La protection de l’environnement est aujourd’hui un facteur incontournable du développement durable. Elle doit dont être une priorité absolue aussi bien pour les populations que pour les décideurs. Ces derniers ont également la lourde responsabilité de prendre des mesures de protection à travers l’information et la sensibilisation des populations ainsi que de répression des pratiques périlleuses pour l’écologie comme l’orpaillage par dragage des cours d’eau. Malheureusement, le pouvoir politique a failli à cette mission salutaire ces dernières années en laissant l’anarchie des exploitants (le plus souvent des étrangers) menacer non seulement notre environnement, mais aussi et surtout priver des populations de leurs moyens d’existence. Une défaillance que le gouvernement actuel veut corriger.
L’eau est source de vie ! Cela est presque connu de tous. Sauf que c’est de moins en moins le cas pour les riverains de nos différents cours d’eau dangereusement pollués par l’orpaillage sauvage utilisant les dragues et des produits chimiques. La vie (humaine, faune et flore) est ainsi en voie d’extinction tout au long de la Falémé, principal affluent du fleuve Sénégal. Une rivière de plus en plus polluée par l’orpaillage illégal au point de pousser les populations de 21 villages de la commune rurale de Faléa à se regrouper au sein de l’Association Action Solidarité Faléa (ASFA 21) pour assurer leur survie. Cette organisation a ainsi commandité une étude scientifique pour mesurer l’ampleur de la pollution du cours d’eau et alerter l’opinion.
Pour mener l’étude, l’enquêteur a effectué des prélèvements à plusieurs endroits de la Falémé. Des eaux de forages ont été ausi prélevées dans des villages environnants, notamment à Diaka, Trondolito, Faléa, Djoulafoundo et dans un puits à Diaby. Publié en mars 2018, sous le titre de «Rapport d’étude sur les différentes sources de pollution de la Falémé et de ses affluents dans les communes de Dabia, Faléa, Faraba et Kéniéba», il établit des liens indiscutables entre la pollution du cours d’eau et l’orpaillage ainsi que les produits chimiques. Dans le cercle de Kéniéba, l’orpaillage a presque toujours constitué la principale source de revenus des populations. Mais, depuis 2013, le phénomène s’est accentué avec l’arrivée des orpailleurs étrangers utilisant des produits chimiques hautement toxiques, dont le mercure et le cyanure, et des dragues. En 2018, on estimait le nombre de dragues à 600 dans la seule commune de Kéniéba.
Par le mécanisme de l’extraction, les dragues rejettent généralement d’énormes quantités de matériaux qui forment des monticules et des îlots dans le lit des cours d’eau. C’est pourquoi ces dernières années des spécialistes ont déploré une pollution à travers certains types de métaux dont «la présence dans notre organisme est très grave, car pouvant causer de graves problèmes de santé en interférant avec le fonctionnement biologique normal». L’arsenic, le cuivre, le fer, le plomb, le mercure, l’alcalin constituent… sont les principaux métaux lourds que l’on retrouve aujourd’hui dans la plupart de nos cours d’eau à cause de l’orpaillage à la drague.
L’Etat va-t-il s’assumer et rigoureusement sévir ?
«A fortes concentrations dans le corps, les métaux lourds remplacent les minéraux essentiels. Ils ont des effets qui augmentent la résistance des bactéries. Ils neutralisent aussi les acides aminés utilisés pour la détoxication et causent des allergies», s’inquiète un hydro-sédimentologue. Tout le monde est conscient de ce péril qui ne fait que s’accentuer avec la complicité passive ou active des services de l’Etat, des notabilités et des élus locaux.
L’Etat n’a jamais su faire respecter les réglementations en matière d’orpaillage pour protéger l’environnement. Des opérations de répression sont opportunément organisées pour donner aux populations l’impression d’agir. Une action salvatrice est ainsi attendue des autorités de transition dans ce domaine. En tout cas, lors du conseil des ministres de mercredi dernier (27 octobre 2021), le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable a informé de l’agression des cours d’eau par les activités d’exploration et d’exploitation aurifères par drague. Et cela «malgré l’interdiction de l’exploitation de substances minérales dans les lits des cours d’eau par drague».
Mais, force est de constater que, depuis plusieurs années, l’exploitation illégale de l’or par drague sur les fleuves Niger et Sénégal et sur certains de leurs affluents ; l’occupation des galeries forestières classées ; la délivrance illégale par certaines organisations professionnelles de cartes d’exploitants de dragues ; la perception de taxes à plusieurs niveaux et parfois par des acteurs n’ayant aucune qualité ; la pollution par des produits tels que le mercure et le cyanure des cours d’eau partagés, en violation des accords internationaux signés et ratifiés par notre pays ; les eaux turbides et boueuses préjudiciables aux systèmes de pompage et d’exploitation de certains offices et sociétés ; les conflits entre pêcheurs et chercheurs d’or par dragues.
La sensibilisation a montré ses limites
Face à ces menaces, le conseil des ministres a recommandé la poursuite des campagnes d’information et de sensibilisation des acteurs concernés ; des opérations de déguerpissement des dragues ; des missions de surveillance des cours d’eau après les opérations de déguerpissement ; de la mise en œuvre effective des actions préconisées par le Plan d’actions de lutte contre l’exploration et l’exploitation aurifère par drague sur les cours d’eau.
Le conseil des ministres du 27 octobre 2021 a ainsi recommandé la mise en place de Commissions interministérielles de réflexion et de suivi de la mise en œuvre des actions de lutte contre l’exploration et l’exploitation de l’or par drague et de la gestion durable des déchets solides du District de Bamako et de la ville de Kati. Pour quel résultat ? Cela peut être le début du changement en veillant à l’application stricte de deux mesures énoncées dans le communiqué du conseil des ministres : des opérations de déguerpissement des dragues ; des missions de surveillance des cours d’eau après les opérations de déguerpissement. Et surtout le suivi qui a manqué aux précédentes opérations de déguerpissement. Et il faut appliquer la loi dans toute sa rigueur aux contrevenants qui non seulement exploitent indûment des ressources du pays, polluent nos forêts et cours d’eau, mais privent aussi les populations de leurs sources de revenus.
Ce ne sont pas les campagnes d’information et de sensibilisation des acteurs qui ont manqué face à ce péril. Elles ont montré leur limite parce que le plus souvent les relais (services locaux, leaders d’opinions, élus locaux) sont quelque part complices de ces exploitants indélicats qui leur versent des muettes par rapport au gain réalisé et surtout à l’impact de cette exploitation sauvage à cour, moyen et long termes. La menace est telle que, de nos jours, on a dépassé le stade de la sensibilisation. Il faut réprimer sans état d’âme en appliquant la législation dans toute sa rigueur.
C’est la seule méthode efficace aujourd’hui pour parvenir au changement des comportements vis-à-vis de notre environnement très éprouvé !
Moussa Bolly