Métrologie et météorologie. Au Mali, la confusion autour de ces deux sciences est encore très grande et à tous les niveaux. Dans cette interview, le directeur général de l’Agence malienne de métrologie (Amam) Lancina Togola apporte des précisions. Il parle également de l’importance des poids et mesures dans le quotidien des contribuables et les domaines concernés par cette science.
Mali-Tribune : Le domaine des poids et mesures semble, jusqu’à présent, mal connu, par la population malienne. Comment cela s’explique-t-il ?
Lancina Togola : c’est un problème de compréhension. Au Mali, les gens ne savent pas faire la différence entre la météorologique et la métrologie. Cette confusion entre ces deux sciences est à tous les niveaux, surtout au niveau intellectuel. Ce qui constitue déjà un premier blocage. Un manque d’information.
La météorologie est la science qui s’intéresse aux phénomènes climatiques, notamment les vents, les précipitations et les autres particules qui sont suspendus.
Nous, métrologues, science de la mesure, intervenons pour voir la fiabilité de cette mesure. Nous vérifions également si leurs instruments utilisés sont conformes à la réglementation en vigueur.
Chemin faisant, cette science et la nôtre se fondent et créent une synergie d’action. Elles deviennent à partir de là complémentaires.
Au Mali, la métrologie est pratiquée depuis l’indépendance, mais pour la plupart des cas cette science était pratiquée seulement sur certaines catégories d’instruments de mesure, notamment les instruments de pesages.
Progressivement, il y a eu une évolution entre les différentes directions. Au départ, la métrologie était une division de la Direction nationale du Commerce et de la Concurrence, ensuite de la Direction générale du Commerce, de la Consommation et de la Concurrence (DGCCC).
Sur une exigence de l’Uémoa, l’Agence malienne de la Métrologie a été créée en fin 2017, mais opérationnelle en 2018. Selon les textes de l’Union, chaque pays membre de l’Uémoa doit créer son organe de métrologie autonome.
Mali-Tribune : Quelles sont les tâches assignées à l’Amam?
L. T. : Dans la loi 2016 instituant le système national de métrologie du Mali, les aspects dévolus à l’État à travers l’agence portent sur la mise en œuvre de la politique nationale en matière de métrologie. Dans cette mise en œuvre, il y a d’abord la contribution de l’Amam à l’élaboration et à l’exécution de textes qui concernent notre domaine. L’agence fait la conception et la conservation des étalons. Ces étalons sont des équipements qui doivent être opposés aux instruments de mesure pour connaitre leur conformité.
L’agence a pour missions d’accompagner les acteurs évoluant dans le domaine, qui sont tantôt des entreprises, des acteurs qui interviennent pour mettre en œuvre les actions de la métrologie. Il y a des missions qui sont affectées à des entreprises privées accréditées.
Quand elles ont leurs agréments, certains nombres d’activités de métrologie qui leur sont cédées ; notamment la fabrication, l’entretien et la réparation des instruments de mesure et parfois même leur l’importation. Toutes les entreprises qui ont une convention sont suivies de très près par l’agence. Les équipements et les ressources humaines sont évalués chaque année. Ce sont des domaines dévolus au secteur privé.
Le domaine régalien même de l’État, confié à l’Agence malienne de métrologie, concerne l’application de la politique nationale de la métrologie à travers la conception des projets de textes en rapport avec d’autres structures de normalisation. Il y a la vérification des instruments de mesure d’abord. Dans ce contrôle, nous faisons l’accréditation des nouveaux instruments de mesure.
Mali-Tribune : Quelle est l’importance de la métrologie dans le quotidien des contribuables ?
L. T.: C’est immense. Dans le domaine du commerce, la plupart des échanges sont effectués à partir d’un instrument de mesure qui sert de témoignage.
Cet instrument de mesure doit être conforme. Il doit produire des mesures fiables. Dans cette transaction, l’argent donné doit correspondre à la quantité de produit qui a été reçu. On parle de transaction équitable. Donc une confiance s’installe entre le consommateur et le détenteur de l’instrument de mesure et du produit qui doit faire l’objet de la transaction. Cette confiance n’est maintenue ou exprimée qu’à travers les instruments de mesure.
C’est pourquoi l’Agence malienne de Métrologie s’intéresse d’abord à la vérification des instruments de mesure qui servent de lien entre les deux parties.
Ensuite, il y a des cas qui font l’objet de mesure, mais la mesure est faite en l’absence du consommateur, comme des sucres emballés.
Nous veillons à ce que cette mesure qui a été faite à l’insu du consommateur puisse être une vraie mesure, fiable, équitable. C’est pourquoi, autant, nous vérifions les instruments de mesure, autant nous vérifions les mesures.
