Aboubacar Sacko, né le 26 mars 1989 à Bamako, célibataire et sans enfant, commerçant domicilié au quartier Hippodrome I, est jugé le lundi 08 mars 2021 devant la Cour d’assises de Bamako. Il est condamné à la réclusion à perpétuité et au paiement de 100 millions Fcfa pour avoir tué son ami Kalilou Coulibaly.
Aboubacar Sacko est inculpé d’assassinat et de corruption active, des faits prévus et punis par les articles 199, 200, 120 et 122 du code pénal.
Le samedi 05 janvier 2019, aux environs de 15h, le sieur Kalilou Coulibaly quitte le grand marché de Bamako où il mène plusieurs activités commerciales, sans dire mot à ses collaborateurs travaillant avec lui. Le même jour, au moment de faire le décompte des recettes journalières vers 17h, un de ses frères du nom de Ousmane Coulibaly l’appelle. Il répond à ce dernier et lui ordonne de commencer, en tenant compte qu’il est parti avec la somme de 500 000 Fcfa.
Après le décompte, les employés, dont ses frères pour la plupart, rentrent à la maison. Mais lui, à 22h passées, ne rentre pas encore à son domicile. Les tentatives pour le joindre sont infructueuses, son portable étant sur répondeur. C’est ainsi que sa deuxième épouse, ayant constaté cette situation, informe un de ses frères du nom de Cheick Oumar Coulibaly. Celui-ci appelle deux autres frères, leur demandant s’ils ont des nouvelles de Kalilou qui n’a pas encore regagné son foyer jusqu’à cette heure tardive de la nuit.
La famille forme aussitôt une équipe de recherches. Chacun se mettent à appeler ses amis et connaissances pour avoir de ses nouvelles.
Dans la même nuit, ses amis, Mahamadou Dianka, Youssouf Dramé et Aboubacar Sacko, sont mis au courant. Chacun, à son tour, mène des recherches avant d’informer les autorités de la disparition de Kalilou Coulibaly.
Face à cette situation, ses frères se rendent nuitamment aux urgences de l’hôpital Gabriel Touré, à la gendarmerie du camp I de Bamako, aux commissariats de police des 1er et 2ème arrondissements du district de Bamako.
Le lendemain matin, dimanche, les frères de Kalilou Coulibaly reprennent les recherches. Mais lorsqu’ils informent leur oncle, le nommé Cheickna Fofana, celui-ci leur fait entendre que la veille, notamment le samedi, à 17h, il a appelé Kalilou qui lui avait dit se trouver sur le terrain dans la commune rurale de Safo, cercle de Kati, mais que ce n’était pas au sujet d’une vente le concernant.
A partir de cette information et sachant bien que Kalilou Coulibaly faisait des transactions foncières avec Aboubacar Sacko, ses frères ont demandé à ce dernier de leur indiquer le chemin menant à la commune rurale de Safo. Le nommé Aboubacar Sacko leur a fait croire qu’il ne pouvait les amener. Mais lorsqu’ils ont eu des explications que Safo se trouvait derrière Djalakorodji, le susnommé a décidé de les accompagner audit lieu.
Lorsqu’ils sont arrivés au poste de Gendarmerie de Safo, ils ont fait une déclaration en présence d’Aboubacar Sacko, puis à Torodo, auprès du chef de village. Après leur retour du village de Torodo, ils se sont rendus à la Brigade des mœurs pour faire une nouvelle déclaration.
Ensuite, après avoir saisi par plainte le parquet du tribunal de la commune III du district de Bamako pour porter plainte, procureur décide de l’ouverture d’une enquête qu’il confie à la Brigade d’Investigations Judiciaires (BIJ).
C’est pendant ce temps qu’Aboubacar Sacko fait des révélations à Mahamadou Djanka, à la suite d’une rencontre au niveau du garage auto situé en face de “Oumou-Sang” sis à Djélibougou. Il laisse entendre à Djanka que plusieurs personnes sont en train de l’appeler et que ces dernières le soupçonnent d’avoir tué le sieur Kalilou et de l’avoir jeté dans un puits. Egalement, il demandé à Djanka s’il était au courant des affaires entre lui et Kalilou, tout en lui faisant croire que la victime pouvait disparaitre sans qu’on ne sache comment. Et s’il était entre les mains de bandits, qu’est-ce qui pourrait arriver ? Demande-t-il.
Muni de ces révélations graves à l’encontre d’Aboubacar Sacko, Mahamadou Djanka en fait part aux frères de Kalilou Coulibaly, avant d’en informer les agents de la BIJ, saisis de l’affaire. C’est ainsi que ces derniers convoquent Aboubacar Sacko qui, le même jour, s’y rend en compagnie des frères de Kalilou. Arrivés à la mairie de cette localité, Aboubacar Sacko appelle Djanka à côté pour lui reprocher d’avoir raconté à la BIJ tout ce qui s’est passé entre eux lors de leur rencontre. Les enquêteurs reviennent sans aucune nouvelle.
