Bougouba : Le scenario catastrophe

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Innondation_bougoubaCe quartier situé dans une cuvette marécageuse ne possède qu’un seul caniveau obstrué par les détritus et ses habitants savaient qu’une pluie sortant de l’ordinaire occasionnerait un désastre.

 

 

Quelques jours avant que des pluies diluviennes ne s’abattent mercredi sur Bamako, faisant des morts et d’importants dégâts matériels (voir l’Essor d’hier), les habitants de Bougouba Coura ou Bougouba Sotuba, redoutaient déjà un scénario catastrophe, en raison de la mauvaise viabilisation de leur quartier.

 

 

Pendant l’hivernage, les eaux de pluies stagnent partout, rendant impraticables la plupart des rues de ce quartier situé dans un bas-fond et de surcroit au bord du fleuve. Ses habitants savaient qu’une pluie sortant de l’ordinaire occasionnerait une catastrophe. Le scénario redouté est survenu mercredi. Ce jour-là, Mme Coulibaly N., son plus jeune enfant attaché au dos, le pagne retroussé jusqu’aux genoux, a pataugé sur plus de 200 mètres pour mettre en lieu sûr deux de ces enfants piégés dans sa maison inondée.

 

 

Bien avant le déluge de ce mercredi, la rue où habite cette mère de famille, comme la plupart des voies de Bougouba, était déjà à la limite de la praticabilité.

 

 

La viabilisation déficiente dans de nombreux quartier de la capitale, est inexistante ici. A Bougouba, il n’y pas ni caniveau, ni pavage, ni dallage, encore moins de bitumage, s’indigne Soumana Diakité, le chef de quartier. Abdoulaye Bassolé, chargé de l’assainissement à la mairie de la Commune II, confirme « le problème de viabilisation qui se pose à Bougouba ». Le quartier n’a pas été viabilisé avant l’installation des populations, dit-il en admettant, la tête baissée comme pour manifester sa désolation, que « les populations ont tout de même payé pour la viabilisation de leur quartier ».

 

 

UN SENTIMENT DE REVOLTE. Le problème date de 10 ans. Malgré la nature marécageuse du site, aucun travail de viabilisation n’a été effectué sur ce terrain déclaré constructible. La spéculation, les détournements, la gestion désastreuse du foncier mais aussi la passivité des habitants du quartier ont permis à cette énorme lacune de persister et de faire de chaque hivernage, une période d’angoisse.

 

 

« Habiter à Bougouba durant la saison des pluies est un calvaire », s’indigne Fatoumata Cissé accompagnée de son amie et de ses cinq enfants. Chaque fois qu’il pleut, sa maison est inondée. Dans la cour, sont alignées de grosses pierres pour pouvoir entrer et sortir à pied sec. Au delà de cette cour, les rues 81 et 75 sont quasiment impraticables. « Il est impossible de passer par là », prévient gentiment une jeune fille dont le visage traduit l’amertume et l’impuissance face à ce problème.

 

 

De loin, on aperçoit des terrains remblayés sur lesquels s’élèvent les maisons situées sur la berge du fleuve. « Les propriétaires de toutes ces maisons sont des riches. Ils pavent ou remblaient la devanture de leur propriété », indique Mme Keïta Oumou Bah dont la propriété fait paradoxalement partie du lot. « Nous qui sommes en location ne savons pas que faire face à cette situation dramatique », s’indigne Mme Cissé, une mère de famille éplorée. Furieux et meurtri, un jeune homme demande aux nouvelles autorités de faire toute la lumière sur les raisons de la non viabilisation de Bougouba.

 

 

On en arrivera peut être pas là puisque des actions sont annoncées pour doter Bougouba d’un minimum d’infrastructures. La mairie de la Commune II dont relève le quartier « avait acquis un financement de l’Agence française de développement (AFD) pour le pavage et le dallage des rues certains quartiers dont Bougouba », explique ainsi Abdoulaye Bassolé. L’entreprise a été interrompue à la suite du coup d’Etat de mars 2012 mais le projet va redémarrer avec la reprise de la coopération bilatérale.

 

 

Le chargé de l’assainissement à la mairie de la Commune II refroidit cependant l’enthousiasme en émettant des réserves sur la faisabilité de l’entreprise. Les rues de Bougouba sont, en effet, très étroites car deux voitures peuvent à peine se croiser. Dans tout le quartier, il n’existe qu’un seul caniveau le long de la rue principale. Faute d’entretien, ce canal sinueux est obstrué de terre et de détritus.  « Il sera difficile de creuser des caniveaux », constate le troisième adjoint du maire.

