A la tribune de la conférence, le chef de l’État a souligné l’état désastreux du Djoliba auquel sont liés l’histoire, le présent et l’avenir de notre pays
« Nous sommes là depuis ce matin. Tout a été dit scientifiquement et techniquement. Dès lors, qu’est-ce qu’on attend d’un président du Sahel ? Qu’il dise son vécu ». C’est par ces mots pleins de pragmatisme que le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a introduit son allocution à l’ouverture de la conférence des Nations unies sur le changement climatique lundi matin à Paris. « Avant, je m’incline devant la mémoire des victimes des attentats de Paris et de Bamako qui ont fait en tout, plus de 150 morts », a indiqué le président Keita qui a appelé à l’union sacrée contre le terrorisme dont le projet n’est autre que d’imposer son obscurantisme au monde entier.
Revenant au sujet de la conférence, Ibrahim Boubacar Keïta a alors évoqué son vécu personnel pour bien camper la façon dont le changement climatique affecte la vie des populations dans notre pays. Le chef de l’État a véritablement captivé son auditoire avec un speech original sur la situation du fleuve Niger, lui « qui a connu dans sa vie ce fleuve qui s’étend avec majesté sur 1.700 kilomètres du sud au nord ». « Aujourd’hui, constate-t-il, d’année en année, ce fleuve se réduit en raison de la pollution et de l’ensablement au point de réduire sa navigabilité et ses ressources au grand dam des populations maliennes dont il sert de mère nourricière. Naviguer aujourd’hui, sur ce fleuve est devenu une gageure. Nous savons tous que les fleuves meurent, les mers aussi. Qu’à Dieu me plaise que ce ne soit pas le cas du fleuve Niger. Or, si nous ne prenons garde, ce sera le cas du lac Tchad qui, de 25.000 km2, s’est rétréci comme une peau de chagrin à 2000 km2 », s’est inquiété le président de la République.
Ibrahim Boubacar Keita a plaidé pour un accord qui permettra de sauver notre planète tout en prenant en compte les aspirations des peuples africains. « Nous avons besoin d’un encadrement juridiquement puissant pour sauver notre planète et assurer un avenir meilleur à notre postérité. Je suis persuadé que nous ne serons pas déçus », a-t-il conclu.
En marge des travaux de la conférence sur le climat, le président de la République est ses homologues du Sénégal, du Niger et du Nigéria ont été reçus, hier, par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Ban ki-Moon, pour discuter des préoccupations de la région sahélo-saharienne.
Ce fut ensuite le tour de l’hôte du sommet, François Hollande, de se réunir avec 12 de ses pairs africains pour écouter leurs préoccupations et faire des annonces d’aide de la France au continent. La rencontre était co-présidée par François Hollande et le secrétaire général de l’ONU en présence de la présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dhlamini Zuma, ainsi que des représentants de plusieurs gouvernements et institutions internationales (Banque mondiale, Banque africaine de développement, etc.).
Au cours de cette rencontre, il a été question de l’ensablement du fleuve Niger et de l’assèchement du lac Tchad, tous deux vitaux pour les populations de cette zone durement touchée par une sécheresse endémique combinée aux impacts du changement climatique. Le projet de la Grande muraille verte, la déforestation massive de l’Afrique et la problématique de énergie ont été des sujets largement abordés.
PROJETS CONCRETS. Au chapitre des annonces en faveur de l’Afrique, le chef de l’État français a souligné son ambition que la COP21 permette la réalisation de projets concrets sur le continent, facilite l’adoption d’un modèle de développement plus sobre en carbone et accompagne l’adaptation au dérèglement climatique. Il a rappelé que l’Afrique, qui n’était pas responsable du changement climatique, en subissait pourtant déjà les plus graves conséquences. Il a également assuré partager le souhait des pays africains que les financements en faveur de l’Afrique soient mobilisés le plus rapidement possible, sans attendre 2020.
François Hollande s’est engagé à porter à plus de 2 milliards d’euros (1.310 milliards de Fcfa) le financement par la France des énergies renouvelables en Afrique sur la période 2016-2020. Cet effort représentera une hausse de 50% des engagements bilatéraux français par rapport aux 5 dernières années. Les projets financés par la France pourront s’inscrire dans le cadre de l’Initiative africaine sur les énergies renouvelables, portée par l’Union africaine. Ils permettront de mettre en œuvre à la fois des projets conçus par les gouvernements africains ou par des organisations de la société civile et des collectivités territoriales. Ces programmes pourront encourager l’utilisation de l’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique ou géothermique selon le potentiel de chaque pays.
En matière de lutte contre la désertification et d’adaptation au changement climatique, le président Hollande a indiqué que la France triplerait progressivement ses engagements bilatéraux en Afrique, pour atteindre 1 milliard d’euros (655 milliards de Fcfa) par an en 2020. Cet effort répond à la demande des pays africains que les financements en faveur du développement durable soient davantage qu’aujourd’hui consacrés à l’adaptation au dérèglement climatique. L’aide au développement de la France portera donc prioritairement sur des projets s’inscrivant dans les initiatives africaines de la Grande muraille verte, ou encore de préservation du lac Tchad et du fleuve Niger. L’ensemble de ces projets démontre que l’agenda des solutions pour le climat, axe majeur de la COP21, trouvera des déclinaisons nombreuses sur le continent africain.
Envoyé spécial
C. A. DIA