Kalilou Diallo, né vers 1991 à Batroubougou dans le cercle de Nara, est berger domicilié à N’Gémou Sénékoro I. Il est marié et sans enfant. Il a comparu à la barre de la Cour d’assises le mardi 23 mars 2021 pour coups mortels. Des faits prévus et punis par l’article 202 du code pénal.
Courant le 11 décembre 2017 à N’Gémou, dans le cercle de Kolokani. Vers 3h du matin, Bakary Kanté, alerté par des bruits inhabituels à cette heure de la nuit au niveau de son champ situé à la lisière des habitations, réveille son neveu Datou Kanté et Gaoussou Diarra son employé, par précaution, à l’effet de procéder à des investigations. Immédiatement, ils aperçoivent Kalilou Diallo, un berger du secteur en train de faire paître les animaux dans leurs champs de mil. Alors, une discussion s’engage entre le berger et Bakary Kanté qui a son fusil à l’épaule. Les deux autres s’affairent à chasser les animaux, notamment des ovins et des caprins pour les mettre hors des cultures.
Soudain, ils entendent des gémissements provenant du côté où se trouvent Bakary Kanté et le berger. A leur arrivée sur les lieux, ils constatent à leur grande stupéfaction que Kalilou Diallo a assommé Bakary Kanté à l’aide de son bâton en lui assénant un coup au niveau de son pariétal gauche, zone située juste derrière l’oreille et qu’il s’est emparé de son fusil avec lequel il le tenait en joug. Par la suite, il a pris la fuite. La victime ayant perdu connaissance a été transportée d’abord au centre de santé communautaire de Toumanibougou, avant d’être évacuée sur le centre de santé de Kolokani, puis à l’hôpital du Point G de Bamako.
Bakary Kanté rend l’âme le 15 décembre 2017 des suites de ses blessures comme l’atteste le certificat médical versé au dossier et établi par le Professeur Drissa Kanikomo, en date du 8 janvier 2018. L’information judiciaire ouverte aboutit à l’inculpation de Kalilou Diallo pour coups mortels. Interpellé, il reconnait sans ambages les faits de coups à lui reprochés tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur, même s’il tente, sans véritablement convaincre, de justifier son acte par la crainte d’être tué par les paysans. En effet, il soutient avoir lui-même asséné le coup fatal, avant même que Bakary Kanté n’ait le temps d’enlever son arme placée sur son épaule.
L’inculpé Kalilou Diallo, à la barre, dit que Bakary voulait lui tirer dessus parce que les autres avec qui il était lui dictaient de le faire. Il y avait environ 5 mètres entre eux.
A la question de savoir comment lui seul a pu désarmer Bakary et tenir en respect les six autres comme il le dit, il répond : “C’est un fait de Dieu”. La présidente de la Cour lui demande s’il a dépéri entre temps parce qu’elle ne peut pas l’imaginer devant quelqu’un qui a un fusil, accompagné de six autres hommes et qu’il puisse prendre le dessus et s’en tirer. Kalilou Diallo dit qu’il a maigri.
L’avocat de la défense demande à son client : “Entre ta version et celle des témoins, laquelle doit-on maintenir ?” Il répond : “La mienne, quelqu’un m’a même donné un coup aussi lorsque j’ai voulu utiliser le fusil et ils ont pris la tangente parce-que c’est moi qui le détenais désormais”. Un accesseur pose la question que si c’était dans l’intention de désarmer seulement la victime, pourquoi lorsqu’elle est tombée il ne lui a pas porté secours, il répond : “C’est quand j’ai voulu l’aider que quelqu’un m’a donné un coup, je suis tombé aussi. Je me suis même évanoui.”
Les faits, selon Gaoussou Diarra, l’employé de la victime et témoin de l’affaire : “Quand Bakary nous a réveillés pour qu’on aille voir ensemble ce qui se passe, arrivé au champ, on a directement vu les animaux dispersés partout à travers le champ. Nous deux nous nous sommes répartis. Pendant que Bakary disait au berger qu’il lui dit chaque fois de ne pas laisser les animaux entrer dans le champ, nous chassions les animaux. Tout d’un coup, j’ai entendu Bakary tomber et quand je suis arrivé, le berger, Kalilou Diallo, était en train de fuir en nous pointant le fusil. C’est là que j’ai appelé le grand frère de la victime, Sidy Kanté, qui est venu du village. Bakary était en train de saigner de l’oreille et il ne bougeait pas lorsque je partais”, a-t-il déclaré. Aux dires de Sidy Kanté, lorsqu’il est arrivé, Bakary Kanté était par terre, en train de saigner des deux oreilles et sa nuque était fracassée.
Le ministère public pense que le système de désarmement de Kalilou était de tuer Bakary, lui enlever son fusil et faire disperser les autres par peur parce qu’il ne voulait pas faire partir ses animaux de là, les amener au village afin de trouver une solution chez le chef de village. “La victime, après le dialogue, s’en allait et c’est là que l’inculpé l’a surpris au dos et lui a administré les coups. Un jour, dans une affaire de berger et agriculteur, j’ai posé la question au berger qui a donné 7 coups à la victime, à savoir s’il voulait tuer la victime, il m’a répondu non et que si un berger veut tuer quelqu’un, c’est un seul coup de bâton à la nuque ou en dessus de l’oreille qu’ils tuent même les lions avec ce système. C’est juste pour vous dire que l’accusé Kalilou Diallo a prémédité son crime”, indique le ministère public.
De ce fait, le ministère public requiert 5 ans d’emprisonnement pour Kalilou Diallo parce qu’il n’a montré aucun signe de remord et qu’il n’a pas demandé pardon à la partie civile. En dernier mot, il demande juste la clémence de la Cour pour sa propre liberté.
L’avocat de la défense a pour sa part trouvé qu’il n’y a ni témoin dans cette affaire ni preuve et qu’il y a un doute dans ce dossier.
La Cour, après avoir reconnu Kalilou coupable des faits à lui reprochés, l’a condamné à 5 ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis. Marie DEMBELE