Face à la dégradation de l’environnement et à l’appel incessant de la population locale à sauver leur environnement contre le ravage causé par l’usage des dragues, le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable suspend l’exploitation de substances minérales dans les lits des cours d’eau par dragage ainsi que par toute autres méthodes dans le cercle de Kéniéba. Une décision courageuse et salutaire. Mais peut-elle aller jusquau bout ?
L’exploitation artisanale de l’or sur le lit de nos fleuves avec les dragues au Mali a atteint des proportions inquiétantes et le cas du cercle de Kéniéba dépasse tous les commentaires. Les milliers de dragues appartenant à des opérateurs miniers de tout bord ont envahi les lits des fleuves, le Niger, le Sénégal et particulièrement le fleuve Falémé, menaçant leur existence. Sans respect des normes de sécurité et environnementales, les gens se livrent au pillage des ressources minières du pays. Conséquences, la faune et la flore aquatiques sont fortement menacées. Des poissons et oiseaux sans vie sont fréquemment visibles sur les bords de nos cours d’eau selon des témoins.
Face à ses massacres environnementaux, le gouvernement, dans un arrêté interministériel, avait suspendu les activités d’exploration et d’exploitation aurifère par drague sur les cours d’eau au Mali pour une durée de 12 mois à compter du 15 mai 2019.
Ce délai expiré, les promoteurs de dragues ont repris leurs activités, plus particulièrement sur le fleuve Falémé dans le cercle de Kéniéba.
Suite aux différentes interpellations de la population locale, le ministre Bernadette a décidé de prendre le taureau par les cornes.
Ainsi, par correspondance n°00600/MEADD-SG du 14 décembre 2020 adressée au président de l’Union des comptoirs et raffineries d’or du Mali, le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable demande l’arrêt de l’utilisation des dragues sur les fleuves dans le cercle de Kéniéba.
“En réponse à votre lettre dont l’objet et la référence sont ci-dessus rappelés, j’ai l’honneur de vous informer que le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable a effectué une mission dans la région de Kayes du 23 au 24 mars 2020, pour lancer l’opération de déguerpissement des dragues sur la Falémé en compagnie du gouverneur de la région de Kayes, en application de l’arrêté interministériel n°2019-1344/MMP-MEADD-MATD-MSPC-SG du 15 mai 2019 portant suspension des activités d’exploration et d’exploitation aurifère par drague sur les cours d’eau au Mali”, précise la décision.
Cette décision est conforme à l’ordonnance n°2019-022/P-RM du 27 septembre 2019 portant code minier en République du Mali dispose en son article 44, alinéa 2 que “l’exploitation de substances minérales dans les lits des cours d’eau par dragage ainsi que par toute autre méthode est interdite”.
La correspondance rappelle aussi que le ministère des Mines et du Pétrole a, par décision n°2019-000212/MMP-SG du 17 décembre 2019, créé une commission de lutte contre l’exploitation aurifère par dragues sur les cours d’eau. “Cette commission est composée de quatre ministères : Mines, Energie et Eau, Administration territoriale et Décentralisation, Sécurité et Protection civile et Environnement, Assainissement et du Développement durable”.
Une chose est de prendre la décision d’interdire, l’autre est son application stricte sur le terrain. Le gouvernement pourra- t-il faire appliquer sa décision? Il nest pas évident que tous ces opérateurs agissent dans l’illégalité. Alors, qui leur délivre des autorisations ?
En tous cas, le président de l’Union des comptoirs et raffineries d’or du Mali (Ucrom), KaramokoDoumbia, a dénoncé le dimanche, 27 décembre 2020, lors d’une conférence de presse, la complicité des autorités locales dans l’extraction de l’or àKéniéba par les exploitants chinois. “Il est clair que les autorités locales sont complices de cette situation. Le Ghana a interdit aux opérateurs chinois de piller leurs ressources. Ils se sont tournés vers le Mali et, en corrompant certaines autorités, ils font ce quils veulent. Mais nous n’allons plus rester les bras croisés devant cette situation. Nous agirons dans le cadre de la loi. Les populations de Kéniéba ne peuvent être privées des ressources de leur sous-sol au profit des étrangers”, a-t-il promis.
À la même occasion, le président de l’Association Wassa Ton, Aliou Diallo, a demandé aux autorités de la Transition dagir. “Si dans un mois rien n’est fait, nous allons prendre nos responsabilités en chassant sans violence tous les exploitants chinois de notre cercle”.
Fabril Abdoul
Source La Plume Libre