L’émotion était grande ce jeudi 10 Novembre 2011 dans la salle Boubacar Sidibé de la Cour d’Appel de Bamako. Et pour cause, était inscrite au rôle de la Cour d’Assises de ce jour, une affaire d’enlèvement d’enfants. Au box des accusés, une bonne femme du nom de Oumou Diakité, avec son frère Bakary Diakité. Son cas relève-t-il de vol ou du désir d’être coûte que coûte mère ?
Bien foutu dans leur toge rouge-noir de magistrat, le président Hamèye Founé Mahalmadane et ses conseillers, Amadou Cissé et Badra Alou Nanacassé avaient du pain sur la planche pour établir la culpabilité de Mme Oumou Diakité et ses frères (cités complices) au chef d’accusation d’enlèvement et complicité d’enlèvement d’enfants. Ce jour, le rôle de ‘’magistrat débout’’ était dévolu au juge Mme Diallo Mariam Macinanké, représentante du Ministère Public.
Les accusés étaient défendus par les avocats Patric Vincent Diarra et Bréhima Coulibaly. Et le banc de la partie civile était occupé par Harouna Konaté. Au registre des témoins figuraient les noms de Alima Diarra, Assetou Sanogo (victime de l’enlèvement) Korotoumou Diarra, Lassana Konaté, Maïmouna Coulibaly et Madi Keïta.
Faut-il le rappeler, cette affaire aux assises découle d’un arrêt de mise en accusation et de renvoi devant la cour d’assises de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako, en son audience ordinaire du 17 mai dernier.
Acte d’enlèvement ou d’assistance ?
En effet, courant Juin 2010, la petite Assetou Sanogo durant son commerce de brisures de maïs, rencontra sur son chemin la dame Oumou Diakité à bord de son véhicule en compagnie de certains enfants. Comme une bonne « samaritaine » cette dernière propose à la petite fille de monter dans son carrosse. Assétou, ne doutant de rien et furieuse de cet honneur saute sur l’occasion pour ne plus réapparaître chez ses parents.
Après de vaines recherches, son oncle Harouna fit la déclaration de la disparition à la brigade chargée de la protection des mœurs et de l’enfance. Dès lors, comme une poudre d’escampette la nouvelle de la disparition de la petite Assétou se propage dans tout le quartier populaire de Kalaban Coura. De fil en aiguille, l’oncle de l’adolescente poursuit ses recherches jusqu’à la porte de la dame Oumou Diakité. Ayant appris que cette dernière abrite chez elle des enfants d’autrui dont elle prétend être leur mère biologique, Harouna commença à nourrir de lourds soupçons sur elle. Armé d’un courage de guerrier, il se rendit au domicile de la dame, qui nia mordicus la présence de la petite Assetou chez elle. C’est ainsi que l’oncle Harouna retourna à la brigade des mœurs afin d’informer les limiers du commandant Amy Kane sur l’évolution de ses recherches.
Entre temps, Oumou Diakité s’empressa d’aller remettre Assetou à sa grand-mère à Kati, tout en expliquant qu’elle l’avait récupérée devant la grande mosquée de Bamako entrain de mendier. Mais ce qu’elle ne savait pas est que des investigations ont permis à la police de savoir qu’elle garde chez elle, d’autres enfants, notamment Awa, Moussa, Kamissa et Ousmane (tous du nom de famille Keïta) dont elle prétend être leur mère biologique. Ainsi, suite à cette enquête préliminaire diligentée par la brigade, une information judiciaire fut ouverte contre Oumou Diakité, Makan Keïta (son mari), Korotoumou Diarra (sa mère) et Bakary Diakité (son frère).
Femme sans enfant, mais sans vergogne !
Après lecture de l’arrêt de renvoi du dossier par la Cour, l’accusée, Oumou Diakité a rejeté la qualification de l’acte qui lui est reproché. Selon elle, ces enfants dont elle avait donné tout son amour, au profit desquels elle jouait tous les rôles d’une mère ne peuvent être autres, que ses enfants ‘’biologiques’’, qui méritent de porter le nom de son mari. Que l’on doit la reconnaître ce droit, rien qu’en considération de l’effort qu’elle a fourni pour changer leurs conditions de vie, défavorables, dans lesquelles ils se trouvaient dans leur famille maternelle.
Quant au cas de la jeune fille Sanogo, elle dit n’avoir pas l’enlevé. A l’en croire la fille serait une camarade à ses enfants et c’est par ce canal qu’elle s’est retrouvée chez elle et vue aussi ses conditions de vie, qu’elle a refusé de la donner à ses parents qui l’a cherchait.
Les avocats de l’accusée ainsi que ses frères ont abondé dans le même sens. Cela, en jouant sur le tableau de la bonne foi de Oumou Diakité, qui ne peut faire mal même à une mouche, selon eux.
