Suite à notre enquête sur l’ambassade du Nigéria au Mali, enquête pendant laquelle nous avons écouté l’ambassadeur, les chauffeurs exclus, pour ne pas dire licenciés de façon arbitraire, commencent à parler. L’un entre eux, qui dit y avoir passé 20 ans, digère mal son licenciement et dénonce le mépris que l’ambassadeur affiche vis-à-vis du personnel. «Quand il vous donne rendez-vous à 10 heures, c’est à 18 heures qu’il arrive au bureau ; souvent, il vient à 13 heures pour répartir immédiatement», explique notre interlocuteur.
Les chauffeurs, disons les ex-chauffeurs de l’ambassade du Nigéria au Mali, dénoncent des licenciements arbitraires par la seule volonté de l’ambassadeur, qui a juré de changer le personnel de l’ambassade avant son départ du Mali, prévu pour la fin de ce mois. L’un entre eux a conduit la voiture officielle de l’ambassadeur pendant 3 ans. Il a été licencié le 3 mars 2016.
Son problème avec l’ambassadeur date de la visite de celui-ci au Nigéria du 24 décembre 2014 au 26 janvier 2015. Il a conduit l’ambassadeur du Nigéria à l’aéroport avant de continuer en voiture jusqu’au Nigéria. Sur le trajet, la femme de l’ambassadeur l’appela pour savoir si l’ambassadeur ne profitait pas de son séjour pour aller voir ses ex-copines. Le chauffeur lui répondra par un silence de cimetière. Toute chose qui a écorcé la sensibilité de l’épouse de l’ambassadeur.
Au retour de la mission au Nigéria, l’épouse du diplomate nigérian a dit à son mari qu’elle ne souhaitait plus voir son chauffeur. Depuis, l’ambassadeur cherchait un moyen pour se débarrasser de son chauffeur personnel. Plus tard, ce dernier prendra un congé d’une semaine pour se rendre au chevet de son père à Ségou, qui était gravement malade. Il décédera par la suite. C’est à son retour que l’ambassadeur lui retira la clé de la voiture, et mettra fin à son travail à l’ambassade.
Notre interlocuteur explique que l’ambassadeur nigérian ne peut rien refuser à son épouse, qui est l’origine de sa nomination à ce poste, à travers ses relations avec l’ex-président Goodluck Jonathan. Et de pester : «Je n’ai jamais vu un homme aussi méchant dans ma vie. Il a même refusé la retraite d’un interprète. Il ne veut pas nous payer parce qu’avec nos droits, on peut faire quelque chose dans la vie et oublier l’ambassade».
Pour ainsi dire, les désormais chauffeurs de l’ambassade du Nigéria au Mali ne décolèrent pas contre l’ambassadeur qui est à la base de leur malheur. Notre vis-à-vis dénonce par ailleurs le calvaire des chauffeurs qui montent à 6 heures du matin pour descendre souvent à 04 heures du matin.
«J’ai tout donné à cette ambassade pendant plus de 20 ans, mais voilà comment on me récompense. L’ambassadeur a mis des caméras de surveillance un peu partout. Il regarde tout ce qui se passe à partir de sa chambre. Pas de promotion, pas de congés, aucun avantage lié au travail et voilà que nous sommes tous chassés un à un», se plaint-il.
Les chauffeurs continuent à se battre pour obtenir leur certificat de travail que l’ambassadeur leur refuse. En attendant de recouvrer leurs droits, ils estiment que l’Etat malien aussi doit réclamer ses droits à l’ambassade du Nigeria au Mali, car aucun véhicule de l’ambassade n’est en règle : elles sont toutes sans assurance, y compris la voiture officielle de l’ambassadeur.
Békaye DEMBELE