Assainissement : confusion et polémique autour d’Ozone-Mali

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Au Mali, un contrat signé entre une entreprise marocaine et la ville de Bamako pour assurer la propreté de la capitale est devenu un sujet de controverses. La société marocaine Ozone reconnaît n’avoir pas été à la hauteur tout en accusant la partie malienne de ne pas honorer non plus son engagement financier. Comme si le contentieux entre la mairie et Ozone ne suffisait pas, la ville de Bamako et l’Etat malien s’accusent mutuellement d’être responsable de l’échec du projet. Conséquence, Bamako demeure sale. Ouestaf s’est intéressé au sujet.

« Nous sommes sans salaire depuis trois mois alors que nous travaillons dans des conditions très difficiles », fulmine un agent de la société Ozone-Mali. C’était le 19 avril 2022 lors d’un sit-in à la mairie du district de Bamako. Mines serrées, les agents réclamaient trois mois de salaires impayés.

Cette sortie des agents n’est qu’un des reflets des difficultés dans la mise en œuvre du contrat d’assainissement signé en février 2015 entre la mairie de Bamako et Ozone-Mali, filiale du groupe marocain Ozone. Selon le contrat, Ozone-Mali devait se charger d’assurer la salubrité à Bamako. En contrepartie, la mairie de Bamako lui versera chaque année neuf milliards FCFA, pendant huit ans. Dans l’esprit des signataires du contrat, Bamako devrait, à terme, changer de visage pour devenir une ville propre en 2023.

Mais à quelques mois de la fin du contrat (février 2023), l’insalubrité reste en l’état. Des tas d’immondices joncent toujours les rues de la capitale. La signature de la convention avec Ozone-Mali avait été pourtant bien accueillie par les populations de Bamako qui rêvent de retrouver leur cité d’antan : « Bamako la coquette ».

Abdoulaye Traoré, habitant et chef de famille à Médina Coura (centre-ville de Bamako) se souvient encore des premiers mois de prestations d’Ozone-Mali. « Les rues étaient régulièrement balayées, les ordures enlevées par des véhicules d’Ozone-Mali qui passaient devant les concessions au moins trois fois par semaine », rappelle-t-il. Mais cela n’a duré que quelques mois. La fréquence du ramassage des ordures est passée à « une fois par semaine avant de devenir occasionnelle, puis de s’arrêter », déplore M. Traoré.

À Ozone-Mali, les travailleurs reconnaissent la baisse brutale et précoce des activités de leur société. Le secrétaire général du comité syndical des travailleurs d’Ozone-Mali, Abdramane Sanogo, précise que les difficultés ont commencé six mois après le démarrage. « Beaucoup de choses prévues dans la convention n’ont pas été réalisées. C’est une convention mal négociée », estime-t-il.

Manque d’infrastructures

Le président directeur général (PDG) du groupe Ozone, Aziz El Badraoui, estime que la situation est due à des problèmes techniques et financiers. Ce qui a freiné la progression d’Ozone-Mali, a-t-il confié à Ouestaf News via la messagerie WhatsApp.

Sur le plan technique, El Badraoui reproche à l’Etat malien de ne pas mettre à la disposition de la société, une décharge finale opérationnelle, conformément à la convention. Dans la convention qui lie les deux parties, consultée par Ouestaf News, l’article 3, précise qu’Ozone-Mali « est chargée de la collecte des déchets ménagers et assimilés, des encombrants et des ordures des dépôts sauvages ainsi que du transport des résidus collectés au niveau des dépôts de transit à la décharge finale ».

Le site de Noumoubougou (40 kilomètres à l’est de Bamako), désigné à cet effet par les autorités maliennes, était saturé à cause de sa faible capacité, selon M. El Badraoui. Aussi, poursuit-il, Ozone-Mali se retrouve sans site adéquat pour décharger les déchets collectés ou enlevés dans les dépôts de transit. « Cette situation perturbe l’ensemble des opérations sur le terrain du balayage à la collecte des ordures. Parfois, les agents sont obligés de négocier avec des particuliers pour décharger les déchets dans leurs champs », confie le PDG du groupe Ozone.

