Incroyable mais vrai ! Les populations de Toupéré creusent le sol pour recueillir les eaux de pluies, seule source d’approvisionnement dans ce village.
Toupéré. Mille habitants. Bourgade située au flanc de la colline et frappée d’un soleil de plomb. Il est 11 heures lorsque nous arrivons dans ce village à quelque 20 km de Boni dans le cercle de Douentza, région de Mopti. Le principal problème ici est l’accès à l’eau, même pas potable, l’eau tout court ! Toupéré est essentiellement peuplé d’éleveurs et d’agriculteurs peuls et dogons, et compte parmi les localités qui ont réussi la prouesse d’éradiquer le ver de Guinée depuis trois ans. Mais, en l’absence de source d’eau potable, et surtout à cause de l’inaccessibilité de la nappe phréatique par les moyens d’exore traditionnels, les populations aménagent tout autour du village de grandes fosses où sont collectées les eaux de ruissellement pendant la saison pluvieuse.
Les réserves d’eau ainsi constituées et appelées en langue locale «Yogododji» sont couvertes de branchages (pour atténuer l’effet de l’évaporation) et constituent la source exclusive d’eau pour les habitants et leurs bêtes.
Pire, à Toupéré, il n’y a qu’un seul puits, ce qui fait que chaque famille, chaque ménage, doit creuser son propre réservoir avant l’arrivée des pluies pour pourvoir disposer d’eau pendant toute l’année. Selon le chef du village, Boureima Ambassako Guindo, ces retenues d’eaux sont insuffisantes pour les besoins de la consommation, sans parler de leur mauvaise qualité. Ses administrés sont donc obligés de parcourir des kilomètres pour aller chercher de l’eau dans les bourgades voisines.
Calvaire des élèves
Ceux qui souffrent le plus de ce problème d’eau, ce sont les enfants et en particulier les quelque 300 élèves de l’école du village. Ils sont logés à la même enseigne que le reste du village et doivent abandonner les classes pendant des heures pour creuser les fameux réservoirs à eau de pluie. La fréquentation scolaire s’en ressent donc énormément, particulièrement celle des jeunes filles, à cause des corvées d’eau pendant les périodes de tarissement de la réserve scolaire. Les élèves et surtout les jeunes filles doivent alors aller chercher l’eau à trois kilomètres de leur école, dans les villages les plus proches tels que Tega ou Tabi). Cette corvée d’eau entraîne un taux d’absentéisme et d’abandon très élevé.
Selon le directeur de l’école de Toupéré, les élèves s’absentent pour aider leurs parents à creuser des trous pour la réserve d’eau pendant l’hivernage selon la méthode traditionnelle est appelée YOGODODJI en fulfulden. Le directeur ajoute que le personnel enseignant utilise le lalin (produit chimique qui rend l’eau consommable) pour pouvoir boire de l’eau. Impossible d’avoir un puits dans la cour de l’école ! Le directeur témoigne qu’une ONG a creusé un puits à grand diamètre avec une profondeur de 63 m mais n’a pas pu atteindre la nappe phréatique.
Le manque d’eau potable est toujours source de maladies. A Toupéré, le médecin – chef de Boni, Souleymane Diarra, reçoit dans son centre de nombreux malades qui souffrent de la diarrhée et des maux de ventre terribles. «On appelle ces cas les maladies hydriques. Ils viennent après avoir échoué des traitements de la médecine traditionnelle. Maintenant nous développons la stratégie information éducation et communication(IEC) lors de nos campagnes de vaccination, cela nous parait nécessaire pour freiner l’épidémie de maladies hydriques que nous connaissons » témoigne –t-il.
Cette situation provoque l’exode des fils du village. Daouda Coulibaly est un enseignant qui a fui le village à cause du manque d’eau. Agent de comptable actuellement à la Direction régionale de la santé, Daouda a d’abord servi le village de Toupéré, de 2007 à 2010, comme enseignant contractuel. Trois ans de calvaire au bout desquels il a décidé un jour de partir à Sévaré pour ne plus revenir. Mais il est convaincu que quelque chose doit être fait pour les populations qui n’ont que trop souffert. C’est donc lui qui a tiré la sonnette d’alarme et informé certaines ONG et l’UNICEF qui sont venues sur le terrain se rendre compte par elles-mêmes et apporter le secours attendu depuis si longtemps à Toupéré.
Modibo Fofana *Envoyé spécial