L’avantage en ce moment, c’est de faire en sorte qu’une confiance soit créée entre les deux parties. Que chaque partie de la transaction puisse se sentir intéressée et satisfaite. Cela évite des frictions sociales qui entrainent des soulèvements.
Mali-Tribune : Quels sont les domaines concernés par la métrologie ?
L T. : Dans le domaine du commerce, nos agents vérifient sur le marché les instruments de pesages notamment les balances, bascules, les grands instruments de mesure pesage, les ponts-bascules, les pèses essieux. Ils sont à la sortie de la ville dont à Kati, Sanankoroba. Nous en avons une douzaine à travers le pays.
Nous inspectons également des instruments distributeurs, de stockage et de transport des hydrocarbures.
Dans le domaine de la santé, nous contrôlons les pèses personnes, pèses bébé et les tensiomètres médicaux. En plus, il y a certains équipements de laboratoire qui donnent des mesures et doivent être vérifiés par nos soins.
Concernant la sécurité, nous veillons également à la conformité des radars, des compteurs des engins, les appareils de gonflages de pneus. Nous intervenons également dans le domaine de l’environnement, de l’énergie et d’eau potable froide, etc.
Au total, nous intervenons sur 42 instruments de mesure. Mais pour intervenir, il faut avoir un étalon pour chaque catégorie d’instruments.
Mali-Tribune : Est-ce que l’Amam est assez équipée pour couvrir ce large champ d’intervention ?
L T.: Nous ne sommes pas du tout équipés. L’agence est encore très jeune. Aujourd’hui, nous n’avons que quelques étalons pour intervenir sur les tensiomètres médicaux, compteur d’eau et d’électricité, des instruments distributeurs, de stockage et de transport des hydrocarbures, les bascules et ponts bascules.
Dans certains domaines, nous sommes obligés encore de nous équiper, de renforcer la capacité de nos agents pour mieux travailler et rester une référence sous-régionale.
Mali-Tribune : Parmi les domaines d’intervention cités, lesquels se conforment le plus ?
L. T.: J’avoue qu’au départ, ce n’était pas facile. Mais, nous sommes allés avec pédagogie pour faire en sorte que les acteurs puissent s’adapter. Tout changement est difficile.
Aujourd’hui, l’adhésion a donné un niveau satisfaisant dans le domaine des instruments de mesure de pesages. Au niveau des instruments volumétriques, l’adhésion tend à être satisfaisante.
De 2018 à nos jours, nous avons constaté une nette progression dans la sensibilisation, dans l’information, dans l’éducation des acteurs et aussi dans le changement de comportement.
C’est déjà un réconfort moral pour nous parce que c’est notre mission. Pour nous, il ne s’agit pas de venir infliger des sanctions et contraventions, mais surtout de faire en sorte que de façon pédagogique, les acteurs adhèrent à la conformité des instruments de mesure pour l’intérêt même de la société. Parce que nous sommes tous consommateurs.
Spécifiquement, nous avons beaucoup d’efforts à faire avec les instruments de mesure d’énergies électriques et d’eau potable froide. C’est vrai que la sensibilisation est en cours, mais jusqu’à présent les détenteurs de ces instruments tardent à se conformer, surtout les sociétés.
La loi en la matière est très claire. Toute importation d’instruments de mesure, doit faire l’objet d’une autorisation du directeur général de la métrologie.
Ensuite, l’importation doit se faire sous notre surveillance. Quand les instruments arrivent sur le territoire malien, vous êtes obligés de nous les soumettre pour vérification primitive. Comme cette vérification est payante, certains contournent ces dispositions de la loi et importent sur le territoire malien par des voies frauduleuses.
C’est pourquoi nous sommes très regardants sur les deux types de redevances de mesures d’eau et d’électricité. Ce sont deux domaines très sensibles. Si les acteurs dans ce domaine rentrent dans la conformité des mesures, un grand pas sera fait dans l’allègement de la charge du consommateur.
L’autre difficulté c’est que nous ne pouvons pas être une référence sans équipements. Nous travaillons progressivement tout en continuant avec la formation des agents et la sensibilisation des acteurs.
Propos recueillis par
Kadiatou Mouyi Doumbia
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Encadré
Il ne s’agit plus de dire services poids et mesure !
Selon le directeur général de l’Agence malienne de Métrologie (Amam) Lancina Togola l’appellation poids et mesure n’est plus indiquée.
« Les services de poids et mesures », était appellation commune qu’on donnait à la métrologie. Aujourd’hui, l’appellation n’est plus indiquée. Quand on dit poids et mesures, pendant que la métrologie n’est autre chose que la science de la mesure, c’est comme si tu es en train de soustraire les poids de la mesure. C’est pourquoi l’Amam combat ce langage.
