Gestion de l’environnement : Place des savoirs et pratiques traditionnels

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Dans les cultures des Minianka, Bamana, Senoufo et Gana, prédominantes dans les aires culturelles de la zone de recherche, l’exploitation des terres des forêts et des eaux était le fait exclusif des communautés traditionnelles qui s’adressaient à cette fin aux intermédiaires autorisés par les divinités et les ancêtres disparus. Cette exploitation obéissait à des règles et hiérarchies complexes où les maîtres de forêts sacrées jouaient des rôles prédominants dans la communauté traditionnelle. L’établissement de ces règles et hiérarchies traditionnelles était d’ordre culturel et avait pour objectif principal la reproduction de la société traditionnelle, à travers la consolidation ou la restauration de l’ordre social.

Ces pratiques de gestion et d’exploitation culturelle des forêts sacrées ne constituaient pas une menace ni pour l’intégrité de l’espace, ni pour ses composantes naturelles. Les autorités coutumières composées du chef de village et ses conseillers, des notables et des dépositaires du savoir traditionnel pratiquaient un suivi de la gestion quotidienne des ressources naturelles, à travers la dissuasion psychologique des populations.
La règle de sacralisation
Dans les aires culturelles Minianka (cercle de Koutiala), Senoufo et Gana (Cercle de Sikasso), Bambana et Gana (cercle de Bougouni), la préservation des écosystèmes et de la biodiversité existante est le résultat de l’ensemble des croyances religieuses ancestrales. Les croyances développées dans ces cultures considèrent que les êtres du milieu abiotique et biotique (végétaux des forêts, les eaux, les roches, les animaux, les hommes) portent en eux la force divine. C’est ainsi qu’en certains lieux de ces aires culturelles, les sociétés ancestrales ont vénéré et réglementé la gestion de certaines forêts, cours d’eau ou points d’eau considérés comme sacrés.
Jusqu’à l’heure actuelle, les sociétés traditionnelles utilisent ces sites sacrés dans la communication avec  les divinités, les génies et les ancêtres disparus mais considérés comme toujours vivants à certains endroits précis de la nature), en leur demandant les bienfaits et la clémence. Ces croyances témoignent de l’existence des sites sacrés craints et vénérés dont l’objectif essentiel est de perpétuer la vie, les écosystèmes et la diversité biologique. Cependant, l’importance des fonctions attribuées aux sites sacrés varie d’un habitant à l’autre ; certaines catégories de personnes leur attribuent la fonction de protection en qualité de barrière verte contre les intempéries ; d’autres pensent que ces sites comme un sanctuaire où d’importantes cérémonies rituelles communautaires ou individuelles ont lieu (cérémonies d’initiation, conjuration de mauvais sort, bénédiction d’activités socio-économique, etc.). La règle de sacralisation établie comme moyen de préservation s’est avérée comme une meilleure pratique dans toutes les aires étudiées ; elle a permis jusqu’à nos jours la préservation des forêts sacrées.

Les totems et interdits
La diversité biologique et les écosystèmes ont été longtemps préservés grâce aux totems et interdits, instruments efficaces de police et de justice coutumière. Au plan écologique, les totems et interdits ont contribué de manière significative à la protection des ressources naturelles. Dans ces aires naturelles, la flore et la faune ont pu être préservées dans certaines eaux et forêts sacrées. Il semble aussi important que la pratique des totems soit complétée par d’autres mesures de protection de la biodiversité, car il s’agit de la protection limitée d’une espèce par une ethnie, un groupe socioprofessionnel déterminé ou par un nom de famille spécifique, c’est  à  dire que tout le monde n’est pas soumis aux mêmes règles de gestion de l’environnement.

Les pratiques rituelles
Dans les sociétés traditionnelles, vivant dans l’ensemble des aires culturelles observées, la terre, les forêts, les eaux et les minéraux sont considérés comme des êtres en liaison avec les forces divines et les ancêtres. Les prélèvements illicites ou autres viols (par exemple, l’adultère en brousse, chasse de gibiers femelles en gestation, etc. .) peuvent entraîner la sécheresse ou un malheur sur l’individu, sa famille et sa progéniture. Les communautés traditionnelles observent des rites propitiatoires, visant à réparer leurs fautes graves et à bénéficier de la clémence divine. Ces pratiques ont pour intérêt la moralisation de la vie publique qui permettait de former des hommes, ayant le sens du respect du patrimoine collectif.
Dans les aires culturelles, faisant l’objet de la présente recherche, les sociétés traditionnelles ont perçu l’importance économique et écologique de certaines espèces végétales et animales qui jouent un rôle clé dans l’équilibre des écosystèmes existants et qu’elles utilisent pour les besoins d’alimentation, de construction des habitations, dans les domaines de la chasse, de la pêche, de l’artisanat et, surtout, de la médecine traditionnelle. Les pratiques et savoirs traditionnels se sont développés en fonction des besoins des populations qui vivaient en harmonie avec les écosystèmes du climat de type soudanien. Dans le cadre de la perpétuation des activités socio-économique (agriculture, élevage, pêche et chasse), les sociétés traditionnelles de ces aires culturelles utilisent les comportements des  éléments de la biodiversité, les modes de nutrition et les cycles de vie, non seulement pour présager les phénomènes à venir, mais aussi pour utiliser les propres forces de la nature pour protéger leurs cultures, leur cheptel, la santé humaine et l’environnement. Dans les différentes aires culturelles étudiées, les sociétés traditionnelles, qui sont les principales détentrices du savoir, ont acquis une compréhension commune de l’environnement et des savoirs presque identiques en matière de gestion des ressources naturelles. Ces savoirs et connaissances traditionnels ont pour intérêt de nourrir non seulement la réflexion scientifique, mais aussi de constituer un lien synergique avec celle-ci pour l’amélioration de l’état de gestion des ressources naturelles.
Seydou KONE                                                                                                                                                                                                                            
Source/Revue des CPTGE/ONG MFC

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