Fidèle à sa tradition dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la désertification, le Réseau des femmes pour les droits environnementaux (Refede-Mali) et ses partenaires que sont Cari et RéSAD ont décidé de présenter des perspectives à l’endroit des investisseurs pour lutter contre la désertification. C’était ce mercredi 16 juin, au siège du Refede-Mali.
Lancé il y a 15 ans, le projet de Grande Muraille Verte du Sahara et du Sahel n’aurait atteint que 4% de ces objectifs, selon le rapport d’état de mise en œuvre produit par la Cnulcd en 2020. Pourtant, son ambition autant que sa pertinence sont justes et urgentes. Cette initiative panafricaine vise à lutter contre la désertification et la dégradation des terres, les effets du réchauffement climatique, dont les événements extrêmes comme les sécheresses, tout en cherchant à améliorer les conditions de vie des populations.
Selon Mme Kouyaté Goundo Sissoko, présidente dudit réseau, le concept de « muraille » est une métaphore souvent mal comprise et réduite à la plantation d’arbres. En réalité, l’initiative vise à lancer un ensemble de projets comprenant à la fois la préservation et la valorisation des ressources naturelles, le bien-être humain, la lutte contre la pauvreté et la santé environnementale. Début 2021, les institutions et États présents au One Planet Summit, initié par la France, se sont engagés à investir 16 milliards d’euros sur cinq ans pour relancer cette action d’envergure continentale. Faut-il croire à ces promesses ? Du côté de l’investissement privé, les annonces se font attendre, interroge Mme Kouyaté.
« Le recours aux financements privés demeure indispensable pour soutenir le développement, et il peut avoir une place dans les projets de réduction de la dégradation des terres, ou de restauration de terres dégradées à condition d’être orienté vers les bons opérateurs et d’être équilibré entre retours sur investissements et production de bénéfices publics et de ne pas engendrer d’effets délétères, comme l’accaparement de terres au détriment de communautés qui en tirent leur nourriture et leurs revenus. La création d’emplois dans les territoires est un des moyens efficaces pour sortir de la pauvreté, et diverses activités agricoles productives sont tout à fait compatibles avec des pratiques de restauration des terres dégradées, notamment l’agroécologie et l’agroforesterie. En mars dernier, l’Union internationale pour la conservation de la nature a exploré, lors d’une conférence en ligne, comment l’investissement privé dans la Grande muraille verte pourrait contribuer à faire émerger de nouvelles innovations responsables», a souligné Mme Kouyaté Goundo Sissoko.
S’agissant de la méthodologie pour inciter les investisseurs, elle dira qu’au Sahel, l’agriculture occupe une place centrale avec 35% du PIB et 60% de la population active. Le manque d’aménagements isole plus de 70% de la population rurale sur tout le continent. Les filières agricoles sont faiblement structurées et ne permettent pas la création de valeur ajoutée locale et l’emploi.
Concernant les objectifs de développement durable dont la cible 15.3 vise la neutralité en matière de dégradation des terres, des initiatives sont en cours à travers le monde, dont le fonds innovant créé en 2017 en France, en lien avec la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification. Et ceci, pour mobiliser des fonds partiellement garantis afin de financer, par le biais de prêts, des actions permettant de restaurer des terres dégradées et de les valoriser à travers des activités productives. « Si en fin 2020 quelques 220 projets dans le monde entier avait fait l’objet d’un examen à des fins d’investissement, seuls cinq projets sont actuellement en cours de mise en œuvre, démontrant toute la difficulté de réunir les garanties économiques, sociales et environnementales attendues. Ces goulots d’étranglement ne favorisent donc l’accès de ce fonds aux privés des pays en développement en Afrique et spécifiquement le Mali qui connait une crise multidimensionnelle depuis 2012», a-t-elle ajouté.
Aussi, dira-t-elle que les leçons et retours d’expériences du fonds pour la neutralité en matière de dégradation des terres seront donc précieuses pour guider un investissement privé se dotant de hautes attentes en matière de bénéfices écosystémiques et de bénéfices sur les conditions de vie des populations. Cela est d’autant plus crucial pour l’investissement dans la Grande muraille verte qui couvre des zones sahéliennes arides, où la productivité des terres est plus faible que dans des zones où la disponibilité de l’eau est abondante et garantie.
Pour favoriser les investissements privés responsables et profitables aux populations les plus pauvres des pays de la Grande muraille verte, la présidente du Refede-Mali avec ses partenaires que sont l’ONG Cari et RéSAD préconisent également d’orienter les financements vers l’agriculture familiale et paysanne plutôt que vers quelques acteurs agroindustriels de grande ampleur. Les centaines de milliers de petits et moyens opérateurs locaux forment le véritable tissu économique des territoires ruraux du Sahel. Leurs regroupements sous des formes de coopératives peuvent permettre d’atteindre une taille critique pour stabiliser l’offre comme l’accès à des débouchés économiques.
Enfin, elle dira que le Refede-Mali, la grande muraille verte, et ses partenaires du Cari et de RéSAD ont donc décidé d’appeler les institutions publiques, les Gouvernements nationaux et les autorités locales à se saisir du levier de l’investissement et à veiller à ce qu’il remplisse l’ensemble de ces conditions pour qu’il contribue véritablement à la lutte contre la désertification et la dégradation des terres.
Adama TRAORÉ