Les poids et mesures sont des domaines. « La vérification des poids, leur certification, leur contrôle sont les activités de la métrologie ».
K. M. D.
METROLOGIE
9037 instruments de mesures contrôlés en 2020
La métrologie est la science de la mesure. Une science transversale qui s’applique dans tous les domaines où des mesures quantitatives sont effectuées. Au Mali, c’est l’Agence malienne de la Métrologie (Amam) qui s’occupe du contrôle des différents instruments de mesures utilisés par les commerçants et autres utilisateurs desdits instruments de mesures.
Créée en 2017, l’Agence malienne de Métrologie est un établissement public à caractère administratif doté de la personnalité juridique et de l’autonomie de gestion. Ses missions sont multiples et consistent entre autres à : instruire et suivre les dossiers d’agréments , d’installateurs, de réparateurs et tout autre prestataire de services métrologiques, participer à la mise en œuvre de la réglementation nationale relative à la métrologie, mener des études et enquêtes en matière de métrologie, établir, conserver et améliorer de façon continue les étalons nationaux, superviser les sociétés privées auxquelles certaines tâches techniques sont déléguées en matière de métrologie, diffuser la documentation et l’information en matière de la métrologie, émettre des avis en matière de métrologie, mettre en œuvre le contrôle des instruments de mesure et de surveillance métrologique des marchés, représenter l’Etat dans les organisations sous-régionales, régionale et internationale de métrologie.
Selon directeur général de l’Amam, la vérification des instruments de meures par son Agence comporte deux phases. Une première phase dite primitive qui concerne les instruments nouvellement utilisés et une seconde phase appelée périodique qui est relative aux instruments en usage depuis quelques temps et qui nécessitent des vérifications périodiques. « Avec déjà quelques années de collaboration, il arrive que les détenteurs de ces instruments contactent l’Agence pour programmer leurs instruments et passer à leur vérification », explique Lanssina Togola.
Le contrôle de l’Amam concerne les balances, les bascules, les ponts bascules, les pèses essieux et pèses personnes. Les instruments de mesures volumétriques. Il s’agit des distributeurs d’hydrocarbures (dans les stations-services), les compteurs volumétriques (dans les dépôts) et les récipients de mesures (jaugeages des camions citernes). Enfin ; les instruments de mesure de pression, telles que les tensiomètres médicaux.
Aux dires du directeur général, au cours de la campagne 2020, 9037 instruments de mesure ont été soumis aux opérations de vérifications primitives et périodiques et de jaugeages de récipient de mesure. Et de l’analyse des résultats de vérification, sur les 9037 instruments de mesure vérifiés, il ressort que 8927 d’instruments sont conformes soit un taux de 98,76 % et 112 instruments non conformes soit un taux de 1,23%.
Selon les responsables de l’Amam, le taux élevé d’instruments de mesures conformes, repéré au cours de leur contrôle, est dû au fait que la direction de l’Agence malienne de Métrologie a utilisé plusieurs canaux de communication en vue de sensibiliser les acteurs de la métrologie sur les avantages de l’utilisation d’instruments de mesure conformes d’une part et les risques encourus par les contrevenants d’autre part.
Affirmant que l’utilisation d’instruments de mesure conforme contribue à se conformer à l’amélioration de la qualité des produits industriels, à la protection du consommateur et de l’environnement et à la préservation de la santé et de la sécurité, le directeur de l’Amam a invité les utilisateurs d’instruments de mesures à se conformer à la réglementation en vigueur et les consommateurs à plus de vigilance quant à la qualité des instruments de mesure utilisés dans la santé et pour la mesure des biens.
Alassane Cissouma
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METROLOGIE
Poids et mesures que dit la loi ?
Au Mali la métrologie ou la connaissance des poids et mesures est régie par plusieurs disposions juridiques. Certaines ont un caractère général dont la loi portant sur le système national de métrologie, l’arrêté ministériel régissant la profession des cadres des outils de mesures et l’ordonnance de création de l’Agence malienne de Métrologie (Amam).
Au Mali, c’est l’Agence malienne de métrologie qui assure la mise en œuvre de l’ensemble des politiques de la politique nationale des poids et mesures. Elle a été créée par une ordonnance prise en mars 2017. Ladite ordonnance fixe le statut, le fonctionnement et l’administration de l’agence.
Ensuite vient la loi statuant sur le système national de métrologie. Cette loi dont le degré d’application a été pris le 6 novembre 2017, régit la mesure et le poids au Mali. Une loi de 82 articles repartis entre 7 chapitres. Cette loi traite le contour des instruments de mesures, les infractions liées au domaine et leurs sanctions.
