L’abandon de la ville de Bamako saute aux yeux avec des routes délabrées, des caniveaux devenus poubelles à ciel ouvert et des déchets à tous les coins de rue. Pire, la ville a totalement perdu de son charme, l’insalubrité s’ajoutant à la désuétude précoce des monuments envahis par des mauvaises herbes. Jamais, de mémoire de Maliens, la capitale n’a été aussi abandonnée et livrée à l’insalubrité. Jamais, elle n’a été si en ruine, si orpheline d’autorités. Au même moment, des milliards de nos francs sont détournés, volés ou dilapidés dans des dépenses de prestige et pour le confort des dignitaires du régime. Honteux !
Bamako est sale, très sale. Un tour dans la ville suffit pour s’en rendre compte. Si la capitale malienne était propre autrefois, aujourd’hui elle est étranglée par les déchets. Des montagnes d’ordures qui cumulent, çà et là, étouffent leur voisinage. Elles sont la source de toutes les formes de pollution. Et, les Bamakois (de tout statut social) sont confrontés à cet environnement mal sain et qui se dégrade de jour en jour. Sachets, nourritures pourries, objets en plastique usés, bouteilles, pneus et autres sont visibles dans plusieurs quartiers de la capitale. La palme revenant à certaines zones, dont le quartier de Lafiabougou avec son « célèbre Kilimandjaro » et le grand marché de Bamako (Dabanani), ou encore le dépôt d’ordure de Médina Coura.
En effet, à quelques mètres du cimetière de Lafiabougou, se dresse une montagne d’ordures nauséabondes. En faisant un tour sur les lieux, on y rencontre des emballages, des papiers de tout genre, des légumes et des fruits pourris, des boites de conserve, des bouteilles vides et surtout les déchets plastiques, interdits dans certains pays. Ce spectacle est d’autant plus choquant qu’il se situe non loin du cimetière de Lafiabougou très fréquenté par les proches des défunts qui viennent notamment pour se recueillir ou pour des enterrements. Ce dépotoir reçoit chaque jour des tonnes d’ordures provenant de plusieurs quartiers de la commune IV. Il s’étend sur une grande surface et n’est pas clôturé. L’autre aspect désagréable de cette scène, ce sont les fumées dégagées par les déchets incinérés la veille et qui rendent la vision pratiquement nulle. L’odeur est tout aussi insupportable. Cerise sur le gâteau : souvent des individus mettent le feu à ce dépôt, provoquant des incendies qui se propagent souvent aux alentours des maisons environnantes. De quoi susciter la colère des populations riveraines qui assistent, impuissantes, à l’augmentation de ce tas d’immondices. En dépit d’une évacuation récente, le « mont » a refait son réapparition au grand dam des populations. Aujourd’hui, les ordures ont carrément débordé pour envahir une des principales voies de la circulation.
Même le centre-ville de Bamako n’échappe pas à cette insalubrité. Une partie du grand marché et de la zone industrielle génèrent de grandes quantités de détritus. Au grand marché, une voie, la principale, est devenue un véritable dépotoir d’ordures. Les autres endroits ne sont pas épargnés. Partout, il y a des détritus étalés devant les boutiques, au bord des goudrons et des petits secteurs. Certains vendeurs sont installés sur des immondices au bord du goudron et dans les petits coins pour faire écouler leurs marchandises. Les clients et les passants aussi aggravent la situation. Rares sont ceux qui utilisent les poubelles. Côté de la zone Ortm (Office de radiodiffusion télévision du Mali), la situation est pire. Car, dans le quartier Bozola, il y a toutes sortes d’ordures. C’est le dépotoir principal même du Centre-ville de Bamako.
Puiseurs quartiers de la capitale (Hippodrome, Bagadadji, Sirakoro, Medina Coura…) offrent le même visage peu reluisant où les tas d’ordures poussent comme des champignons. Et y circuler relève d’un parcours de combattant, parce que les routes sont encombrées de débris de tout genre, emportés par les eaux d’écoulements qui débordent des caniveaux rendant les routes peu praticables.
Au Mali, les problèmes d’insalubrité sont devenus aujourd’hui une véritable source de santé publique. En effet, cette insalubrité génère plusieurs pathologies (problème respiratoire) graves pour les riverains des différents sites de dépotoirs.
Idem pour les monuments et les routes !
Abandonnées par les autorités, les routes de la capitale sont devenues tellement impraticables qu’il est devenu impossible de circuler sans provoquer des accidents. Au mieux, on s’en sort couvert de poussière sur moins de deux kilomètres. Les services d’entretien routier ont tout simplement disparu des radars. Résultat : les petits trous communément appelés nids de poule ont pris possession des voies. Au fil des mois, ces trous sont devenus de véritables fosses à l’origine de la mort de nombreux innocents qui pourraient vivre bien plus longtemps si les responsables du régime avaient fait leur travail.
Lorsqu’il s’agit de trouver des idées ingénieuses pour se faire de l’argent, l’entourage du président IBK ne manque pas d’imagination, alors que Bamako ressemble à une ville en ruine. Malheureusement, le sort de la capitale n’intéresse personne en haut lieu, des gens plutôt préoccupés par des milliards et des milliards à pomper des caisses de l’Etat… Au lieu de s’occuper du bien-être des populations !
Et Bamako peut mourir de sa belle mort. Rien ne semble pouvoir éveiller le régime frappé d’immobilisme et d’ivresse du pouvoir. Pas même les maladies liées à l’insalubrité que les régimes précédents avaient combattu, en habituant les citoyens à un cadre de vie sain, notamment à travers le curage des caniveaux et le nettoyage des grandes artères de LA capitale. Et que dire de ces grandes et belles infrastructures réalisées par ces régimes pour changer radicalement le visage du pays ?
