Après le discours de Hollande, demandant un accord “différencié, universel et contraignant”, la Chine et les États-Unis ont montré leur volonté d’agir.
Une conférence historique sur le climat s’est ouverte lundi près de Paris avec des appels vibrants à trouver un accord pour sauver la planète, en présence de 150 chefs d’État et de gouvernement appelés à prendre leurs responsabilités. À l’ouverture de ce sommet exceptionnel, l’Américain Barack Obama, le Chinois Xi Jinping, le Japonais Shinzo Abe, le Français François Hollande et leurs homologues du monde entier ont observé une minute de silence après les attentats récemment perpétrés dans plusieurs pays, dont la France.
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Réunis au Parc des expositions du Bourget transformé en forteresse après les attentats djihadistes de Paris (130 morts), ils se sont tous levés pour une minute de silence en hommage aux victimes juste avant le discours du président François Hollande. « Je n’oppose pas la lutte contre le terrorisme à la lutte contre le changement climatique », a déclaré à la tribune le chef de l’État : « Ce sont deux grands défis mondiaux que nous devons relever. » « Nous devons [à nos enfants] une planète préservée des catastrophes », a-t-il insisté, soulignant que la COP21 est « un immense espoir que nous n’avons pas le droit de décevoir » : « Il s’agit de décider ici à Paris de l’avenir même de la planète. »
« Les bons sentiments, les déclarations d’intention ne suffiront pas, nous sommes au bord d’un point de rupture », a insisté François Hollande. Au terme de la conférence, « le 12 décembre, un accord doit être trouvé à Paris », un accord « différencié, universel et contraignant ». Pour le président français, un « bon accord, un grand accord » reposerait sur « trois conditions » : « dessiner une trajectoire crédible permettant de contenir le réchauffement climatique en dessous des 2 degrés Celsius ou même 1,5 degré » ; apporter « au défi climatique une réponse solidaire » alors qu’« aucun État ne doit pouvoir se soustraire à ses engagements » même si les écarts de développement doivent être « pris en compte » ; et enfin, « que toutes nos sociétés, dans leur grande pluralité, diversité, se mettent en mouvement ».
Pékin et Washington conscients qu’il faut agir
La conférence est censée produire d’ici au 11 décembre le tout premier accord universel contre le réchauffement. « Faisons de la conférence de Paris le succès historique que le monde attend », a plaidé le ministre français Laurent Fabius, président tout juste élu de cette COP21. Aux négociateurs des 195 pays réunis juste avant le sommet des chefs d’État, il avait lancé : « Nous avons encore beaucoup de travail ; le succès n’est pas encore acquis, mais il est à notre portée. »
Au cours de la journée, les leaders du monde devaient s’exprimer à tour de rôle – pendant 3 minutes maximum – sur l’engagement de leur pays pour le climat, afin de donner une « impulsion politique » aux négociateurs, qui reprendront leurs travaux dès lundi soir. Échaudée par l’échec de Copenhague en 2009, la France a invité les chefs d’État dès l’ouverture des discussions. « Je vous appelle à donner des instructions à vos ministres et vos négociateurs pour qu’ils choisissent la voie du compromis », leur a dit le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon.
Pékin et Washington, les deux plus gros pollueurs de la planète, sont conscients qu’il est de leur « responsabilité d’agir », avait déclaré peu avant Barack Obama à l’issue d’une rencontre avec Xi Jinping. Le président américain a ensuite appelé à la tribune les dirigeants du monde à « être à la hauteur » des enjeux que pose le réchauffement inédit de la planète. Il a également estimé qu’il n’y avait pas de conflit entre croissance et protection de l’environnement.
Le président chinois Xi Jinping a pour sa part affirmé que les pays développés devaient “être à la hauteur de leurs engagements” en parvenant d’ici à 2020 à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour financer des projets climat dans les pays du Sud. Il a aussi appelé les pays riches à “apporter un appui financier accru” au-delà de 2020 aux pays en voie de développement pour les aider à lutter contre le réchauffement climatique.
« Nous devenons les architectes de notre propre destruction » (prince Charles)
La veille, de nombreuses marches dans le monde entier ont réuni plusieurs centaines de milliers de manifestants qui ont réclamé « un accord climatique fort ». La COP21 accueille 10 000 délégués et autant d’observateurs et journalistes : c’est la plus grande conférence climat, la plus grande concentration de chefs d’État réunis par l’ONU hors son Assemblée annuelle, la plus grande réunion diplomatique jamais organisée en France…
Objectif de ces deux semaines : élaborer le premier accord engageant l’ensemble de la communauté internationale à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, afin de limiter le réchauffement global à + 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle. Le constat est établi : le monde se réchauffe, sous l’effet des émissions issues de la combustion des énergies fossiles, mais aussi des modes de production agricole et d’une déforestation chaque année plus intense. Du Pakistan aux îles du Pacifique, de la Californie aux vignobles du Bordelais en France, le climat déréglé bouleverse des régions entières : sécheresses, côtes grignotées par la mer, récifs coralliens rongés par l’acidification des océans…
Au-delà de + 2 °C, les scientifiques redoutent un emballement : cyclones à répétition, chute des rendements agricoles, submersion de territoires, de New York à Bombay… « En modifiant le climat, nous devenons les architectes de notre propre destruction », a dit le prince Charles lundi à la tribune de la COP. En vue de la conférence de Paris, 184 pays (sur 195) ont publié des plans de réduction de leurs émissions, une participation inespérée qui place cependant encore le monde sur une trajectoire de + 3 °C.
Les négociations s’annoncent ardues, car tous les pays ont leurs « lignes rouges » qu’ils ne voudront pas franchir. Les pays développés doivent « assumer plus de responsabilités » que les pays en voie de développement et ceux-ci doivent être « autorisés à se développer », a ainsi prévenu le Premier ministre indien Narendra Modi dans une tribune du Financial Times.
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Cette journée devrait aussi être rythmée par de nombreuses rencontres bilatérales, au-delà du climat. Il n’y aura cependant pas de rencontre entre les présidents russe Vladimir Poutine et turc Recep Tayyip Erdogan malgré la demande de ce dernier, après que l’aviation turque a abattu mardi un bombardier russe, a indiqué le Kremlin. La capitale française vivait aussi à l’heure de la COP21, surveillée par 6 300 membres des forces de l’ordre et soumise à des restrictions de circulation.