Quant à l’arrêté ministériel, il a été pris le 13 août 2018. Il fixe les conditions de fixations des conditions de délivrance de l’agrément de fabricant de réparateurs et d’installateurs d’instrument de mesures. Ledit arrêté relève du ministère du Commerce et de la Concurrence. Il fixe les conditions que doivent remplir les réparateurs et les installateurs des instruments de mesures.
Parmi les conditions, il y a l’inscription au registre de commerce et du crédit et d’autres conditions matérielles et juridiques comme expliqué par les articles 3 et 4 de l’arrêté. La décision ministérielle précise que tout professionnel dans la fabrication, la réparation et l’installation des instruments de mesures doit avoir l’autorisation au préalable du ministre chargé de la métrologie au Mali.
L’arrêté des instruments a été comploté par celui des catégories d’instrument de mesure la même année 2018. A s’en tenir à cette disposition, les mesures sont de masse, pesage, volumétrique de liquide, de dimension, de volume, de température et de marque de vérification. Il termine par prévenir que les infractions à la violation de ces dispositions seront traitées conformément à ce qui a été prévu dans les chapitres des infractions de la loi du système national de la métrologie au Mali.
Koureichy Cissé
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MESURE ET POIDS
Ces instruments sont-ils respectés dans nos commerces ?
Au Mali, nos commerçants se servent de deux instruments pour calculer la masse des marchandises. Il s’agit du poids qui est le volume de ce qui doit être pesé (riz, mil ou autres) et s’exprime en (kg) et la mesure qui est la dimension ou la grandeur de l’objet mesuré (m).
Dans nos magasins, boutiques et autres, le poids et la mesure font partie intégrante dans nos commerces. L’objectif de ces unités de mesure, est de permettre aux marchands mais aussi aux clients, de connaitre la quantité des produits achetés et ne pas la dépasser mais qu’il n’y est pas de surplus. Et comme on a coutume de le dire à César ce qui lui appartient et au client ce qui lui revient.
Mais sur le marché le constat est amère, beaucoup de commerçants détaillants ne savent pas utiliser ces unités de mesure et d’autres sont en mauvais état sans que le commerçant ne se rend compte. Ce qui fait que souvent il y a un manquement ou un surplus sur les produits achetés.
Le boutiquier du coin assis devant sa boutique en sirotant son verre de thé nous raconte sa mésaventure avec son unité de mesure d’huile de palme qui n’était pas en bon état sans que lui-même ne soit au courant. Pourtant, il continuait à mesurer. Mais il a fini par comprendre, car toutes les femmes du quartier venaient s’approvisionner en huile chez lui. Alors un jour, il est allé prendre l’unité de mesure d’un autre boutiquier pour faire une comparaison et à son plus grand malheur, il a su que son instrument de mesure n’était pas en bon état car pour 200 F CFA d’huile, sa machine offrait 500 F, donc 300 F CFA d’huile en cadeau.
Les commerçant arnaquent les clients peu d’acheteurs s’en rendent compte, sauf quelques observateurs et réclament leur dû, vise versa. Mais c’est plus fréquent avec les marchands qui roulent leur client dans la farine. Rokia Diarra, ménagère dès qu’elle se rend compte réclame son dû. Elle raconte, « je paie mon argent pour être mieux servie, je ne demande pas qu’on me sert plus que ce qui me revient, mais je réclame le poids net de mon dû. Les marchands même s’ils t’ajoutent quelques grammes, ils réclament l’argent alors je suis dans mes droits. Raison pour laquelle je vérifie tout dans la balance. Malheureusement avec la mesure c’est difficile. Sans vous mentir, j’ai un client qui est vraiment honnête, quand tu as quelques grammes de plus sur ta commande, il ne te réclame pas l’argent de ce petit gramme de plus et te demande même de vérifier par toi-même».
Salimata est une vendeuse de pomme de terre, d’oignon, de patates douces et d’autres condiments au marché du Point G. La majorité de ses clients sont des femmes. Elle est à cheval sur tout ce qui est poids et mesure. « Je n’aime pas avoir des dettes avec les femmes, alors je leur donne ce qu’elles ont droit avec leur argent. Je vérifie de telle sorte que même si je doute sur la quantité, je préfère un surplus que le contraire. Mais certaines femmes quand tu leur donnes le droit de peser leur pomme de terre patate douce, elles dépassent le poids net », explique-t-elle.
Clients et commerçants s’accusent mutuellement et si chacun est juste envers l’autre il n y aurait pas de mésententes, selon Seydou Tapily un vendeur de denrées de première nécessité. Sa philosophie à lui est de laisser les clients vérifier d’eux-mêmes la balance pour être sûr du poids net.
Oumou Fofana