‘’ Pour moi, mieux vaut mourir. Je suis fatiguée et j’ai fatigué tous mes parents. Je ne peux plus rien faire seule. Depuis bientôt deux ans que mon pied est cassé, j’ai arrêté d’aller à l’école. J’ai peur de le dire mais je risque d’être amputée…’’ Ces cris pathétiques dont nous faisons échos, nous les avons entendus à l’hôpital militaire de Kati où la victime, une jeune fille, est hospitalisée, suite à un accident de la circulation. C’est son oncle qui nous avait approchée le mardi 18 Août 2007 en ces termes.
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’’J’ai une nièce qui a subi un accident de la circulation et a eu une double fracture de la cuisse gauche. Depuis deux ans elle est hospitalisée, pendant que la personne qui l’a mis dans cet état n’en a cure.’’ Mais écoutons plutôt la victime ‘’Je me nomme Awa Bah, j’ai 22 ans. Je suis née le 22 mai 1985, élève en terminales au Collège Framady Thérèse de Lafiabougou.
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L’accident a eu lieu le 5 février 2005. Ce jour, j’accompagnais une copine qui s’était mariée. Avec ses parents, nous formions un cortège de véhicules, moi je me trouvais sur ma Jakarta. Soudain, aux alentours de la pharmacie se trouvant non loin du Camp des gardes, j’entendis un grand bruit et puis…plus rien. Je venais d’être victime d’un accident de la circulation et j’avais perdu connaissance.
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Je ne rouvris les yeux qu’à l’Hôpital Gabriel Touré, transportée parait- il, dans le véhicule des gardes qui étaient témoins. Quand je suis revenue à moi- même, on m’expliqua que je venais d’avoir une facture de la cuisse gauche. Depuis ce jour, ma vie a basculé.
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Les premiers soins ont été pris en charge par le chauffeur qui transportait les affaires de la mariée. J’ai été cognée par le fils d’un colonel, Sanké Sissoko, chef de cabinet à l’état-major de la gendarmerie. Son fils n’avait pas de permis de conduire, le véhicule n’était pas assuré. Mais puisque son père est colonel, l’enfant n’était nullement inquiet des conséquences éventuelles de ses actes.
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Le lendemain de l’accident, le colonel est venu me voir à l’hôpital. Il a payé quelques ordonnances. Toutefois, chaque fois qu’on lui présentait une ordonnance, il refusait de payer prétextant que le médicament a été prescrit par des internes et non le médecin. Ou il payait une partie et refusait de payer le reste .Il tempêtait sur moi. Si je mens sur lui, que le bon Dieu me le fasse payer. Je vous dis aussi qu’au moment de l’accident, je portais une grossesse de 4 mois….’’
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‘’….J’ai été opérée par le Dr Alwata de l’hôpital Gabriel Touré. Puisque j’attendais un enfant, le fer qu’il aurait mis dans mon pied paraîtrait long et gênait l’évolution normale de la grossesse. Je ne pouvais faire aucun mouvement et je restais couchée tout le temps. Alwata a ainsi décidé de reprendre l’intervention deux semaines après. Il reconnaît avoir commis une erreur et a pris les frais de cette deuxième intervention en charge.
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Deux mois après, je suis rentrée à la maison. Mais mon pied allait de mal en pis. Je suis allée voir le Docteur Tiéman Coulibaly, de la clinique ‘’Serment’’ de Lafiabougou, qui m’a prescrit un médicament dénommé«Augmentin» que je prenais.
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Le colonel refusait de payer ce médicament prétextant qu’il n’était pas prescrit par le Dr Alwata. Quand je l’appelais, il refusait de prendre le téléphone. J’ai donc cessé de l’appeler. Ma mère s’occupait de mes soins. Elle l’a sollicité pour qu’il l’aide à m’évacuer auprès d’elle en France, afin qu’elle puisse s’occuper de moi. Elle n’a pas de papiers et ne pouvait revenir au pays, au risque de ne plus pouvoir y retourner. Il a opposé un refus catégorique.
