Depuis un certain temps, l’Université de Bamako est confrontée à une montée de violence et d’insalubrité immense. Pour trouver une solution durable au fléau, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et ses partenaires, sous l’égide Mme Siby Ginette Bellegarde a, à travers une conférence-débats, passé aux peignes fins la problématique. C’était le mardi 21 juin 2011 à l’Institut des Langue Abdoulaye Barry. Ont pris part à cette conférence, le Centre National des Œuvres Universitaires, la Fédération Nationale des Parents d’élèves, les étudiants, les universitaires et des personnes de ressource.
Créée pour servir de cadre à l’acquisition des connaissances, notre Université est devenue une source d’inquiétude en raison de l’insécurité galopante et de l’insalubrité. En effet, aujourd’hui, nos résidences universitaires sont à la croisée des chemins. On y voit toutes sortes de dangers, surtout au Campus de la FAST et de l’IUG. Là-bas, c’est la pléthore d’étudiants qui règne en maître ; les lits sont superposés jusqu’au plafond. Dortoirs et bacons sont saturés. A cela, s’ajoute la vétusté des bâtiments, la promiscuité de vie des locataires, l’écoulement des eaux usées et des eaux de robinet. Tout ceci est renforcé par l’installation électrique anarchique.
En faisant un tour dans nos résidences universitaires, on a l’impression d’être en face d’un taudis, voire d’une porcherie. A ce tableau sombre, il faut ajouter la circulation et la prolifération des armes à feux et des armes blanches dont certains étudiants n’hésitent pas à en faire usage à la moindre contestation. Et le plus marrant, c’est l’envahissement des nouveaux locaux de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (FSJP) par les ordures.
Pour mettre un terme au phénomène, le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Mme Siby Ginette Bellegarde est montée créneau pour demander à ses partenaires de conjuguer leurs efforts. «A mon arrivé, l’une de mes premières missions était surtout de lutter contre l’insécurité et l’insalubrité. Pour ce faire, un plan d’action a été élaboré en janvier 2010. Les activités culturelles et sportives que nous avions entamées en ce sens ont été freinées par la non activité pédagogique dans l’espace universitaire», a-t-elle expliqué. Cependant, Mme le ministre reste confiante. Elle se réjouit en effet du fait que le bureau de Coordination de l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM) ait accepté de rendre la gestion du Campus au CENOU. Cette rétrocession permettra d’assainir et de mettre de l’ordre dans la gestion du Campus, a indiqué Mme Siby. Et de poursuivre : «Certains individus, pour des raisons financières et personnelles, voudraient s’opposer à cette rétrocession. Il faut que cela cesse, on doit aller à un retournement de situation».
Toujours, dans le souci de rendre plus agréable la vie des étudiants, de nombreuses actions en matière d’hébergement ont été entreprises. Un immeuble privé a été aménagé et équipé à Niamakoro. Cet édifice servira d’abri pour 200 étudiants. En attendant donc l’ouverture du Campus universitaire de Kabala prévue en 2012 et celui de Kati, l’Etat est à la recherche des bâtiments privés. Dans ce sens, deux sont en cours d’inspection, a-t-elle précisé. Mme le Ministre a en outre reconnu que ces actions devraient voir le jour, il y a longtemps. Mais, martèlera-t-elle, mieux vaut tard que jamais.
Dans son intervention, le représentant de la Fédération Nationale des Parents d’Elèves a, après avoir blâmé l’Etat a exprimé son optimisme quant à l’avenir de l’Université.
Quant à M. Bréhima Traoré, Professeur à la FAST, il relevé l’insécurité des enseignants et les conséquences dramatiques de la coupure intempestive d’électricité que le laboratoire subit suite aux branchements électriques anarchiques.
Pour leur part, certains conférenciers accusent le Ministère d’être à la base de tout ce fléau, car expliquent-ils, les étudiants se bagarrent pour des sous que le Cabinet les miroitent lors des élections des responsables estudiantins. En réponse à la question de l’assainissement des Campus, la Ministre dira que cela n’est pas chose aisée. Avec la pléthore des étudiants (3000 occupants au Campus de la FAST ainsi que dans les autres sites), il faut de nouveaux sites pour accueillir les.
Cette conférence-débats a été couronnée par des échanges fructueux et constructifs au terme desquels tous les participants ont laissé de côté les accusations mutuelles pour exprimer leur engagement aux côté du Ministre de l’Enseignement Supérieur.
Oumar KONATE
Université de Bamako :
Quel avenir pour les étudiants ?
Celui qui n’a pas, au départ, une idée précise de la nature des besoins d’un établissement universitaire, est incapable de cerner les services à offrir, d’indiquer les moyens pour y parvenir. En quantité comme en qualité. A court, moyen et long termes. Un tour sur la Colline du savoir pour se convaincre que nos autorités n’ont aucune ambition pour notre université. Une université ou les politiciens de tous bords passent avec de gros sabots pour faire campagne.
Le nombre pléthorique d’étudiants qui y séjournent est un signe et doit permettre aux autorités de nous dire exactement de quelle université elles veulent exactement ? Une université ou le Secrétaire général est protégé du pouvoir ou une université devenue le lieu des récalcitrants ? Le silence du Département en charge, lors des derniers évènements, doit interpeller les parents d’élèves à prendre les taureaux par les cornes avant qu’il ne soit trop tard pour la bonne marche de ce lieu du savoir. N’est-il pas temps de revoir un peu la copie pour lui apporter un souffle ? Le manque d’ambition, le minimalisme, voilà notre loi. Au lieu de 30.000 étudiants, ce sont aujourd’hui, plus de 80.000 étudiants qui s’y confinent comme des termites. Dans ces conditions, comment peut-on espérer sortir de cette boîte de conserve géante des produits intellectuellement frais et des éléments humainement sains ? C’est à se demander si ceux qui ont la responsabilité de ces choses-là savent ce qu’est une université. C’est en cela que les statistiques peuvent être quelque fois trompeuses. Notre Université ne répond plus aux normes d’une université digne du nom dans la sous-région. Avec la mention qu’elle est la première université qu’ait jamais connue notre pays. Avec la référence qu’elle a été le creuset dans lequel ont été formés la plupart de nos grands cadres et intellectuels nationaux.
Il n’est pas interdit d’être nostalgique, en conjuguant le passé au présent. Mais, le passé ne nous est secourable que quand il nous sert à mieux honorer le présent, pour mieux engager l’avenir. Il est temps que nos autorités puissent nous définir une Université. Comment fonctionne-t-elle ? Quelle place occupe-t-elle dans le dispositif stratégique de développement du pays ? Voilà nos interrogations. La question, comme on le voit, est loin d’être banale. Au lieu de caresser les apprenants dans le sens du poil. Des facultés par ci et par là à travers la capitale, des dortoirs sales. Le Palais de la Culture est devenu une faculté ? Une question est de savoir si nos autorités n’ont pas une part de responsabilité sur la crise qui secoue chaque fois cette Université où des étudiants sont devenus les «tout-puissants». L’enseignant est considéré comme une personne falote. A-t-on réellement une université dans ce pays ? Des étudiants qui durant des années passent en classe supérieur avec 7 de moyenne. Cela est inacceptable !
Destin GNIMADI