La Cour d’assises de Bamako à la clôture de sa deuxième session Ordinaire 2011 a traité, le lundi 28 Novembre, une affaire d’une très grande importance. Au rôle, l’affaire du jeune Tunisien Béchir Sinoum, âgé de 26 ans, accusé de terrorisme et d’évasion suite à l’attentat perpétré contre l’ambassade de France au Mali qui a occasionné 1 mort et deux blessés. Il a été condamné à la peine capitale, 10 millions d’amende, 30 millions pour les héritiers de la victime, Alou Kanté, et 5 millions 750 000FCFA respectivement pour les blessés Brehima Coulibaly et Boubacar Dramé.
Le lundi 28 Novembre dernier, la Salle d’audience de la Cour d’Assises de Bamako était archicomble avec un dispositif sécuritaire renforcé plus que d’habitude. Puisqu’au rôle, il était question d’un cas de terrorisme et d’évasion pour la première fois perpétré en République du Mali, surtout à Bamako, contre l’Ambassade de France. Béchir Sinoum, Tunisien, membre du groupe Salafiste qui opère dans le grand Nord du Mali. Accompagné de son avocat, Me Yaro, son sort était entre les mains du vice président de la Cour d’Appel de Bamako, Moussa Sara Diallo assisté de son conseiller Moussa Ouélé Diallo. Le procureur Général,Souleymane Coulibaly, occupait le fauteuil du Ministère Public. Le box de la partie civile était occupé respectivement par les avocats Me Soumahoro et Me Moussa Sinayogo.
Cette affaire avait été traitée par la Sécurité d’Etat et le juge d’instruction du Tribunal de la Première Instance de la Commune III avant transmission de l’ordonnance contenant les pièces du dossier à la Cour.
En effet, courant Décembre 2010, Béchir Sinoum dans le but d’avoir la confiance du Groupe Salafiste(intégré Aqmi) quitta le Sahara pour la Région de Gao au Mali avant d’arriver à Bamako le 28 décembre 2010. Là, il résida à l’hôtel Lac Debo sis au centre commercial.
Le 05 Janvier 2011, il se rendit devant l’Ambassade de France à Bamako avec un pistolet automatique et une bonbonne de Gaz butane. N’ayant pu accéder à l’intérieur, il fut exploser une grenade et se mit à tirer des coups de feu sur le portail, le mur d’enceinte et les gardiens tout en tentant de faire exploser la bombonne de gaz. Cette dernière opération n’a pas réussi car Béchir a été neutralisé entre temps. Malgré tout, il avait déjà fait quatre blessés dont certains graves. Il s’agit de Amadou Maïga( employé de commerce), Breïma Traoré (chauffeur),Aliou Badra Kanté (courtier) et Boubacar Dramé agent de Sécurité de l’Ambassade de France.
Les premiers constats ont fait révéler 35 impacts de balles en différents endroits du portail et sur un arbre aux bords de l’Ambassade. A l’endroit où se tenait Béchir, il a été trouvé des fragments de grenade, un pistolet automatique de marque Russe calibre 7,62mm dont le chargeur était garni de 5 cartouches en vrac, une bombonne de gaz butane noircie par la fumée de même que le portail de l’ambassade.
À la barre pour expliquer les raisons d’une telle décision et son plan d’action, l’accusé Béchir Sinoum a reconnu en premier lieu avoir perpétré l’attentat contre l’ambassade de France et que cette volonté n’est que subjective. Par contre, il rejette l’acte d’avoir tiré à maintes reprises sur le portail de l’Ambassade et se dit rebelle et non terroriste contre toute personne qui s’attaque à la religion musulmane.