La mairie du district de Bamako reconnaît également la difficulté liée à la décharge finale. Oumar Konaté, directeur du Service urbain de voirie et d’assainissement de Bamako, structure technique relevant de la mairie, regrette la non finalisation de la décharge de Noumoubougou, « malgré huit milliards de FCFA d’investissement ».

« Cette décharge est prévue en trois cellules. Une seule cellule est opérationnelle avec une capacité maximum de 400.000 m3.  Or la ville de Bamako produit 4.000 à 5.000 m3 par jour », indique M. Konaté. Autrement dit, en trois mois et dix jours et en raison de 4.000 m3 d’ordures par jour, la cellule opérationnelle est remplie. Avec l’absence d’unités de valorisation et de traitement de déchets, c’est tout le processus de collecte qui s’arrête.

Défaut de paiement, à qui la faute ?

L’incapacité d’Ozone–Mali ne s’explique pas seulement par l’absence d’infrastructures. Au plan financier, Aziz El Badraoui, PDG du groupe Ozone, déplore également les retards de la partie malienne dans le paiement des factures mensuelles de sa société. À ce jour, selon ses décomptes, la mairie doit à Ozone-Mali un montant cumulé de 14 milliards FCFA d’impayés alors que la société devrait prendre en charge ses salariés, assurer la mobilité des engins et leur entretien.

L’article 46 de la convention engage la mairie de Bamako à verser annuellement plus de neuf milliards FCFA à Ozone-Mali. « Le montant tient compte de toutes les prestations prévues par le contrat de gestion », allant de la collecte des déchets à la maintenance du matériel en passant par les charges salariales et autres frais encourus par la société.

La même disposition de la convention prévoit que « les paiements prévus au contrat seront effectués et ordonnés par le maire du district de Bamako, seul qualifié pour recevoir les significations des créances du titulaire du contrat ».

Du côté de la mairie de Bamako, le maire du district, Adama Sangaré, accuse le gouvernement de ne pas avoir joué pleinement son rôle pour l’atteinte des objectifs fixés dans la convention. « L’Etat doit d’énormes impayés à Ozone », reconnaissait M. Sangaré le 4 mai 2022, lors d’une cérémonie à la mairie. L’édile regrette les gros tas d’ordures qui traînent dans les rues de Bamako.

Pourtant, selon le texte de la convention, il n’est prévu nulle part dans la convention que l’Etat doit payer quelque chose à Ozone-Mali. C’est la mairie de Bamako qui doit régler ses factures. Alors, pourquoi accuse-t-on l’Etat ?

En plus de la mairie du district de Bamako et Ozone-Mali, le contrat porte également les signatures de deux ministres de l’Environnement, de l’Eau et l’Assainissement ainsi que de la Décentralisation et de la Ville.

Moussa Barry, alors secrétaire général du ministère de l’Assainissement, explique à Ouestaf News le processus d’élaboration du contrat : « pendant les réunions techniques mon ministère était chargé de l’aspect technique et les aspects financiers étaient du ressort du ministère de la Décentralisation et de la Ville ».

Le maire de Bamako ajoute aussi que son institution a été « contrainte » par les autorités politiques de l’époque de donner son quitus à la signature de cette convention. « Le conseil communal du district avait refusé à plusieurs reprises d’approuver la convention d’Ozone, parce que la mairie n’a pas les moyens de payer les neuf milliards. C’est ainsi que le gouvernement s’est verbalement engagé à payer Ozone-Mali durant les cinq premières années », confie le maire de Bamako à Ouestaf News, lors d’un entretien réalisé le 3 septembre 2022.

L’ancien Premier ministre du Mali, Moussa Mara, était aux affaires au moment de la signature du contrat, même s’il a quitté la fonction en janvier 2015, avant le démarrage des activités d’Ozone-Mali. Il balaie d’un revers de la main les accusations du maire de Bamako : « rien n’a été imposé à la mairie du district. C’est une convention. La mairie était libre de signer ou refuser. Le maire n’a posé aucun problème. Il a signé sous aucune pression ».

