Mardi 26 août 2014, les populations de la communes 2 de Bamako sont venues massivement déverser leurs ordures domestiques dans les rues, sur les les artères goudronnées et aux grands carrefours de la capitale. Les rues adjacentes ont ainsi été obstruées pendant deux jours. Du jamais vu ! Pour savoir les raisons de ce qui ressemble à une forme de désobeillance civile, votre journal a interrogé des acteurs.
Nous avons rencontré en commune 2 de Bamako un responsable municipal qui a voulu garder l’anonymat. Selon lui, le système de ramassage des ordures passe par trois phases : la pré-collecte, le dépôt de transit et la décharge finale. La pré-collecte est assurée par des GIE et autres entreprises liées par contrat à la mairie du district. Elles acheminent les ordures au dépôt de transit. Le transport du dépôt de transit à la décharge finale est assurée, lui, par la Direction des Voiries Urbaines, plus connue sous le nom de “DSUVA”. Or, le seul dépôt de transit dont dispose la commune 2 se situe derrière l’école “CFP”, en face du stade Omniports Modibo Kéita. Il est géré par la mairie du district de Bamako. Les ordures issues des 11 quartiers de la commune 2 – Niarela, Bagadadji, Bozola, Medina Coura, Quinzambougou, Hyppodrome, Bacaribougou, Sans-Fil, Zone Industrielle, Missira et Bougouba – sont transportées dans cet unique dépôt de transit. Résultat: le dépôt déborde et les dépots anarchiques se multiplient sans fin.
Curieusement, par une décision en date du 18 août 2014, le maire par intérim du district a ordonné la fermeture du dépôt de transit “CFP” au motif que le gouverneur de Bamako a donné 5 bennes tasseuses à la mairie de la commune 2 pour ramasser les ordures et les transporter au dépôt final, situé hors de la ville. “Ce que le maire du district n’avait pas compris, c’est que les bennes consomment énormément de carburants. La mairie de la commune 2 n’ayant pas les moyens de payer le carburant, les bennes faisaient une ou deux rondes hebdomadaires au lieu de procéder à un transport journalier des ordures. Parallèlement, la fermeture du dépôt de transit a empêché les entreprises de pré-collecte d’y transporter les ordures. Du coup, les tas d’ordures n’ont pas cessé de grossir dans les 11 quartiers de la commune 2, ce qui a suscité la colère des populations”, explique notre interlocuteur.
Toute cette pagaille en commune 2 découle donc de l’incurie de la mairie du district qui, de surcroît, n’honore guère ses factures envers les entreprises de pré-collecte qu’elle emploie
Un élu local rappelle que la mairie de la commune 2 fait de son mieux pour suppléer à la carence de la mairie du district. Ainsi, en janvier 2014, la mairie de la commune 2 a évacué les ordures du dépôt de transit “CFP” à hauteur de17 millions de FCFA financés sur fonds propres. En 2013, des personnes de bonne volonté ont cotisé à hauteur d’une dizaine de millions pour évacuer les ordures du même dépôt. “Aujourd’hui, aucune disposition pérenne n’est prise pour évacuer le dépôt de transit. La solution résiderait dans l’attribution de ressources financières conséquentes aux mairies communales et à celle du district; chaque mairie doit avoir au moins 5 bennes tasseuses et 2 gros caissons pour ramasser et et transporter quotidiennement les ordures.A titre comparatif, la mairie de Dakar dispose d’un budget annuel de 2 milliards de FCFA pour le ramassage des ordures.”, déclare l’élu.
Il y a lieu de souligner qu’après la révolte des populations de la commune 2, qui inondé les rues d’ordures, le gouverneur a pris le relais de la mairie du district dans le ramassage des ordures. A cette fin, le gouvernorat utilise de vieilles bennes pour la plupart louées à des particuliers. Jusqu’à quand tiendra-t-il le coup ? On ne sait. Pas plus qu’on ne sait quand l’Etat parviendra à mettre en place un dépôt final des ordures. En effet, prévu à Noumoubougou, route de Koulikoro, le dépôt final destiné à accueillir, hors de Bamako, les ordures issues des dépôts de transit des communes n’a jamais pu voir le jour. L’emplacement a paru trop lointain aux bennes qui, depuis belle lurette, préfèrent déverser leur chargement dans le premier champ trouvé, pour peu le propriétaire du champ soit absent. La même méthode de dépôt à la sauvette est prisée par les “spyros” dont les chauffeurs ont, très souvent, maille à partir avec les propriétaires de champs qui n’apprécient pas du tout de voir leurs parterres inondés de déjections humaines…
Commune très problématique
Si le scandale a éclaté en commune 2, c’est parce que non seulement elle est l’une des plus peuplées de Bamako, mais qu’en outre, elle abrite les unités économiques de production les plus polluantes. Là se trouvent, par exemple, trois grands marchés – le marché de Médina Coura, le marché “Dossolo Traoré”, le marché “Dabanani” -, dont les occupants laissent volontiers leurs ordures sur place. Sans compter les nombreuses entreprises de la zone industrielle qui produisent déchets sur déchets. “Tous ces marchés et industries paient leurs taxes à la mairie du district qui, en contrepartie, doit exécuter ses missions d’assainissement”, note un technicien.
Pour ne rien arranger, un incivisme criant règne en commune 2 dee Bamako. 90% des toilettes locales sont directement connectées aux caniveaux publics, en violation des règles d’urbanisme et d’hygiène, notamment de la loi 01-020 en vigueur depuis 1992. Chaque fois qu’on a voulu détruire ces installations illicites, il s’est trouvé une autorité pour différer la chose sous des prétextes fallacieux.
Pistes de réflexion
Pour résoudre la question des ordures, il a été suggeré aux autorités la création d’une Direction de la Proprété, service étatique qui remplacerait la voirie et qui se verrait dotée des moyens financiers et matériels nécessaires. Mais, rétorquent les adversaires du projet, pourquoi créer un nouveau service alors que la voirie pourrait obtenir de bons résultats avec un meilleur équipement ?
Odeurs toxiques
Le fléau des ordures s’étend suite à l’inefficacité de l’Agence Nationale de Gestion et d’Epurement des Eaux Usées. Ce service public percoit de l’argent des entreprises privées, notamment au “Sans-Fil” et dans la zone industrielle, dans le but affiché d’épurer les eaux usées en provenance des usines. Cependant, la mairie de la commune 2 est régulièrement assaillie de gens qui se plaignent de l’odeur nauséabonde qui se dégage des stations dites d’épuration. Les chefs traditionnels des deux quartiers ont même saisi, sous la Transition, le ministre Tiémoko Sangaré, ministre de l’assanissement, du problème. En vain. La mairie de la commune 2 a, sur le même sujet, récemment écrit à la Direction Nationale de l’Assainissement et du Contrôle des Nuissances et Pollutions (DNACPN), lettre dont le ministre de tutelle, celui de de l’assainissement, fut ampliataire. En vain. En fait, le produit chimique propre à vaincre les émanations et odeurs toxiques coûte cher (300. 000 FCFA par pulvérisation), ce qui explique pourquoi l’Agence ne semble pas très régulière dans son administration. Du coup, les populations n’excluent pas de s’en prendre aux stations d’épuration, source de leurs maux. Or, si lesdites stations étaient détruites, il s’ensuivrait une pollution immédiate et gigantesque à l’échelle de toute la capitale!
Abdoulaye Koné