Dans un entretien qu’il a bien voulu nous accordé, le directeur du centre national de lutte contre le criquet pèlerin, Fakaba Diakité, a affirmé que la menace des criquets est imminente. Il s’est penché sur les dispositions prises par son service en vue d’endiguer le fléau.
Fakaba Diakité : Comme vous l’avez dit effectivement, la FAO a lancé un SOS depuis quelque temps pour dire que les insectes qui ont échappé de l’Algérie et de la Libye pourraient se diriger en début d’hivernage vers le Mali et le Niger et dans une moindre mesure vers le Tchad et la Mauritanie. A la date d’aujourd’hui certains groupes d’individus et des fragments d’essaim ont été observés au Niger. Les traitements ont déjà commencé. Ils ont traité 1 200 hectares. Quelques groupes d’essaims ou fragments d’essaims ont été observés dans le secteur d’Aguel hoc au mois de juin. Pendant ce temps, les conditions écologiques étaient mauvaises dans la zone. Finalement les insectes se sont déplacés, je ne sais vers où. Comme vous le savez, avec la situation au nord, on n’a pas d’équipe sur le terrain. Donc on a perdu les traces de ces insectes. Certainement, ils se sont dispersés à la recherche de meilleures conditions écologiques. Ils sont quelque part en train de pondre ou ont pondu et peut être qu’il faut s’attendre a une première génération d’insectes. Surtout qu’en ce mois de juillet, les conditions commencent à redevenir favorables à la survie de l’insecte. Donc, nous pensons que la menace pèse toujours. Mais sur le plan de la présence de l’insecte lui-même, on n’en trouve pas assez.
L’Ind : Qu’est ce que le centre est en train de faire ?
On a envoyé un éclaireur dans la zone qui est présent sur place depuis le 23 juillet. Sur le terrain, il n’a pas vu beaucoup d’essaims ni de groupes. Il a vu juste quelques groupes d’insectes à des densités allant de 20 à 50 à l’hectare. Pour le moment ce n’est pas inquiétant. Mais on peut toujours avoir des situations inattendues. Parce que le problème du criquet pèlerin, c’est comme celui d’un vase communicant. Quand un pays n’arrive pas à bien travailler pour diverses raisons, comme l’insécurité, la mobilisation des moyens, le criquet va s’échapper au niveau de ces pays et venir vers nous.
Nous avons commencé à mettre une barrière au niveau de la bande sahélienne de Mopti à Kayes pour que des qu’il y a une arrivée que l’on puisse faire face à la situation afin de sécuriser les zones de cultures. Pour le moment la menace pèse vraisemblablement mais les essaims ne sont pas encore là.
Avec l’occupation des régions nord, quel est le plan dont le centre national de lutte contre le criquet pèlerin dispose?
Nous avons deux plans. Au départ, nous avions exploré le corridor humanitaire. Mais nous nous sommes rendus compte que ce corridor reste au niveau des centres urbains. Cela ne nous arrangeait pas parce que le criquet est loin des habitations. Donc il faut aller au fin fond du désert. C’est après que nous avons cherché une autre alternative, c’est à dire envoyer quelqu’un qui connait bien le criquet. Il s’agit de l’un de nos anciens collaborateurs qui est à la retraite. On l’a envoyé sur le terrain en louant les véhicules sur place. Avec les populations de Kidal, les notabilités et les operateurs économiques dans son véhicule, il fait un tour dans les différents ensembles géographiques comme le Timétrine, la vallée du Tilemsi, l’Adrar des Iforas et le Tamasna. Il est sur le terrain depuis le 23 juillet, jusqu’à présent il n’a pas vu de situations inquiétantes. Mais il constate que les conditions écologiques sont très bonnes. Mais que le criquet n’est pas en effectif suffisant pour nous inquiéter. A coté de ce monsieur, nous avons envoyé cinq équipes dont trois au niveau de Mopti à Douentza et à Sévaré. Et deux autres au niveau de Ségou dont une a Niono et une autre à Sokolo. C’est pour vraiment voir s’il n y a pas d’arrivée d’insectes. Et ensuite pour sensibiliser les populations dès qu’elles voient un criquet pèlerin qu’elles le signalent pour qu’on puisse mettre à profit cette information pour voir ce qui se passe dans la zone. Pour le moment les équipes n’ont rien vu. Mais les conditions sont favorables partout à la reproduction du criquet.
Si je comprend bien toutes les dispositions sont prises au niveau du centre pour endiguer le fléau ?
Oui, on a pris toutes les dispositions en rapport avec le département de l’agriculture de l’élevage et de la pêche, en rapport avec nos partenaires la FAO et la banque mondiale. Sur le plan technique le centre est prêt à faire face a une attaque acridienne. Mais le nerf de la guerre c’est l’argent. A ce niveau, l’Etat s’est engagé à nous apporter 300 millions de F CFA. Je pense que d’ici la fin de la semaine cet argent sera mis à notre disposition. On pourra procéder à la mobilisation d’autres équipes. En principe, dans notre plan d’action, on doit mobiliser 10 équipes. Cinq sont déjà mobilisées, il reste cinq autres à mobiliser pour la prospection. Les cinq qui seront là seront dispersées au niveau de la région de Koulikoro et de Kayes. En plus de dix équipes de prospection, il est prévu 4 équipes de traitement. Il y en aura au niveau de Kayes, Koulikoro, Ségou et Mopti. En cas de traitement, nous allons mobiliser des équipes de suivi environnemental. Une équipe au niveau de la zone est composée de la région de Ségou et de Mopti et une autre dans la zone ouest, c’est à dire Kayes et Koulikoro. Et si la situation arrivait à empirer, on va déployer des équipes de coordination de maintenance et d’approvisionnement. Pour le moment c’est ce dispositif qu’on va mettre en place.
Quel sera le rôle des équipes de suivi environnemental ?
Quand il y aura traitement, c’est avec les produits chimiques qu’on opère. C’est pour prouver à la population et a l’opinion internationale que nous ne sommes pas des pollueurs. D’abord nous avons pris certaines dispositions au niveau du centre national de lutte contre le criquet pèlerin. Ceci passe par l’élaboration d’un cahier de charge environnemental ou nous avons plus de 80 exigences à respecter pour éviter les intoxications. Nous avons cartographié toutes les zones sensibles où il ne faut pas mettre de pesticides. Nous avons aussi des équipes de suivi environnemental et sanitaire composées des agents des ministères de la santé et de l’environnement qui vont sur le terrain pour constater si le traitement est fait de manière à respecter l’environnement. Si tel n’est pas le cas comment rectifier le tir.
En cas d’attaque des criquets est ce que le même dispositif sera toujours en vigueur ?
Nous avons des informations comme quoi la menace est imminente. Quand il y a une évolution en fonction de ça, le plan d’action sera remodelé ainsi que le dispositif en l’adaptant et en mettant beaucoup plus de moyen sur le terrain.
Entretien réalisé par Moussa Sidibé.