Le 14 août 2017, le monde a assisté impuissant et sidéré (presqu’en direct) à une catastrophe humanitaire sans précédent en Sierra Leone. Trois jours de pluies torrentielles ont provoqué des glissements de terrain, notamment dans la capitale. Plus de 450 personnes ont ainsi trouvé la mort (plus de 600 blessés) exposant le pays à des épidémies de toutes sortes. La pire catastrophe naturelle à avoir frappé l’Afrique depuis vingt ans ! C’est ce qui s’est sans doute produit en Sierra Leone le 14 août 2017.
Des centaines de personnes ont été tuées ce jour en Sierra Leone, emportées par des torrents de boue. Ce drame aurait-il pu être évité ? Comment expliquer la violence de cette inondation et du glissement de terrain qu’elle a provoquée ? Le changement climatique est-il la cause de ce drame ? Autant de questions qu’on ne peut s’empêcher de se poser face à l’ampleur de la tragédie.
Abordant le sujet, de nombreux experts ont mis en évidence un faisceau d’éléments qui montrent que le réchauffement de la planète entraîne des manifestations météorologiques et climatiques. Ainsi, les rythmes de saison et les amplitudes de ces saisons deviennent de plus en plus erratiques. Une triste réalité que «les habitants de Freetown viennent de vivre dans leur chair et dans leur sang». «Cela va empirer à cause du fait que les villes se construisent sur des sites impropres. Et manifestement, cette croissance urbaine dépasse les capacités d’organisation et de planification de la plupart des défis. Et ça, c’est un drame aussi», a averti Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général de l’organisation panafricaine des Cités et gouvernements unis d’Afrique (CGLUA). C’était dans un entretien accordé à notre consœur Léa-Lisa Westerhoff de RFI. «Le réchauffement de la planète entraîne des manifestations météorologiques et climatiques qui font que les rythmes de saison, les amplitudes de ces saisons, deviennent de plus en plus erratiques», a-t-il précisé. «Les villes s’accroissent à un rythme tel qu’on ne sait pas planifier l’arrivée des gens avant qu’ils s’installent. Et comme les gens s’installent là où ils le peuvent, au plus près des possibilités d’emploi. Souvent, ils s’installent sur des sites impropres», a poursuivi Jean-Pierre Elong Mbassi.
Une description qui n’est pas sans rappeler Bamako où les quartiers spontanés font légion et drames liés aux inondations pendant la saison des pluies. Aujourd’hui, on ne cesse d’installer des maisons sur des terrains en pente, donc très exposés à l’érosion. Ce qui les expose à des risques d’être emportées par les glissements de terrain comme ce qui a été tragiquement vécu en Sierra Leone. Ainsi, le lundi 14 août à Regent (un faubourg de la capitale sierra léonaise), c’est tout un pan de colline qui a été arraché par les pluies causant plusieurs centaines de morts.
Comme à Freetown, à Bamako, on ne cesse de dégarnir les pentes des montagnes qui jalonnent la capitale. La végétation est décimée pour faire place souvent à des habitats informels. Alors que l’idéal aurait été de les reboiser pour éviter une érosion massive et périlleuse. À la différence que la capitale Sierra léonaise a une façade maritime, elle a beaucoup de similitude avec la nôtre en termes de démographie et d’urbanisation. «Je ne pense pas que l’on puisse éviter les catastrophes naturelles, parce que la nature est nettement plus forte que ce que nous pouvons imaginer… Mais on peut éviter les impacts les plus catastrophiques par la prévention», a souligné Jean-Pierre Elong Mbassi dans l’entretien accordé à RFI. Il a notamment fait allusion au Protocole de Sendaï.
Il s’agit de la conférence mondiale des Nations unies sur la réduction des risques, qui s’est tenue à Sendai (Japon) en mars 2015 et qui a abouti à un accord pour la réduction des risques de catastrophe. Malheureusement, les accords sont le plus souvent arrangés dans les tiroirs une fois signés. Et personne n’en parle jusqu’à ce qu’une tragédie survienne. Ainsi, à l’image de Bamako, rares sont les villes africaines qui appliquent les dispositions du Protocole de Sendaï. Sinon à Freetown, est convaincu M. Elong Mbassi, «si les pentes des collines avaient été plantées d’arbres, plutôt qu’occupées par l’habitat spontané, probablement que l’impact de la catastrophe aurait été moindre».
Comme cette ville maritime (Freetown), Bamako est exposée à un risque d’inondation, d’érosion des collines environnantes à cause de l’urbanisation sauvage de la ville. Et cela d’autant plus que la capitale est fondée sur les bords du fleuve Niger à l’embouchure de plusieurs cours d’eau surgissant des chaînes montagneuses qui l’entourent. Face à une démographie galopante, les quartiers ont occupé les lits des marigots et rivières. Et les flancs des collines ne sont pas épargnés. La voracité et la spéculation foncières sont telles que tous semblent être inconscients des menaces que ces occupations créent.
Et comment se prémunit-on contre ces risques ?
«Il faut d’abord planifier l’occupation du sol pour diminuer ces risques», conseille Jean-Pierre Elong Mbassi. Et d’ajouter, «on sait modéliser les risques de catastrophes. On sait que les lits supérieurs des rivières ou des fleuves qui traversent la ville ne doivent pas être occupés par des habitations. On le sait». Et, pour cet expert, «on sait que ça arrive tous les dix, vingt ans. Et quand ça arrive, ça emporte tout ce qui est dans le lit supérieur. Donc on peut planifier, et on peut commencer à réorganiser l’occupation du sol en fonction du risque des catastrophes».
Ce qui s’est passé à Freetown le 14 août 2017 est un dramatique avertissement qui doit pousser nos décideurs (élus locaux, pouvoirs politiques et société civile) à une rapide prise de conscience pour se mettre à l’abri. Il est indispensable de dépoussiérer le «Protocole de Sendaï» et de penser à élaborer des systèmes d’alerte pour que, lorsqu’une catastrophe se déclenche, l’on sache quoi faire en aval, l’on sache comment contenir les effets de cette catastrophe. Il ne s’agit pas d’inventer la roue car certaines villes le font déjà. Il faut s’inspirer de leurs expériences et adapter les systèmes au contexte local. L’homme est le plus désarmé face à une catastrophe naturelle même s’il sait qu’il ne peut récolter que la tempête en semant le vent.
On peut ainsi minimiser leur impact et leurs conséquences en adoptant un comportement responsable et en se préparant toujours au pire. Et cela n’est pas de la seule responsabilité des autorités publiques. Celle des habitants est aussi engagée car, comme le rappelle si pertinemment Elong Mbassi, si «les populations fouillent dans la mémoire de leur famille, ils savent bien que certaines zones sont des zones dangereuses pour l’habitabilité». Et de conclure : «face à la nature, nous ne sommes pas grand-chose. Mais nous pouvons éviter que l’impact des catastrophes naturelles soit si élevé au point que l’on puisse se demander si nous n’avions jamais eu d’histoire de ces catastrophes». Désormais, personne ne pourra courageusement et objectivement soutenir que, «je ne savais pas» !
Moussa BOLLY