Le fleuve Niger : C’est notre vie

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Une tête. Un tronc,  Des membres.  Un cœur, une âme. Ce fleuve-là a aussi une histoire. Une histoire si longue qu’elle se perd dans la grisaille du temps. Pourtant…

 

Cette histoire a laissé des traces. Des traces sur l’eau. Des traces sous l’eau. Plusieurs kilomètres en profondeur. Des traces de part et d’autre du fleuve.  Des traces qui renferment leur part de succulence, les hommes. Ceux du Niger. Des hommes qui savent se donner. Comme ce fleuve généreux à la faveur duquel ils se sont retrouvés là.

 

Là, dans ce monde fluide. Solide. Ethérée. La voûte et le bleu. Un monde qui n’existe qu’ici au Niger. Monde féerique qu’explorent l’UNESCO et ses partenaires. Et depuis quelques années déjà. Le ciel est gris. Un ciel gris annonciateur de la pluie. L’espace est infini, comme dit Pascal, Blaise. La terre s’étend à l’infini. L’eau à perte de vue. Le fleuve est si long. 1700Km au Mali. Il s’étire sur 4200Km dont 1700km au Mali. L’homme, tee short vert assorti d’un pantalon vert comme rayé, s’apprête à piéger les poissons. Avec son filet, notamment. Certainement, un Bozo ou un Somono. Car dans cette partie humaine du monde, à chacun son rôle. Le rôle du Bozo ou du Somono c’est la pêche. Ce sont les gens de l’eau.

Mais l’eau, les gens de l’eau la partagent avec d’autres. Agriculteurs Dogons, Bambaras, Malinkés, Sonrhaïs.  Ainsi qu’avec les Soninkés, commerçants, et les nomades, éleveurs peulhs et touareg…etc. Tel est l’équilibre de ce monde. Depuis leur arrivée d’Egypte. Quand sont-ils venus d’Egypte ? Les bozos, l’un des tous premiers habitants de cette zone, se souviennent seulement d’être venus d’Egypte. Nous tenons la thèse du brillant Ka Kanta, historien traditionnaliste bozo de Dia Kéra. Thèse que confirme l’émérite Professeur Youssouf Tata Cissé du Mali.

 

Des bords du Nil qu’ils ont longé au Niger, «terre promise », il s’est passé du temps. Il vaut mieux parler d’aujourd’hui.

 

Un garçon trône dans sa pirogue. Il va à la conquête de l’eau. A l’instar des milliers d’enfants de son âge. L’eau n’a pas de secret pour lui. L’eau c’est sa vie. La vie de sa famille. Celle de sa communauté. Ils y tirent subsistances et joies de vivre. Non loin de là, des femmes. Sur un pont géant, tout en bois. Tout en bas, des hommes s’affairent autour de pirogues. Le fleuve est un rendez-vous. Le Niger plus tout autre fleuve au monde.  Rendez-vous de l’Homme avec l’Homme.  Et dans lequel  l’humain a encore sa place. Toute sa place. Dans ce Rendez-vous, densité et intensité constituent le tempo d’un même et seul roman. Celui du fleuve. Le roman du fleuve Niger ! De l’autre côté,  des pirogues. Tout autour des travailleurs du sable. Ceux qui se nourrissent, se soignent, s’habillent du sable. Sous leur pression, l’eau a revêtu la couleur de la terre. Un peu plus loin,  l’eau semble être pourtant indifférente à cette pression. Ça et là, elle revêt sa propre couleur. Non, l’eau n’est pas bleue. C’est plutôt le ciel. Ah, des îlots. De paix ? Tout autour  rôdent d’autres acteurs du fleuve. Apparemment des bozos à la chasse du gibier aquatique. Ne n’oublions pas ! En milieu bozo, la chasse précède la pêche. Certains Bozos comme les Yenna, les Konta se reconnaissent descendants de Konaté et de Kéïta. Connus pour être des chasseurs par excellence. Avant même d’être mansaren. C’est-à-dire enfants de Mansa.

 

A cet autre endroit du fleuve, une dune. La dune surplombe le fleuve. Des herbes. Font-elles barrage ? La dune menace de pomper toute l’eau du fleuve. Là, l’eau se met à l’aise. Vraiment à l’aise. Le piroguier vogue. Comme vogue son imagination. A quoi pense-t-il ? Contemple-t-il les fleurs qui s’offrent à lui ? Au Niger, la biodiversité est magnifique. Riche. Ou alors pense-t-il au Niger,  « terre promise » d’antan? Encore aujourd’hui, le Niger c’est notre cocagne. Sans les plaisirs ? En tout cas, un pays où convergent tous nos rêves de bonheur. Y compris les plus fous.

 

Le Niger est généreux

Pourtant, nous nous évertuons à contrarier ce même fleuve. A le traumatiser dans son évolution normale. Sans cesse, nous le soumettons à nos lois. Scélérates lois qui n’épargnent ni eau, ni végétation.  Encore moins les animaux. Ou les hommes. En particulier les riverains. Victimes et bourreaux. C’est en effet eux qui transforment le Niger en une gigantesque décharge publique. Au premier chef, Bamako, la coquette. Drôle de coquetterie. Chaque jour, la coquette envoie au Niger au moins 2 000 m3 d’ordures ménagères et 2 200 m3 d’eaux usées. Faites votre calcul annuel. Vous aurez la tragédie qui se joue sur le Niger. Ça va continuer comme ça ? Et jusqu’à quand ? Il faut mettre le holà. Puisque le Niger n’est pas seulement  « un  fleuve et des Hommes ». Encore moins une exposition. Ni même un appel au tourisme. Ou aux capitaux. Occidentaux, chinois ou libyens.