Il retrace alors son itinéraire: Après son Baccalauréat, il avait opté comme spécialité le génie-technologie qu’il a étudié jusqu’en 2ème année. Un jour, étant sur le Net, il apprend qu’il y a une Université en Mauritanie où on étudie le Coran. A cet effet, il dit avoir renoncé au Génie-Technologie et avait plié bagage en direction de la Mauritanie. Arrivé dans cette Université, il croisa un homme du nom Abou AYub, un des espions du Groupe Salafiste opérant dans le Nord dudit Pays. Ce dernier lui sermonna et l’inculque l’idéologie de servir le Groupe qui a pour seul devise, ‘’combattre contre les antimusulmans.’’ Convaincu de cette idéologie, Abou lui donna un Numéro Satellitaire, du Groupe qui se trouve au Nord du Mali et qu’il devait rejoindre bientôt. Après arrestation de ce dernier et lui recherché par les forces de sécurité, il prend la poudre d’escampette en direction du Mali. Arrivé à Bamako via la capitale Sénégalaise, Dakar, il se dirigea vers Gao où un véhicule personnel qui devait le conduire dans le grand Nord l’attendait. Une fois à destination, il se fit enregistrer dans un groupe des Salafistes composé de 60 hommes sous l’égide d’Ahaya. Après 15 jours de formation, il devient membre actif et fait 7 mois jusqu’au jour où il viola les règles du groupe « Ne pas toucher aux outils technologiques » qui permettent de les repérer facilement. Ce comportement l’exclut du groupe et leur véhicule d’approvisionnement vient lui déposer à quelques kilomètres de Gao en plein désert. Avec les hommes qui l’ont accompagné, il paya un pistolet, des balles et deux grenades, selon lui pour se défendre. Arrivé à Gao, et vue selon lui, l’impossibilité de rentrer dans les autres pays frontaliers avec son arsenal, il prend le car en direction de Bamako. Et en cours de route, il eu l’idée de perpétrer un attentat contre l’ambassade de France. Ainsi, étant dans la capitale malienne, il passa au grand marché de Bamako pour acheter un couteau, un gaz et d’autres objets dangereux et fait trois jours à observer l’ambassade. Ce troisième jour, il attaque l’ambassade à 17h 30mn.
Il est arrêté par la Sécurité d’Etat qui l’enferme afin de tirer au clair son cas. Après 7 mois d’incarcération, il arrive à s’évader de sa cellule et se dirige vers Gao, pour regagner son groupe, où il se fait démasquer par les gendarmes au poste à l’entrée de ladite ville.
Après cet éclaircissement, il dit avoir regretté pour celui qui est décédé et les autres blessés, mais qu’il ne va jamais regretter d’avoir attaqué l’ambassade de France.
La tentative d’éclaircissement de la défense !
Face à ces éminents magistrats et la partie civile, Me Yaro de la défense a sorti du grand art afin de tirer d’affaire son client. Qui, selon lui n’avait que des armes de défense sur lui, reconnues par des textes internationaux signés et ratifiés par le Mali. Avant de poursuivre que l’acte commis ne répond pas au qualificatif de terrorisme. Selon lui, le terrorisme, c’est le fait de faire de la propagande, enlever des otages et demander des rançons. Et que tel n’est pas le cas pour son client, mais qu’il voulait avoir la confiance uniquement de son groupe. Sinon poursuit-il, pour quelqu’un qui veut perpétrer un attentat et causer beaucoup de morts, il n’allait pas se doter seulement d’un tel arsenal.
Malheureusement pour lui, le Procureur Général, Coulibaly, représentant, le Ministère Public au cours de son réquisitoire avait déjà affirmé que l’accusé ne doit pas bénéficier de circonstances atténuantes, avec des argumentations qui faisaient ressortir la dangerosité de son acte.
Après 7 heures d’horloges d’échange entre les assesseurs et les magistrats, la Cour a finalement rendu son verdict, en condamnant le terroriste tunisien à la peine capitale accompagnée de 10 millions d’amende ainsi qu’au paiement des dommages et intérêts de 30 millions FCFA pour les héritiers de la victime décédée (Aliou Badra Kanté), 5 millions pour Boubacar Dramé et 750 000 pour Bréhima Traoré.
Boubacar Yalkoué
Les parents de la victime Alou Badra Kanté insatisfaits du verdict
Faut-il le rappeler, le terroriste tunisien Béchir Sinoum s’est levé un bon après-midi du 05 Janvier 2011 pour aller s’attaquer aux locaux de l’ambassade de France à Bamako avec son arsenal de guerre dont des explosifs dangereux comme une grenade offensive, un pistolet automatique de marque Russe calibre 7,62mm dont le chargeur était garni de 5 cartouches en vrac et une bombonne de gaz butane. Dan son forfait ce téméraire étranger sans pour autant savoir qu’il se trouvait sur une terre étrangère a choisi de tirer sur tout ce qui bougeait. Du coup, les fragments de ses explosifs ont laissé 35 impacts de balles en différents endroits du portail principal et sur un arbre aux bords de l’Ambassade, atteint et grièvement blessé des simples citoyens se trouvant sur les lieux au moment de l’attentat. A savoir, Alou Badra Kanté, Brehima Coulibaly et Boubacar Dramé. Si les deux derniers cités s’en sont sortis avec des blessures légères, le dernier, Alou Badra Kanté n’a pas eu cette chance, car il a succombé deux mois seulement après à cause de ses blessures. Son certificat d’expertise médical (scanné ci-dessous) laissait apparaître entre autres, une contusion de l’hémi thorax gauche, la présence d’impacts de grenade au niveau du pied gauche, de hémi thorax gauche et de l’épaule gauche. Ce n‘est pas tout, le Dr Drissa Kanikomo, Neurochirurgien, Médecin légiste et Chef du service de Neurochirurgie du CHU-GT a certifié que le pauvre soufrait aussi d’une luxation acramio-claviculaire droite. Sans soutien ni d’apports aussi bien du gouvernement malien que de l’ambassade de France, les parents de Alou Badra Kanté ont tenté, seuls, comme ils peuvent à sauver la vie de leur sien, mais en vain. Ce qui devait arriver, arriva, le 22 mars dernier, le miséreux rendit l’âme dans l’indifférence totale, laissant derrière lui deux enfants (âgés respectivement de15 et de 8ans).