Sachant que les enquêteurs ont des informations à son encontre, notamment sur la disparition de Kalilou, Aboubacar Sacko arrête toute collaboration avec les parents de Kalilou, mais ceux-ci continuent de le soupçonner.
Subitement, un individu se présente à eux pour les informer que Kalilou lui avait envoyé mercredi dernier une personne pour qu’ils aillent voir une parcelle dans la commune de Safo et qu’il est en mesure de les conduire audit lieu.
Aussitôt, ses parents, accompagnés d’une équipe des enquêteurs de la BIJ, font cap sur la commune de Safo jusqu’au domaine d’Aboubacar Sacko où les agents ouvrent la porte de la cour, avant de procéder à une fouille minutieuse. Ne trouvant aucun objet en lien avec l’existence d’un meurtre, leur attention se porte cependant sur un tas de sable amassé à l’angle, à gauche de ladite cour. La nuit s’annonçant, l’inspecteur en charge de l’affaire sur le terrain ordonne de revenir à Bamako pour ensuite retourner le lendemain.
Sur le chemin de retour, les enquêteurs reçoivent l’information qu’Aboubacar Sacko est placé en garde à vue par le commandant de la BIJ qui a remarqué que dès qu’il a été appelé par quelqu’un pour lui dire que les enquêteurs sont rentrés dans sa concession à Safo, il a commencé à trembler.
Après quelques interrogatoires sur son attitude, Aboubacar Sacko passe aux aveux et reconnaît que Kalilou se trouve au lieu que les enquêteurs ont quitté. Il les accompagne et explique exactement ce qui s’est passé.
En effet, il indique qu’il y a un puits en dessous du sable, dans lequel le corps de Kalilou se trouve. Il dit l’avoir tiré de force vers le puits, avant de le pousser à l’intérieur et jeté ensuite des cailloux et des briques sur lui pour l’empêcher de crier ou d’en sortir. Ensuite, il a coupé des herbes et des branches d’arbres pour cacher le corps et qu’à la suite des déclarations de Djanka à la BIJ, il a rempli le puits avec du sable pour faire disparaitre les traces.
Outre ce crime reproché à Aboubacar Sacko, il est à souligner que, pendant l’enquête, celui-ci a sollicité l’aide des agents de la BIJ afin de se soustraire à la justice en leur proposant la somme de 760 000 Fcfa, toute chose que les enquêteurs refusent. Son gardien aussi, le nommé Magnan, supposé être présent au moment des faits, a pris la tangente. Partant de ces faits, le parquet de céans ouvre une information judiciaire contre Aboubacar Sacko et Magnan pour assassinat et corruption active.
Attendu que le nommé Magnan est poursuivi en même temps qu’Aboubacar Sacko pour les faits d’assassinat et corruption, il ressort clairement de l’examen du dossier que ce dernier n’a jamais été retrouvé ni appréhendé pour ensuite être inculpé par le magistrat instructeur.
Me Amadou B. Traoré de la défense sollicitait la mise en liberté de son client car, soutient-il, l’inculpé a reconnu les faits qui lui sont reprochés. Ainsi donc, pour l’avocat, la détention de son client n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité. En outre, explique-t-il, l’état mental de l’inculpé risque de s’aggraver.
Il ressort du rapport de la police scientifique qu’après la découverte du corps de Kalilou, le constat suivant est fait : “Absence de l’œil droit qui n’était pas dans son orbite, son nez, son crâne, son cou, ses côtes, son genou droit et ses trois doigts étaient fracturés.”
Ces faits sont la suite logique des menaces proférées par Aboubacar Sacko à l’encontre de Kalilou, quelques jours avant le meurtre, en lui disant que s’il ne lui payait pas son argent, les musulmans prieront sur son cadavre. Ce qu’il a confirmé lors de son interrogatoire sur le fond, d’où la préméditation.
En conclusion, ces différents actes constants commis en connaissance de cause dans les circonstances ci-dessus décrites, révèlent suffisamment d’éléments à charge contre l’inculpé.
A la barre, l’accusé tente de modifier les faits sans succès. Finalement, il les reconnait et soutient : “Je l’ai tué, jeté dans le puits, fait descendre les briques et les cailloux aux abords du puits sur lui, avant de boucher le puits avec deux chargements de sable sur lui”, affirme Aboubacar Sacko.
Après 9 heures d’échanges, de témoignages et d’aveux, la Cour, après délibération, déclare l’accusé coupable des faits qui sont reprochés et le condamne à la réclusion à perpétuité et au paiement de 100 millions de Fcfa de dommages et intérêts à la partie civile.
Il faut savoir que cette peine est prononcée pour les crimes les plus graves qui consistent théoriquement en l’incarcération d’un criminel jusqu’à sa mort.
Marie DEMBELE