutait sans murmure. Satisfait, le braqueur ramassait le sac, baissait son arme et disparaissait aussi vite qu’il était apparu.
Chauffeurs de mini cars et passagers
A couteaux tirés
Les passagers tempêtaient ce lundi crépusculaire, rugissaient et maudissaient les chauffeurs et apprentis de mini cars qui invitaient ces derniers à descendre à hauteur du centre de santé de Yirimadio. En raison des travaux sur la route nationale, un embouteillage monstre est le lot quotidien des usagers depuis plusieurs mois. Dès lors, chauffeurs et apprentis vouaient les passagers aux cent mille diables, car il ne faisait pas de doute qu’ils opposaient leur fin de non recevoir à l’injonction de poursuivre le reste du trajet à pied. « Tous des pingres qui réclament le remboursement de 100F ou leur transfert dans un autre véhicule ».
La plupart des trublions s’en tiraient à bout compte, à force de ruse. Le chauffeur, une fois les passagers débarqués faisait demi- tour. L’apprenti, qui dans un premier temps prenait une bonne part dans les disputes, faisait semblant de chercher par terre quelque chose de perdu : des pièces de monnaie, un téléphone égaré dans l’algarade, provoquait un attroupement d’autres apprentis complices avant de se faufiler entre les gens et disparaître sans crier gare.
Ce déferlement de déconvenues avait donné des idées aux occupants de mini cars arrivés après et qui avaient pris comme ceux d’avant le départ en face de la Grande mosquée. Dès qu’ils foulaient le sol, les passagers avaient ceinturé des apprentis et leur suggéraient soit de reverser 100F à chacun soit de les conduire jusqu’au bout du trajet. Submergés, ils avaient accepté de terminer la course payée.
Ces rixes ne seraient qu’un timide préambule. La rentrée scolaire et universitaire une fois effectuée, la RN6 ressemblerait à une vaste cour de récréation où les dissentiments iraient crescendo. Du moment que les syndicats bien au parfum de la pratique ne seraient pour l’instant animé d’aucune intention de sévir contre les chauffeurs et apprentis indélicats. Encore moins les policiers pourtant nombreux à cet endroit (agents de la circulation et proximité d’un commissariat de police).
Le Cric glisse
Le mécano blessé meurt plus tard
Tout en gesticulant, le mécanicien se tordait de douleur, agitait les bras, roulait les yeux comme un possédé du corps duquel le diable ne voulait pas sortir. Ses collègues en attendant ses cris de détresse avaient accouru. En lançant de rapides coups d’où venaient les plaintes, ils voyaient le supplice. Le cric avait glissé et le véhicule accidenté en réparation, les roues avant étant démontées, s’était aplati sur le pauvre. Avec la rapidité d’un aigle, un véhicule faisait mouvement et à l’aide d’un câble le mécano coincé était libéré.
Conduit à l’hôpital, il décédait deux jours plus tard. A l’annonce de la triste nouvelle une main de fer semblait clouer ses camarades de travail du garage et d’ailleurs. C’étaient presque tous les jeunes gens que la mort avait frappés d’un coup de foudre et qui subissaient l’influence de ce jeune homme adorable enlevé dans son fleur.