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Tout ce que m’a mère gagne désormais est destiné à moi pour payer mes ordonnances. Elle n’a plus rien aujourd’hui. Mon oncle aussi. Et je ne guéris toujours pas.
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En plus j’attendais un enfant. Pendant ce temps, le pied continue de ‘’suinter’’. J’ai toujours mal. On m’a amenée voir le Dr Sidibé à Kati. Il m’a hospitalisée. J’ai passé un moment avec lui. J’ai constaté que le pied s’enflait toujours.
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Je suis restée longtemps à la maison avec la douleur, ne pouvant rien faire. Le colonel ne m’appelle pas, ne sait rien de mon état.
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J’ai entendu parler du Dr Macalou et je suis allée le voir à la clinique du Farako. Après m’avoir fait des radios, il m’a demandé d’attendre d’accoucher et que c’est seulement deux mois après qu’il pourra s’occuper de moi. L’accouchement a été provoqué. J’ai été césarisée au Point G.
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Deux mois après, j’ai repris la consultation à la clinique ‘’Farako’’. J’ai payé la consultation à 6000f CFA, sans compter le lit d’hospitalisation qui faisait 25 000 CFA/jour.
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Il a demandé à ce qu’on m’enlève le fer du pied. Le fer a été enlevé à 200.000 CFA et c’est ma mère qui a payé les frais. Il a mis le plâtre et m’a dit de revenir dans 6 mois et que si ça n’allait pas il serait obligé de reprendre encore l’intervention.
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Tous les jours que Dieu fait, un infirmier se déplaçait pour venir faire mon pansement et à chaque fois du pus et de l’eau sont extraits de ce pied. Ce traitement me coûtait 2 000 FCFA/jour.
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La plaie ne guérissant pas, le docteur Macalou a demandé à ce que les soins soient donnés par les infirmiers de la clinique Farako, ces derniers pouvant le mettre au courant de l’évolution de la maladie.
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N’en pouvant plus, parce que épuisée physiquement, moralement, matériellement, j’ai demandé à être admise à Kati. J’ai ainsi repris les consultations à la demande de Macalou et il m’a fait faire une énième radio. Là encore, il a dit qu’il faut immédiatement opérer sinon que c’est mauvais.
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Après cette autre opération, j’ai fait une autre radio. Il a dit d’enlever le second fer qui maintenait la fracture. Parce que certains os seraient endommagés et il faut les enlever, plâtrer, attendre encore 6 mois voire un an pour espérer une hypothétique guérison.
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C’est dans cette attente, cet état de désespoir total, que j’ai appelé le colonel en ces termes. Le jour où vous allez mourir, vos yeux resteront ouverts ». Il a répondu alors pour savoir qui c’était. Je jure qu’il ne connaissait plus mon numéro. Il ne se souvenait même plus de moi, parce que cela fait bientôt deux ans. Et j’ai répondu que c’était la fille qui avait été renversée par son fils. J’étais vraiment désespérée.
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Il a raccroché et automatiquement est allé voir le 1er substitut du procureur, Mamadou Diawara, lui disant que, tous les jours, je l’appelle pour insulter son père et sa mère.
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Ce dernier m’a appelé pour me dire de venir le voir. C’est pour vous dire qu’ils ne savent rien de mon état. J’ai répondu en sanglots en lui disant que je suis à l’hôpital et que je ne pouvais pas me déplacer.
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Pendant tout ce temps, l’affaire avait été portée devant le commissariat du 2è arrondissement et, puisqu’il n’y avait pas eu d’entente, le dossier avait été transmis au parquet. Il se trouvait entre les mains du même substitut sans avoir jamais eu de suite. Mon oncle passait la journée à attendre devant le parquet, espérant qu’on l’appellerait. Jusqu’au jour où l’on est venu lui dire que le dossier est égaré» Nous avons voulu en savoir plus en nous rendant au tribunal de première instance de la commune III. Là, c’est le flou total.
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Affaire à suivre.
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Binta Gadiaga
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