Les discussions, parfois houleuses, dans la capitale malienne ont consacré un nouvel élan dans la lutte des anti-nucléaire. Bamako a été l’occasion de mettre à la disposition des décideurs, élus et autres acteurs, d’informations utiles sur les dangers réels de l’exploitation de l’uranium. Et l’un des temps forts a été, sans doute, le témoignage poignant de la militante nigérienne, Mme Solli Ramatou.
Quels sont les enjeux liés à l’exploitation de l’uranium, sur le plan environnemental, sanitaire ? Quelle doit être la responsabilité des décideurs face à la question après le spectacle de Fukushima (au Japon) ? Voici entre autres problématiques inscrites au centre d’une conférence internationale qui a bouclé ses travaux à Bamako le dimanche dernier.
Organisée du 16 au 18 mars derniers à l’initiative de « International Physicians for the Prevention of Nuclear War » (l’organisation internationale de physiciens de prévention de risque nucléaire), en partenariat avec l’Association des ressortissants et amis de la commune de Féléa (Aracef), cette rencontre a consacré la tribune des grands débats autour d’une question aussi d’actualité comme le « l’uranium, la santé et l’environnement ».
Ils étaient plus d’une centaine de participants, constitués d’experts venus de plusieurs pays du monde entier, notamment d’Europe, de l’Afrique du sud et de la Namibie, des chercheurs, universitaires, des travailleurs de mines, etc.
Sos danger !
Les discussions de Bamako interviennent au moment où notre pays s’apprête à l’exploitation de l’uranium dans la commune rurale de Faléa, située dans le cercle de Kéniéba. Le groupe canadien « Rockgate », qui détient le marché, poursuit la phase d’exploration, pour déterminer les meilleurs gisements et leur profondeur. Mais pour les anti-nucléaires, le danger sanitaire et environnemental est énorme.
Selon l’Aracef, l’uranium est un minerais hautement toxique, et son exploitation a des conséquences non négligeables. Et témoigne, selon l’association, le témoignage de la militante anti-uranium nigérienne, Mme Solli Ramatou, membre du Groupe de réflexion et d’action sur les industries extractives au Niger. Selon cette activiste, l’exploitation de l’uranium au Niger, notamment à Arlit et à Agadez, est un grand gâchis. Les pertes d’eau engendrées par les travaux de pompage dans une zone désertique comme le Niger doivent heurter, selon elle, la conscience humaine au moment où à cause de la sécheresse les productions agricoles ont fortement chuté suite au déficit pluviométrique. Pis dans cette zone d’élevage, le bétail meurt à tour de bras du fait de la sécheresse.
Aussi, à Bamako Mme Solli Ramatou a témoigné que la poussière et les déchets radioactifs, les trois à l’air sur les zones d’exploitations, présentent aujourd’hui des conséquences environnementales et sanitaires auxquelles le Niger doit faire face. Les autres pays africains subissant l’exploitation du minerai n’échappent pas à ce constat. Ce qui fera dire à des experts anti-nucléaires que les autorités, la population, les décideurs politiques de ces pays n’ont que des connaissances limitées concernant l’exploitation de l’uranium, ses produits de dégradation et sa chaine de transformation.
« Au Niger l’uranium détruit plus qu’il ne construit »
La conférence internationale de Bamako a donc servi de cadre au débat autour de la problématique de l’exploitation de l’uranium en Afrique. Cela, au moment où, à travers le monde, le débat autour de la sortie du nucléaire divise les décideurs politiques. Mieux, cette conférence intervient une année après le spectacle de Fukushima au Japon, dont les conséquences radioactives n’ont pu encore être évaluées de manière exhaustive.
Pour la militante nigérienne anti-uranium, il y a péril en la demeure, et selon elle, le Mali a de la chance à être alerté sur les conséquences avant l’exploitation proprement dite de l’uranium à Faléa. Au Niger, déplore-t-elle, l’uranium ne profite qu’à la France et sa société exportatrice AREVA, au détriment des populations qui doivent faire face au manque d’eau potable, à l’éducation, aux soins de santé, etc. En clair, selon elle, « si l’uranium est un facteur de développement, selon les gouvernants, il ne brille pas pour les populations nigériennes ».
Les trois jours de discussions à Bamako ont donc permis aux participants d’alerter sur les dangers liés à l’exploitation de l’uranium, notamment sur le plan de la santé et la dégradation de l’environnement. Pour ce faire, une série de communications a été présentée par des médecins et des scientifiques sur la question. Outre les projections de films documentaires, Bamako a été marqué par des intervention de participants venant des pays africains et d’autres régions du monde, comme les Etats unis, l’Allemagne, la France, etc.
La conférence de Bamako va cependant changer quelque chose dans le projet d’exploitation de l’uranium de Faléa. Les militants anti-nucléaires et les membres de l’Aracef y croient fortement. Au moment, disent-ils, de plus en plus la production énergétique est orientée vers les énergies renouvelables. Mais pour l’Atacef , pas question de baisser les bras, et les élus adhérent au combat. Pour le vice-président du Conseil de cercle de Kéniéba, Faléa sera un enjeu de taille pendant les prochaines élections présidentielles. Les politiques, notamment les candidats à l’élection présidentielle du 29 avril prochain, seront amenés à donner leur position sur la question de l’uranium. Pour l’élu, il s’agit pour eux de prendre publiquement position face à ce sujet.
Issa Fakaba Sissoko