L’ancien Premier ministre concède toutefois qu’il était prévu que l’Etat apporte une contribution financière à hauteur de « deux milliards de francs CFA par an ». Sur le reste des neuf milliards, la mairie devrait payer deux milliards et aux ménages de supporter environ six milliards qu’ils devraient payer aux Groupements d’intérêt économique (GIE) qui ramassent leurs ordures.

Erreur de paternité

Pourquoi ni l’Etat ni la marie de Bamako n’a respecté son engagement ? Aux yeux de Moussa Mara, aucun des deux ne doit manquer de ressources pour honorer sa part du contrat. Mais l’ancien Premier ministre désigne Abdoulaye Idrissa Maïga, alors ministre dans le gouvernement qu’il dirigeait, comme principal responsable de l’échec du projet.

« C’est lui en tant que porteur principal (Abdoulaye Idriss Maïga, NDLR) qui m’a amené le dossier Ozone quand il était ministre de l’Assainissement. Il est devenu après ministre de l’Administration territoriale, ministre de la Défense et Premier ministre. S’il avait bien suivi l’exécution de la convention, on n’en serait pas là », accuse Moussa Mara.

Dans un entretien avec Ouestaf News, Abdoulaye Idrissa Maïga assume être l’artisan de l’arrivée d’Ozone au Mali. Il se dit « surpris d’entendre la mairie du district parler de pression lors de la signature de la convention ». Selon lui, c’est la mairie du district, elle-même, à travers le 1er adjoint au maire, qui lui a demandé de s’impliquer pour que Bamako devienne propre avant le Sommet Afrique-France de 2017.

C’est lors d’un salon sur l’assainissement au Maroc que le groupe Ozone a été présenté à M. Maïga par la mairie de Bamako. « J’étais accompagné du 1er adjoint au maire. Après avoir échangé avec Ozone là-bas, le maire du district est lui-même retourné visiter le groupe Ozone au Maroc avant que celui-ci n’envoie des experts à Bamako pour étudier la faisabilité et travailler avec la mairie du district sur les aspects techniques de la convention ».

La mairie du district réplique que l’Etat n’avait pas respecté les procédures administratives de signature de la convention. « La convention a été rédigée à la Primature, instruite au ministère de l’Environnement pour être proposée au vote de délibération à la mairie du district de Bamako », indique Oumar Konaté, directeur du Service urbain de voirie et d’assainissement de Bamako.

Or, ce projet aurait dû être élaboré et conçu par la mairie de Bamako puis transmis au ministère de tutelle (Administration et ville) et celui de l’Environnement avant d’être soumis au ministère des Finances et voté en conseil des ministres. Au vu de ce « vice », M. Konaté estime qu’il y a, à l’origine, « une erreur de paternité du projet, ce qui a causé ce problème de gestion ».

Avec toutes ces accusations et contre accusations, la convention d’Ozone devient une patate chaude entre les mains des autorités de la transition, arrivées au pouvoir à la suite du coup d’Etat du 18 août 2020, qui a destitué le régime d’Ibrahim Boubacar Keita. Le 21 avril 2022, le Premier ministre de la transition, Choguel Kokalla Maïga, a abordé le sujet sans plus de précision devant le Conseil national de transition. « Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais la convention d’Ozone est un problème que le gouvernement est en train de gérer », avait-il déclaré de manière laconique.

D’ici là, la capitale malienne reste confrontée à ses immondices, ses tas d’ordures, ses problèmes d’assainissement. S’évapore alors le rêve nourri de retrouver son lustre d’antan et son nom de « Bamako la coquette ».

MD/fd/ts

 NB: le titre est de la Rédaction.

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1 commentaire

  1. IL FAUT SUSPENDRE LE CONTRAT ET FINALISER LA DECHARGE FINALE ET REALISER L UNITE DE VALORISATION DES DECHETS POUR FAIRE DE L ELECTRICITE COMME AU RWANDA

    ENSUITE REPRENDRE AVEC UN PRIX ABORDABLE POUR LES FINANCES DE LA MAIRIE DU DISTRICT

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