Long de 4 184 km, le fleuve Niger, sève nourricière de plusieurs dizaines de millions d’habitants en Guinée, au Mali, au Niger, au Bénin et au Nigeria, est menacé de toutes parts. Au moment où la fête de l’environnement bat son plein à Kayes, une décharge sauvage croit dans son lit, à Bamako. C’est à la descente du Pont Fahd, en quittant le centre ville. Comble de malheur: les travaux de dragage de ce fleuve peinent à démarrer.
Assise sur un rocher au bord du fleuve, les cheveux pleins de mousses, Fatouma prend un bain. Des sachets plastiques flottent dans l’eau tout près d’elle. D’autres sachets contenant probablement d’autres déchets sont en partie submergés. Derrière elle, à 5 mètres, se trouve un dépotoir sauvage. Pourtant, Fatouma ne semble pas être gênée par ces ordures ménagères. Au contraire, tant que l’eau est ‘’propre’’, déclare-t-elle, elle viendra y faire sa toilette.
Non loin de là, Lassine Sidibé, un cinquantenaire, s’attèle à l’arrosage de son champ de gombo. Depuis 20 ans, il cultive son potager, chaque été. Mais cela fait quelques années qu’une inquiétude le tracasse. Son espace de travail saisonnier se rétrécit chaque année un peu plus. «D’abord, nous avons dû nous battre contre la construction des villas dans le lit du fleuve où nous cultivions jadis. Sans succès. Aujourd’hui, ce sont les déchets de tout genre qui sont déversés ici. Avec la hausse des crues, une partie des déchets sont emportés. Mais la décharge s’agrandit, année après année », indique-t-il.
« Pour dégager notre responsabilité, nous avons alerté les autorités communautaires, l’année dernière », poursuit notre interlocuteur. « Les agents de la Mairie de la Commune V sont venus planter cette plaque d’interdiction de déposer les ordures que vous voyez là-bas», ajoute Lassine, en montrant du doigt un panneau situé avant la décharge. Problème: sur la plaque désignée par Lassine, il est écrit : « Espace Communautaire de Torokorobougou, à ne pas toucher ». Installé sur les racines d’un arbre solitaire, dont une grande partie est exposée, grâce à l’érosion du sol, Amidou Doumbia se joint à la conversation. « Cette décharge augmente de volume chaque jour, mais vous ne verrez personne y déverser ses déchets. Ça se passe la nuit. Les gens viennent y déposer les ordures avant le lever du jour », explique-t-il.
Les travaux de dragage bloqués
Prévus, d’abord pour le mois de février, ensuite pour le mois d’avril, les travaux de réhabilitations du fleuve Niger n’ont, toujours pas démarré à ce jour. D’un coût global estimé à 155 milliards FCFA, le financement du projet est disponible. L’entreprise néerlandaise BIG Machinery, choisie pour ses équipements de dernière génération et son expertise unique dans ce domaine, est prête pour exécuter ce projet. Problème: un conflit de compétence entre le ministre de l’Environnement, Ousmane Koné et son homologue des Investissements Konimba Sidibé bloque le début des travaux.
La 17e édition de la Quinzaine de l’environnement bat son plein à Kayes. Au programme cette année, une communication sur le « changement des comportements ». Il ne reste plus qu’à espérer que cela soit favorable au fleuve Niger qui vit une catastrophe écologique. D’autre part, que nos deux ministres pensent aux millions de pêcheurs, de cultivateurs, de maraichers, d’éleveurs qui dépendent de ce fleuve.
Mamadou TOGOLA