 

 

Que faire alors ? « Nous envisageons d’installer des mini-égouts en lieu et place des caniveaux pour le drainage des eaux pluviales et des eaux usées de toute sorte », indique Abdoulaye Bassolé qui annonce le pavage et le dallage ultérieurs de toutes les rues.

 

 

Mais l’étroitesse des rues n’empêche en rien la réalisation de caniveaux, contestent des spécialistes. Daouda Diallo, un ingénieur en génie civil, indique qu’il est possible de creuser des fossés à condition de les recouvrir de dalles afin de permettre la circulation automobile et d’éviter leur obstruction par les ordures. L’aménagement reviendrait évidemment plus cher.

 

 

Pour un quartier situé dans un bas-fond, précise Daouda Diallo à l’appui de sa proposition, il faut obligatoirement des collecteurs et des caniveaux pour empêcher la stagnation des eaux. Une zone située dans une cuvette comme Bougouba est un point de stagnation d’eau en provenance des quartiers situés en peu plus en hauteur, explique-t-il. Le pavage et dallage ne réglant pas la question du drainage et de l’évacuation de ces eaux, ne sauraient donc constituer la meilleure solution pour circonscrire le problème.

 

 

UNE RESPONSABILITE COLLECTIVE. Les habitants, eux, en ont gros sur le cœur contre tous les décideurs qui sont intervenus dans ce dossier. Le chef de village impute ainsi l’étroitesse des rues à la mauvaise gestion et à la mauvaise répartition des lots d’habitation. « Nos autorités n’ont pas respecté le premier plan de recasement de la population », assure-t-il. « Sur un total de 104 ha prévus pour nous recaser, nous n’en avons reçu que 38 dont 29 ont été effectivement repartis. Les maires d’alors ont vendu tout le reste. Elles étaient alors obligées de nous entasser et réduire les rues en vue couvrir leur manigance. Mais la population ne baissera pas les bras », promet-il.

 

 

Badou Coulibaly est jeune mais réputé dans le quartier pour son engagement citoyen, sa persévérance à mobiliser et sensibiliser les jeunes et les chefs de famille. Soucieux de l’intérêt général, il prêche par l’exemple quand s’il s’agit, par exemple, de curer le seul caniveau du quartier. « Je vais mener ce combat jusqu’au bout », assure ce gestionnaire de formation, professeur de mathématiques et de physique-chimie dans une école fondamentale du quartier. L’accès à Bougouba et la circulation à l’intérieur étant pratiquement impossibles, il préconise des mesures volontaristes des populations, elles-mêmes, pour résoudre le problème.

 

 

Badou Coulibaly rappelle que des chefs de famille avaient, par le passé, cotisé chacun entre 30  et 50 000 Fcfa pour recharger en latérite les voies principales. Cet argent a été détourné installant un climat de méfiance entre les uns et les autres.

 

 

Le jeune homme milite aujourd’hui pour l’installation d’un comité de gestion composé de femmes et d’hommes intègres et l’ouverture d’un compte bancaire afin d’y loger les fonds. Ce comité entreprendra de nouer un partenariat avec l’AFD pour viabiliser le quartier. Le premier adjoint du maire a promis son aide si les populations parviennent enfin à s’unir. Idem pour le chef de village qui juge indispensable que les habitants du quartier fassent front commun devant une épreuve qui les touche tous.

 

 

Il est, en effet, plus que temps que les premières victimes de la situation de Bougouba, montrent qu’elles sont les premières concernées. Avec la pluie de mercredi, ce n’est plus de désagréments dont il est question mais bien de mise en danger et de légitime défense.

 

 

Cheick Moctar TRAORE

Commentaires via Facebook :

9 COMMENTAIRES

  1. Merci Monsieur le Journaliste pour ce très bon article. J’ai fait des images apocalyptique de Bougouba coura le mercredi passé. C’était hallucinant. Il faut arrêter de pleurnicher sur notre sort et prendre les décisions qu’il faut. Pratiquement tous les propriétaires maison de Bougouba coura sont des gens qui ont une certaine aisance matérielle. Il nous fait nous organiser en groupement et association citoyens pour relever le défi de la viabilisation de ce quartier. Il y va de notre santé et de celle de nos enfants. Ne comptez surtout pas sur les maires qui ne rêvent, pensent et agissent qu’en spéculateurs. Indignons nous et agissons une fois pour tous.