Un blessé admis aux urgences comme ‘’accidenté de circulation’’ !
Le traitement de l‘affaire de ce terroriste tunisien par nos autorités publiques, principalement, les services de la Sécurité d’Etat a laissé planer de nombreuses zones d’ombre. Au point de susciter de doute chez de nombreux observateurs sur la volonté réelle de notre pays à réprimander convenablement ce premier cas d’attentat afin que d’autres n’essayent de tenter la même expérience. Pour preuve, sous le nez et la barbe de nos agents de force et de sécurité, cet apprenti terroriste avait réussi à s’évader de sa cellule. Créant un branlebas général à son temps dans notre pays. N’eût été la perspicacité des agents du poste d’entrée de Gao qui l’ont arrêté à bord d’un bus de transport en commun, cette affaire allait être close à jamais.
Ensuite, selon les parents des victimes, le jour de l’attentat, on a refusé l’accès de la salle d’admission des blessés à tout le monde. Plus grave, sur la fiche médicale de la victime Alou Badra Kanté c’est la mention ‘’accidenté de circulation ‘’ qui figurait.
« Nous nous sommes battus par tous les moyens afin de changer cette situation » témoigne Youssouf Kanté, frère du décédé. Selon lui, il n’a pas été facile pour eux d’avoir accès au certificat d’expertise médicale de leur frère, à fortiori demander une prise en charge de son traitement. « Toutes les portes se sont fermées devant nous jusqu’à la mort d’Alou, même après, aucune autorité n’a compati avec nous, à notre douleur » a-t-il ajouté.
Un verdict insignifiant !
En effet, le lundi 28 novembre dernier la Cour d’Assises a requis à l’encontre du terroriste Béchir Sinoum, la peine capitale et le paiement de la somme de 46 Millions de FCFA (dont 30 millions pour les héritiers de la victime).
Ce verdict, même s’il impressionne plus d’un en raison de son énoncé de peine de mort, n’a pas en réalité satisfait les parents de la victime Alou Badra Kanté. Celui là même qui a longtemps souffert avant de mourir pitoyablement des séquelles de ses blessures, causées par un « apprenti » térroriste qui n’a d’ailleurs aucun argument sérieux pour expliquer son acte, sauf que de gagner la confiance de ses maîtres (tueurs) et porter atteinte aux Français.
A les en croire, la démarche a été laborieuse pour eux à faire admettre à nos autorités que leur parent est une victime d’attentat, survenu le 05/01/2011 devant l’Ambassade de France à Bamako. Aussi, ils regrettent de n’avoir bénéficié d’aucune assistance dans la prise en charge des traitements de la victime, ainsi que de son épouse et de ses enfants, qui ont été frappés par un grand choc moral. Faut-il aussi prendre en compte les frais qu’ils doivent payer aux avocats ?
Mais le plus important, selon eux consiste à la prise en charge des enfants mineurs, héritiers du défunt. « Avec 30 Millions qu’est ce nous pouvons assurer à ces enfants ? » s’interroge Youssouf Kanté, tuteur des héritiers et transporteur de son état. Lequel, qui ajoute que lors du procès aucune attention particulière n’a été accordée à ce qui sera le sort des héritiers. Comme s’il n‘ya pas eu mort d’homme. C’est pourquoi, il a promis de s’investir personnellement afin d’acquérir d’autres garanties pour les héritiers même s’il faut demander la révision du verdict. Affaire à suivre.
Moustapha Diawara