Gestion des eaux usées : Bamako, un égout à ciel ouvert !

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A Bamako, ville située en dessous du niveau du fleuve Niger, les eaux pluviales ne constituent pas à elles seules, une menace pour les populations. Dans cette agglomération urbaine, malgré la station d’épuration, il y a pire : la menace des eaux usées.

 De loin, un torrent noir, qui ne se distingue de la terre ferme que par les barques qui s’y flottent. De près, un flot intarissable d’eau, charriant toutes sortes de déchets, arrose la berge. Nous sommes à la voie menant à l’hôpital du Mali, où s’achève, en permanence, une bonne partie des eaux usées de la commune VI. « C’est des eaux qui viennent aussi bien de Yirimandio que des quartiers voisins. Ça coule tout le temps, avec toutes sortes d’odeur », signale dame Assan, vendeuse de nourriture, installée sur l’une des canalisations qui se vide dans le fleuve. Cependant, ce qui inquiète plutôt ces riverains, à l’image d’un administrateur à la retraite, la cinquantaine, debout sur la berge au niveau de Sébénicoro, les pieds enfoncés dans l’eau boueuse, c’est l’état de pollution avancée du réceptacle naturel. « A l’école, nous enseignons que la rivière rend content. Eau fraiche, eau transparente, disions-nous. Mais ici, ce temps est révolu. Du fait des eaux sales et des déchets qui s’y déversent, le cours d’eau rend triste », fulmine-t-il.

Et au bout, de la gadoue

 Des collecteurs de plusieurs kilomètres qui se déversent dans le fleuve Niger dans le district de Bamako, les déversoirs ne laissent couler que des eaux noirâtres, chargées de toutes sortes de déchets. Et si pour l’instituteur Alassane Barry, ces flots de déchets liquides nuisent à l’écosystème du fleuve, les résultats de plusieurs études effectuées ces dernières années révèlent le pire. Ce qui inquiète un observateur de l’écosystème, du Laboratoire d’Hydrologie Appliquée de l’université de Bamako sur cet état de choses. « Les eaux déversées dans les collecteurs sont chargées de phosphate, de minéraux azotés et de matières organiques, d’où la nécessité de les traiter en amont au risque d’assister à l’eutrophisation du fleuve », souligne-t-il.

« Et alors ? »            

Si visiblement, le fleuve Niger est fragile, le volume et le contenu des rejets en sont pour quelque chose. Une remontée des canalisations en direction de la ville permet de comprendre les véritables sources. Les eaux domestiques sont spontanément versées dans les collecteurs, quel qu’en soit le contenu. Une riveraine, à Banconi interpellée lors de notre enquête, pique une de ces colères : « Et alors ? C’est ton problème ? », lance l’une d’entre-elle. Il nous a fallu écourter la discussion, pour éviter que ça ne dégénère. Des scènes pareilles, nous en avons constaté plus d’une dizaine en un tour de la ville, le long des collecteurs et caniveaux à Djélibougou, Missabougou, Lafiabougou, Hippodrome…
Pourtant, la Loi-cadre sur l’Environnement interdit de « laisser couler les eaux usées dans le lit ou sur les bords des cours d’eau, lacs, étangs et canaux du domaine public ». Malgré cela, la ville peine à se doter jusque-là d’un système adéquat de gestion des eaux usées. La loi-cadre sur l’environnement et les conséquences d’une mauvaise gestion des eaux usées semblent être le cadet des soucis des Bamakois.

Un véritable casse-tête      

Certaines femmes confessent n’avoir pas le choix. C’est le cas d’Alima, 28 ans, coiffeuse à Boulkassoumbougou, qui vient de verser dans les caniveaux une eau savonneuse, issue du nettoyage des cheveux à l’une de ses clientes.
Des eaux usées domestiques, la ville en produit suffisamment avec une consommation moyenne estimée à au moins 100L/jour/habitant, pour une ville d’une population de plus d’un million habitants. C’est donc des milliers de mètres cubes d’eau qui pèsent sous les bras des Bamakois, et qui finissent par être déversés en partie dans la nature. « L’eau est une denrée rare et limitée. Bamako a besoin d’une politique de gestion des eaux usées, prenant évidemment en compte la conscientisation des populations. Pour le moment, les bassins et collecteurs construits servent d’abord de points de chute pour les eaux usées domestiques.

Les puisards, la source des bagarres

  A chaque rue correspond donc un égout circonstanciel. Des ménages en sont même arrivés, à se connecter à ces ouvrages par des conduits depuis leurs douches. « C’est plus simple. Les eaux vont directement dans les caniveaux. Cependant, souvent en saison pluvieuse, les conduits refoulent l’eau et nous sommes submergées », confie une sexagénaire, à Banconi Razel. D’autres, dans les rues, ont construit des puisards à cet effet. Mais, c’est sans compter avec l’état précaire de ces bassins. Dans les vieux quartiers de Bamako, par exemple, nombreux sont ces puisards qui, soit couverts de dalles ou de tôles, ou à ciel ouvert, laissent couler leurs contenus putrides dans la rue, une fois remplis. Il y a des maisons où en saison pluvieuse, on ne peut distinguer les eaux pluviales des eaux usées. Et nous marchons dedans, avec tous les risques », témoigne Karamoko Diaby, résidant non loin du commissariat du 3ème arrondissement. Le hic, selon ce dernier, c’est l’incivisme de certains ménages qui attendent la nuit profonde pour vider ces fosses.

Eviter la catastrophe          
Dans tous les cas, Bamako n’est pas à l’abri des épidémies hydriques. Ainsi un médecin propose : « l’Etat et la municipalité doivent prendre leurs responsabilités pour un système d’assainissement plus hygiénique avec des solutions technologiques dont les stations de traitement des eaux usées. C’est nécessaire pour briser le cycle de transmission des maladies hydriques ». Bamako attend donc de voir le bout du tunnel, pour se mettre à l’abri d’une éventuelle catastrophe.

Paul N’GUESSAN

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