Bamako envahi par des champs de mil, maïs et gombo : Des repaires de bandits et des nids de reproduction de moustiques

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    Bamako, en certains endroits de la ville dont l’ACI 2000, ressemble, de plus en plus, à ces champs de culture que l’on trouve dans n’importe quel village du Mali.  Le maïs, le gombo, pour ne citer que ceux-là poussent en pleine ville, en dépit de l’interdiction maintes fois rappelée par le Gouverneur du district. Une situation d’autant plus inquiétante que le fléau du banditisme se développe et se ramifie en même temps. En effet, en dehors de la détérioration du cadre de vie, ces champs sont réputés constituer des repaires de bandits et des gites de reproduction de moustiques. Malgré la grogne des habitants, les autorités  administratives se complaisent dans un silence de carpe.

    Bamako croit et se modernise à un rythme effréné. Des immeubles sortent de  terre comme des champignons. Des infrastructures routières et énergétiques complètent cet élan d’urbanisation enclenché par les plus hautes autorités du pays. Mais à côté de ce décor se développe et se consolide une activité jadis interdite, à savoir les cultures intra-domiciliaires qui, non seulement, portent un coup d’arrêt au processus de modernisation, mais sont source de beaucoup de phénomènes déplorables.

    En effet, la capitale malienne offre un curieux paysage, avec certains quartiers envahis de plants de maïs et de gombo. Ce phénomène a tendance à se multiplier et à se généraliser de nombreux quatiers du District, notamment les quartiers périphériques, mais aussi en pleine zone administrative. C’est le cas de l’ACI 2000, où chaque espace vide est aussitôt aménagé pour servir de champ de maïs ou de gombo. Même les cours des maisons encore en construction ou non habitées sont transformées en véritables champs de cultures qui cohabitent avec les services publics et les résidences.

    Comment  donc expliquer cette tradition agricole tenace en plein centre de la capitale ? Pour cela, il faut remonter à la grande sécheresse de 1973. Une période qui a contribué à développer le reflexe de sécurité alimentaire chez les Bamakois. Depuis lors, ceux-ci ont continué à cultiver des lopins de terrain en pleine ville. Certaines sources font remonter cette pratique bien avant les indépendances, en précisant que les autorités qui se sont succédé dans la gestion de notre administration l’ont tolérée, de 1960 à 1982, année à partir de laquelle les données du problème ont changé, à cause de la multiplication des agressions et des pillages de boutiques et maisons. Ces actes, le plus souvent, étaient commis par des bandits qui avaient pris l’habitude de trouver refuge dans les champs de céréales aménagés ça et là en pleine ville.

    A partir de cet instant, les différents gouverneurs du district de Bamako sont montés au créneau pour invoquer des arguments sanitaires (ces champs sont censés attirer les moustiques) ou pour parler des raisons d’ordre sécuritaire (banditisme) afin d’interdire toute culture de céréales en milieu urbain. Une mesure qui avait, en son temps, suscité le tollé de la part des exploitants qui ne comprenaient pas que l’administration eût le droit de les empêcher de cultiver sur leur propre terrain ou sur des espaces qui leur ont été alloués par le ou les propriétaires. Pour eux, la mesure était de trop et frisait l’abus de pouvoir.

    Officiellement, le propriétaire d’un hectare cultivé illégalement était passible d’une amende de 25 000 FCFA. Mais, dans la pratique, cette mesure était appliquée timidement et par la suite l’amende a été ramenée à 2 500 FCFA, sur fond de campagne de sensibilisation.

    Face à la situation, la solution de compromis qui avait été proposée par la municipalité de Bamako était d’amener les paysans urbains à s’installer le long du fleuve Niger. Aujourd’hui, force est de constater que le phénomène est de retour dans notre capitale. Et depuis quelques temps, des espaces sont constamment envahis par d’éventuels squatters et transformés, pour les besoins de la cause,  en champs.

    Ces exploitants agricoles en milieu urbain se recrutent pour la plupart auprès des vieilles personnes, quelques rares jeunes et des gardiens. Certains d’entre eux, que nous avons approchés, n’ont pas tout de même fait la fine bouche. C’est le cas de la quinquagénaire, Aïssata Traoré : "J’exerce pendant l’hivernage sur une parcelle que j’ai acquise auprès du propriétaire. Sur ladite parcelle, j’exploite du gombo. C’est juste pour pouvoir équilibrer mon maigre budget. Je ne vois pas en quoi la culture du gombo peut être d’un gros risque pour la sécurité des populations ".

    Alassane Yalcouye exerce la profession de gardien à l’ACI 2000. A côté de l’immeuble sur lequel il doit veiller, il cultive du maïs sur près d’un demi-hectare. Il dit posséder la même superficie quelque part à l’ACI 2000. Il s’agit de l’un de ces nombreux endroits qu’il est chargé de surveiller. Notre interlocuteur reconnait que c’est juste pour préparer la rentrée scolaire de ses enfants. Alassane Yalcouye soutient que l’administration doit  accorder à ceux qui s’adonnent à la culture intradomiciliaire un état de grâce, au motif que cette activité ne dure pas plus de deux ou trois mois.

    Cependant, les agents chargés de la sécurité sont d’un tout autre avis. Selon un responsable de la police, les champs en ville constituent des nids criminogènes. " Ils peuvent présenter de gros risques pour les noctambules et même à quelques heures de la journée  en certains endroits " a-t-il laissé entendre. Il n’est pas tolérable, soutient cet autre cadre de  l’administration, de cultiver en plein centre urbain. Bamako, poursuit-il, n’est pas un hameau de culture, elle a besoin de soigner son image de marque car c’est la vitrine de notre pays.

    Côté gouvernorat du district, les cultures intra domiciliaires ne semblent pas encore être une priorité. Dans les objectifs de l’équipe du Gouverneur Ibrahim Féfé Koné, une lutte acharnée est menée contre l’occupation anarchique de la route, la salubrité, la divagation des animaux et l’élevage intra domiciliaire. Tout se fait comme si les cultures intra domiciliaires ne portent pas préjudice à la population. Nous aurions aimé avoir la réaction du gouvernorat sur le sujet, mais toutes nos tentatives pour entrer en contact avec le Conseiller en charge des affaires domaniales sont restées vaines.

    En attendant, les populations du District et surtout celles vivant à proximité des champs, broient du noir et prennent leur mal en patience. C’est dommage que le Cinquantenaire n’ait pas été mis à profit pour rompre définitivement avec cette pratique qui divorce d’avec les efforts d’embellissement et de modernisation de Bamako.

    Abdoulaye DIARRA

     

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