Malheureusement pour eux, leur argumentaire était en porte à faux avec la plaidoirie de la représentante du ministère Public, Mme Diallo Mariam Macinanké, qui a traité l’accusée de mauvaise femme et coupable de l’acte d’enlèvement de la jeune fille Assetou Sanogo.
Quant au président de la Cour, Hameye Founè Mahalmadane, lui a concentré ses interrogations sur les conditions d’arrivée des autres enfants, avant le cas de la petite Sanogo. Les réponses de l’accusée étaient autant pathétiques que confuses. Toute chose qui amènera ses avocats à plaider la clémence de la Cour à l’endroit d’une telle personne qui a le cœur à la main envers les enfants, œuvrant à les sortir de la souffrance et leur donner une bonne éducation. A les entendre Oumou à la manie d’élever des enfants mais pas la volonté de les enlever, c’est pourquoi elle serrait loin d’être une mauvaise mère.
Des témoignages à couper le souffle !
S’il y’avait l’appui d’une autre composante à ce procès sur lequel, Omou comptait beaucoup, c’est bien les témoins. Hélas, les propos de tous ceux-ci à la barre n’ont fait qu’enfoncer la bonne dame dans le bourbier et établir davantage sa culpabilité dans cette affaire.
Son propre frère Bakary Diakité, a été le premier à tirer la couverture sur lui même, sur le cas de l’enfant Moussa. « Je n’ai rien à voir dans ce problème. C’est lors d’un de mes voyages de Mayina à Bamako que les parents de Moussa m’ont demandé d’apporter ce dernier à ma sœur, j’ai accepté ça en raison du lien de parenté. Et quand les parents de l’enfant lui réclamait, j’ai dit à ma sœur de les remettre » a-t-il déclaré à la barre.
Fallait pas aussi compter sur la partie civile, principalement M. Konaté, celui qui a porté la plainte, il dira que Mme Keïta est une véritable ‘’mauvaise femme’’, qu’elle est toujours mêlée dans de sales coups. Dans cette affaire d’enlèvement, poursuit-il, dès qu’il a appris la nouvelle, il a fait des investigations personnelles afin de boucher toutes les issues à cette dame. Ainsi, il dit avoir pris la photo de la fille jusque chez elle, en guise de preuve, l’a scanné ensuite avant de le remettre à la brigade des mœurs.
Selon Alima Diarra, chez qui était la jeune fille Sanogo au moment de sa disparition, il n’ya aucune connaissance entre elle et la dame Oumou et dit n’avoir jamais vu ses enfants chez elle depuis que l’éducation de Assetou Sanogo lui a été confiée après la mort de sa mère, il y a 7ans.
M. Madi Keïta, beau frère de l’accusée, a aussi enfoncé le clou en défaveur de la dulcinée de son frère en étalant sur la place publique les linges sales de sa belle sœur en matière d’enfant.
Il dit que Oumou a mainte fois alerté leur famille (Keïta) d’une éventuelle grossesse qu’elle porterait. Et qu’à chaque fois, elle s’attèle à appeler les gens pour dire qu’elle a accouché dans telle maternité mais que l’issue a été un faux accouchement ou que l’enfant est mort quelques instants seulement après l’accouchement. « Si l’on en tient à ses dires Oumou aurait accouché au moins une fois dans chacune des maternités connues de Bamako » a-t-il ironiquement lancé avant de poursuivre que le premier cas a eu lieu à la maternité de Korofina, où un jour Oumou a appelé à la famille pour informer du décès de son enfant. Après enquête, cela s’est avéré faux. Quelques années après, un autre cas s’est produit, elle dit avoir accouché à la maternité de Lafiabougou des jumeaux et qu’ un est mort et l’autre prématuré a été amené à l’hôpital Gabriel Touré et décédé après.
M. Keïta de préciser qu’effectivement pour ce dernier cas leurs investigations leurs ont permis de découvrir dans le registre de la morgue du CHU GT un certificat de décès suite à un accouchement, sans le nom de la mère (âgée de 15 ans) de mari, manœuvre. Ce qui naturellement n’était pas sa belle sœur. Aux dires toujours du beau frère de l’accusée, ce qui leur semblait marrant dans tout ça est que personne n’a une fois vue Oumou donnée du sein à ses enfants et même du biberon. Toute chose qui a convaincu la famille Keïta à dire qu’elle enlève les enfants d’autrui. Ajoute-t-il.
Cinq heures d’horloge ont permis à la Cour pour rendre finalement le verdict. La dame Oumou Diakité peut remercier le ciel car, elle a bénéficié de 3 ans de prison avec sursis, son frère Bakari, estimé complice, a été acquitté et son époux, Makan Keïta absent dans la salle a été jugé par contumace à 10 ans de prison ferme pour avoir accepté de donner son nom à des enfants dont il n’est pas le père biologique.
Boubacar Yalkoué