Le Niger c’est notre vie

 

Rien que par son bassin. Lequel « couvre 48% de la superficie du territoire national soit 570 000 km² ». Selon des spécialistes qui ajoutent : «le fleuve Niger et ses affluents, dont le principal est le Bani, arrosent totalement ou partiellement six des huit régions administratives du pays et le District de Bamako ». Et le Mali dépend «des eaux du fleuve pour son approvisionnement pour près de 90 % », toujours selon les spécialistes. Nous sommes bien dans la gueule du lion. Remplacez lion par crocodile ou autre bête. Mais ne sacrifiez pas le Niger, avertissent sages et autres scientifiques. Eux qui se bousculent autour du Niger. Le Niger, objet d’études de toute sorte. Mais aussi le Niger, patient. Ou patient potentiel. Il n’y a peut-être pas péril en la demeure. Mais, celui qui a vu ses parents mourir sous les coups de la foudre craint toujours le ciel gris, disent les Mandingues. Cela, pour dire qu’une mer a existé là. A l’endroit qu’occupe le Sahara.Là-dessus, s’accordent préhistoriens, historiens, anthropologues, sociologues, archéologues, traditionnalistes et autres scientifiques.  Où donc est passée cette mer gigantesque ?

 

La mer s’est fait trop baiser ? Un jour, on l’a découverte. Comme un être abattu qui se met dans la position fœtale. Que s’est-il passé ? La mer a emporté ses secrets. Le Sahara s’est offert. Comme une femme un peu trop généreuse. L’être aimé languit. Toujours autant ? Le désert rappelle l’océan. La mer généreuse. L’amoureuse est tout autant douce. Immense. Majestueuse même.  Sauf qu’elle fait dos à son homme. La communication s’est rompue. Où trouver la faille ? Comment trouver la faille ? Elle est toujours sur son ventre. Cache son eau. Ses ressources.

 

Bien entendu, pas question de la faire revenir sur son dos. Mais de veiller. La générosité de l’eau étant telle qu’elle ne se retire jamais sans avertir. Par un certain nombre de signaux. Adressés à qui de droit. Nos anciens ont-ils jamais veillé ? Bien de secrets sont enfouis sous le sable fin du désert. Seule certitude : la mer a fait place au désert.

 

Et à regarder, le désert occuper la place de la mer, comment ne pas réfléchir ? Comment ne pas développer la réflexion sur le fleuve ? Sur notre rapport au fleuve ?Justement à cette réflexion-là que nous convie l’UNESCO. A travers son Projet Niger-Loire : « Culture et Gouvernance ». Projet mobilisateur, on ne peut plus, ce projet est d’une durée de trois, dit le Français Daniel ROUSSEL, architecte urbaniste et expert Consultant  de l’UNESCO. Et «mobilise un grand nombre de partenaires Maliens et Ligériens : collectivités territoriales, universités et organismes de recherche, institutions et organismes nationaux, Directions nationales et régionales maliennes ». Toujours selon l’expert, en sont financeurs : « la Commission Européenne (dans le cadre du programme « Facilité-eau »), l’UNESCO (Convention France-UNESCO pour le patrimoine), Angers Loire Métropole, Région Centre, l’Institut de Recherche pour le Développement, la Mission Val de Loire, l’Université de Tours, l’Université Catholique de l’Ouest, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne, et la Société Croisi Europe ». Bref, un partenariat fécond dont les résultats sont concrets. Comme le témoigne le dernier en date. A savoir l’exposition « le Niger, un fleuve et des Hommes » que le musée national du Mali a présentée. Et, cette exposition sonne comme une invite au voyage. Au rêve. A l’ailleurs. Un voyage long de 82 jours ! Sur l’eau. Le Niger, cet autre voyage. A bord d’une pirogue. 450m. Signée Philippe Leduc (Lucie Lom). Du voyage également, universitaires, écrivains, cinéastes, traditionnalistes, journalistes, personnalités politiques, hommes d’Etat, diplomates, élèves et étudiants…etc. Comment oublier nos talentueux pilotes ? Les photographes Pierre-Alain Uniack et Bernard Desjeux de France. Duc Hiên Lâm du Laos et Mamadou Konate du Mali. Sans oublier  le  plasticien Abdoulaye Konate du Mali et ses étudiants du Conservatoire des Arts de Bamako. Auxquelles s’ajoutent les étudiants de l’école d’Architecture et d’Urbanisme de Bamako (ESIAU). Et aux côtés envoutants de nos talentueux artistes du Niger. Avec en tête, le jeune Aly Farka Touré, l’héritier.

 

En somme, un vrai festival des sens. Où l’on a vu. Entendu. Humé. Goûté. Touché. Et même palpé. Le tout sous l’œil bienveillant de la déesse du fleuve Niger Harrakoye Dikko. Pour tout dire un voyage divin ! Débarquement des passagers ?

 

Hawa Diallo

 

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