Aujourd’hui, les caniveaux de la capitale sont bouchés faute d’entretien. Et ces fossés abandonnés servent de nids aux moustiques et autres vecteurs de maladie dont des rats qui sont maintenant porteurs d’une nouvelle peste ravageuse dans certains pays africains. Déjà coupable de négligence face à la fièvre hémorragique Ebola, les autorités sont aussi fautives en ce qui concerne la prévention des maladies liées à l’insalubrité dans la capitale où plus rien ne séduit.
La ville coquette arbore davantage l’allure d’une cité délabrée lorsque l’on fait le tour des monuments qui sont réduits à de simples œuvres d’art délabrées ou d’architecture. Pourtant, les habitants étaient fiers de la beauté de ces monuments et des avenues et espaces verts de Bamako.
Paradoxalement, tout se passe comme si le pouvoir en place n’a aucune considération envers ces œuvres architecturales dont l’abandon donne un visage hideux à la capitale. Quoi qu’il en soit, le pouvoir d’IBK montre son incapacité à donner un cadre sain et harmonieux aux populations qui s’attendaient à tout sauf un tel échec. La réalité est que tout se dégrade actuellement à Bamako.
Populations et autorités indexées
Les responsabilités sont partagées entre la population et les autorités concernant l’insalubrité grandissante de la capitale. C’est sans doute la population qui assainit et salit une ville, un endroit, un lieu… Mais le gouvernement doit prendre ses responsabilités, en prenant en charge la gestion des dépôts et tas d’ordures. Ce qui n’est pas le cas. Au contraire, il ne lève presque jamais le petit doigt. Pire, le gouvernement n’assume pas ses responsabilités en ne respectant pas ses engagements envers les entreprises en charge de l’évacuation des ordures. En effet, quatre ans après la signature d’une importante convention avec une entreprise marocaine de droit malien, dans ce sens, notre pays traine toujours les pieds quant à la tenue de ses engagements. L’espoir, qui a conduit les premiers pas de OZONE-Mali s’est émoussé peu à peu, comme un château de cartes, au fil des mois et années. Les ordures, les déchets de toute sorte ornent à nouveau la capitale malienne. Les parties prenantes de la convention (Ozone Maroc et l’Etat malien) peinent à respecter leurs engagements… L’entreprise va-t-elle mettre la clé sous le paillasson ? En plus du fait que l’Etat soit insolvable vis-à-vis d’Ozone, la mise en œuvre du contrat entre les deux parties souffre aussi de la non-opérationnalisation du dépôt final, sis à Noumoubougou où, selon des sources officielles, l’Etat a consenti de gros efforts financiers et techniques. Mais depuis plus de quatre ans, le chantier peine à être opérationnel, et l’entreprise ne sait pas où mettre les ordures qu’elle ramasse en ville. Les agents d’Ozone sont obligés de faire le tour des banlieues de Bamako pour y déverser des déchets estimés à plusieurs tonnes par jour. Tout se passe comme si l’assainissement est le dernier souci des autorités nationales.
Et le programme initié par le gouvernement appelé « programme d’urgence d’assainissement de Bamako » tarde à faire effet sur le quotidien des populations. Ce programme, lancé le 16 octobre 2013 : difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre ; évacuation déjà faite des déchets sur des sites (6 sur 9) ; attribution des marchés ; recherche d’un avenant pour achever le travail, car le milliard débloqué par le gouvernement est insuffisant ; réouverture de la décharge de Doumanzana à laquelle les riverains sont toujours hostiles ; achèvement des travaux de celle de Noumougou dans la Commune rurale de Tienfala ; création d’une dizaine de décharges finales pour la ville de Bamako ; interdiction de la fabrication et de l’usage des sachets plastiques ; renforcement de la Voirie du District et de la Brigade urbaine d’assainissement pour l’évacuation des ordures et le contrôle, ainsi que la surveillance des sites évacués et la répression des récalcitrants ; organisation d’une Journée nationale de la salubrité… Voilà, entre autres, les différents thèmes qui avaient été abordés par l’ex-ministre de l’Environnement et de l’Assainissement, Ousmane Ag Rhissa…
En effet, le programme a été préparé sur la base des propositions faites par les Mairies des 6 communes et la Mairie centrale du district de Bamako. Ce programme d’urgence concerne 9 dépôts prioritaires pour un volume de 299. 365 mètre cube d’ordures ménagères à évacuer. Le coût de l’opération était estimé environ 900 millions de F CFA.
La solution est la mise en place d’une stratégie et la mise en disposition des moyens de collecte de déchets. Presque tous les pays de l’Afrique de l’Ouest ont trouvé la solution. Pourquoi pas le Mali ? Mais, il faudra un réel changement de comportement des Maliens. C’est la clé pour tracer la voie vers le salut en matière d’assainissement au Mali. La situation exige également une pleine implication des pouvoirs publics. La répression constitue un moyen efficace pour réduire les errements qui continuent de faire des ravages.
Dans tous les cas, force est de reconnaitre que le problème d’assainissement de Bamako est devenu, de nos jours, un casse-tête. Alors que, dans toutes les villes modernes au monde, la question de l’assainissement est un débat clos. Alors que chez nous, le président de la République et les autorités semblent préoccupé pour leurs conforts personnels
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Mohamed Sylla