  2. L’impunité, l’incivisme et la corruption constituent un mixage assez détonnant, parfois explosif. Tenez : un richissime malien, un vendeur de condiment ou un chauffeur de taxis donne de l’argent à un policier qui remettra sa part à son chef, à un conseiller communal qui remettra sa part à son chef, à un administrateur qui remettra sa part à son chef, à un responsable des domaines qui remettra sa part à son chef. Alors, qui va sanctionner l’autre ? Violer allègrement la loi est devenu le sport favori du malien d’en haut comme celui d’en bas. Juste de temps en temps quelques coups d’éclats de responsables que l’on arrête, et que l’on libère quelques mois après. Ainsi, nos braves dames occuperont illégalement la voie au rail-da (le policier et son chef ayant reçu leur part ne broncheNT pas, IBK que les uns et les autres craignaient n’étant plus Président de l’Assemblée Nationale). Toutes les voies aménagées sont vite réduites en parkings, espaces de ventes, lieux de prière les vendredis, etc. Le propriétaire de station pose ses installations sur le lit de Woyowoyanko dont le minuscule pont sous la porte d’IBK a disparu sous les eaux des heures durant (le Maire, le Préfet ou le Chef des Domaines ayant reçu leur part ne pipe pas mot). Les habitants de Banconi montent leur maison au flanc de la mare ou de la colline en soudoyant le Chef de village et ses conseillers, les maires et les préfets. La zone aéroportuaire est désormais transformée en zone industrielle, comme si les usines n’étaient pas habitées. Toutes les canalisations et évacuations de Bamako inexistantes ou initialement sous-dimensionnées, sont transformées en dépotoirs par l’incivisme. Les espaces verts, les terrains de jeux, les zones classées de Sotuba ou d’ailleurs sont tous bradés. Et idem dans les villes et villages. ALORS QUAND LA NATURE REPREND SES DROITS LORS DE VIOLENTS ORAGES, A L’UNISSON, ET DE FAÇON UNANIME ET COORDONNEE, TOUT LE MONDE CRIE : AU SCANDALE !!!!!!

    QUELLE SOLUTION ? IL SUFFIT POUR LE NOUVEAU PRESIDENT DE SANCTIONNER BRUYAMMENT LE MANQUE D’HYGIENE, LA GRANDE CORRUPTION EN APPLIQUANT LA LOI SURTOUT A LUI-MEME, A SES MINISTRES, ADMINISTRATEURS, MAGISTRATS, DEPUTES ET MAIRES. CE QUI N’EXCLUT D’AILEURS PAS LA SENSIBILISATION. ALORS, LES SOLUTIONS TECHNIQUES SUIVRONT…

  3. Les autorités Maliennes doivent être au service des populations.
    Les stars sont ceux qui les ont élu. Et n’on pas le contraire.
    Il est tant que cela se généralise. Les fonctionnaires sont payés pour rendre et servir le peuple Malien. Ils sont payés pour cela. Mais malheureusement dans la tête de certains fonctionnaires ce sont des stars, des bénis …
    Le changement au MALI doit se faire dans ce domaine là.

  4. 1-IBK doit couper court son voyage et rentrer au pays par SOLIDARITE.
    2-Cette catastrophe doit etre prise dans le compte de la nature.
    3- Au lieu de rester la a critiquer, tous les maliens qui le peuvent doivent se mobiliser pour apporter leurs soutiens materiels et financiers aux Sinistres.
    4- Habits, draps, anciens meubles, vivres, torches bref tout ce que les maliens peuvent apporter comme soutien est la BIENVENUE.

    Apres avoir fait nos devoirs de patriote place aux critiques et autres SOLUTIONS pour prevenir le future car personne ne COMMANDE la nature etant le domaine EXCLUSIVE de DIEU.
    Pour ma part je verserai Cinq cent milles CFA a qui de droit comme contribution.
    Maliens et Maliennes, TOUS a la MOBILISATION patriotique.
    Merci

  5. Le problème de viabilisation à Bougouba est un problème global et reflète le système de gouvernance dans nos pays. je suis un habitant de Bougouba vivant actuellement à l’extérieur du Mali. Le problème à Bougouba est lié à l’irresponsabilité de nos autorités administratives et communales qui ont eu à le gérer en son temps. Il s’agit de Ibrahim Féfé KONE, Mahamadou DIALLO, Bougader Ly. Rien ne se fait de manière transparente et honnête. Ceux qui nous dirigent ne pensent qu’à leur poche. Tout ce qui ne leur profite pas directement ne les intéresse pas. Ils ne cherchent le pouvoir que pour se servir et non servir les autres. C’est le cas aussi de Moussablétou, un des secteurs de Bougouba, contiguë à la centrale Balingué, dont la population souffre le même martyr, à chaque saison de pluie et qui attend sa viabilisation depuis 1998. Nous comptons sur les autorités communales actuelles, Monsieur COULIBALY et son équipe pour finaliser ce travail qui devrait l’être depuis la précédente équipe

    • MALGRÉ LEURS DÉBOIRES,LE JOUR DES ÉLECTIONS,LA PAUVRE POPULATION VOTERA POUR EUX.C’EST UN CAUCHEMAR NON?

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