Destruction des forêts de Bamako : Ou la perte du patrimoine écologique du Gouverneur Louveau

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Bamako, la capitale et vitrine du Mali s’embellit chaque jour à la satisfaction de ses  habitants qui en tirent une fierté légitime après 23 ans d’hibernation économique et Politique. La zone ACI, les logements sociaux, les zones résidentielles sont arrivés chez nous avec un siècle de retard et pour un réveil soudain vers la modernité, il n y a que quelques environnementalistes et peut être quelques contestataires politiques pour voir autrement cette marche vers l’avant. Il faut tirer le chapeau à tous ceux des dirigeants du Pays, qui par l’exemple ont prouvé que le bond en avant était bien possible et que donc il n’y avait pas de condamnation originelle.

Ce ne serait cependant  pas rendre bon service à nos enfants que de leur laisser des villes au style d’urbanisation exécrable comme Bamako. Bamako, il faut le dire net n’est une ville du futur et malgré les efforts louables des pouvoirs publics, il ne faut pas être prophète pour comprendre que dans dix ans, dans deux ou trois décennies en tout cas, l’environnement incommode va étouffer ses habitants qui seront condamnés à chercher des villages ou villes plus accueillantes.

Des forêts du Gouverneur Louveau, on en a fait du bois de chauffe

Salif Sanogo sur les antennes de l’Office de Radio Télévision  du Mali (ORTM) a levé un coin du voile sur ce qu’était la ville de Bamako, telle  que la concevait le colonisateur français au milieu des années 40, en particulier le Gouverneur Louveau. Voyez vous, ils n’étaient pas tous des méchants blancs, venus faire seulement fortune sous les tropiques, mais parmi eux, il y en avait qui avaient de l’ambition pour les contrées dont ils avaient la charge. En fait notre capitale était conçue pour être une ville verte, aérée, naturellement ventilée par le micro climat des parcs et zones de vastes forêts denses, témoins des périodes de forte pluviométrie des années 30 et 40. Même ceux qui sont arrivés à la fin des années 70, 80  savent qu’il y avait entre autres la forêt de Sotuba avec une flore et une faune riches. Les dernières bêtes sauvages n’ont d’ailleurs quitté ces lieux que tout récemment à la fin des années 80, voire le début des années 90. Il y avait la forêt  d’Hamdallaye  avec ses célèbres caillicédras vieux de plus de 70 ans, la Faya sur la route de Ségou sans parler de la forêt Koulouba avec le Parc Zoologique. Aujourd’hui tout ou presque a été détruit pour laisser place au béton. Sotuba avec ses fermes d’expérimentation a été rasé et en son temps, il n y avait pas que les écologistes pour pleurer la perte incommensurable. Le doyen, feu Amamy Sylla, paix à son âme s’en était ému lui aussi voyant une forêt si dense, dotée d’une si grande capacité d’absorption de CO2 transformée en feu de chauffe à la tronçonneuse pour laisser place au béton. Pareillement la fore d’Hamdallaye a connu le même sort avec la construction de l’ACI. La Faya est programmée pour connaître le même sort, tout comme celle sur la route de Guinée dans la Commune rurale du Mandé.

Les campagnes de reboisement sont discréditées

La destruction totale ou presque de toutes les forêts à l’intérieur de la Capitale et autour de la grande métropole discrédite toutes les politiques de reboisement du Pays car ce sont en définitive, des politiques cosmétiques qui ne changeront rien ; ni en la qualité de vie des habitants de la capitale encore moins la mentalité des gens qui croient que la campagne n’est pas faite pour lutter contre le réchauffement climatique mais juste pour avoir un petit arbre devant sa porte sous lequel on fait de temps à autre un brin de causette. Il n’y a pas d’ambition réelle pour protéger les lambeaux de forêts encore existantes encore du coup tous les poumons de la ville, désormais exposée les excès climatiques et à une pollution qui très vite risque de dépasser le seuil du supportable. Et pourtant, il suffit de regarder juste à coté, autour de nous pour voir des exemples à suivre. La Côte d’Ivoire par exemple qui est un pays de grande pluviométrie avec des forêts primaires uniques dans le monde comme la forêt de Tai protège ces forêts. A la faveur de la crise, on a pu ainsi admirer le Zoo d’Abidjan au milieu d’un bois sauvage comme si on ne se trouvait pas dans une des plus grandes mégapoles d’Afrique de l’Ouest. Banjul, la capitale Gambienne est divisée en deux, centre administraif et quartiers populaires étant séparés  sur plus de cinq kilomètres à cause d’une dense forêt qu’on admire à perte de vue. Et que dire aujourd’hui du Fleuve Djoliba et de ses berges ?

Bientôt du béton dans le lit du Djoliba

Les gens loin de s’inquiéter du fait que le fleuve s’amincie d’année en année à cause d’une pluviométrie déficitaire voient plutôt en cette catastrophe écologique de nouvelles terres libérées des eaux qui reculent, des opportunités de faire avancer le béton au milieu du fleuve. Je ne voudrais pas non plus croire que l’on puisse vendre les berges du Djoliba comme cela a malheureusement déjà commencé avec la construction d’hôtels, les pieds dans l’eau pour en faire des quartiers pour riches. Aucune animosité contre les riches mais nous sommes enfermés dans une logique suicidaire de destruction de l’environnement. On n’oublie que même dans nos villages anciens, il y avait des forets sacrées que personne ne devait toucher. Dans un Pays semi désertique comme le Mali, la vie des cours d’eau en tant qu’écosystème particulier est à sauvegarder et à protéger comme la prunelle des yeux.

Le temps des vacances et des campagnes de reboisement doit être est aussi le temps pour enlever les œillères et comprendre que nous avons hypothéqué l’avenir de notre Capitale malgré les grands travaux d’infrastructures sans précédents réalisés ces dernières années. Aujourd’hui la ville ressemble à une bétonnière pleine sans ouverture et avec les mouvements, la température croit; la catastrophe est déjà en vue si on ne renverse pas la tendance en revoyant les politiques d’urbanisation de la ville, des politiques qui désormais feraient place à des zones vertes protégées au milieu du béton.   

Piyahara Diamouténé                                                        

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