A la Direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances, initiatrice de la loi interdisant les sachets plastiques et l’importation des granulés servant à leur fabrication, il n’y a pas de péril en la demeure. Au cours d’une réunion avec les opérateurs économiques et élargie aux organisations et associations de consommateurs, les experts environnementaux du département ont déclaré que les industries ne subiront pas d’impact majeur. Le plastique non biodégradable (dont la durée de vie est de 400 ans) sera remplacé par le plastique bio dégradable (d’une durée de vie allant de 6 mois à 5 ans). Il n’ y a que le matériau qui change. Le plastique biodégradable utilise les mêmes machines de production, sans modification et pour un surcoût mineur. Des emballages en carton, du papier à rouleau, des sacs en coton ainsi que d’autres types de plastiques faits à partir de produits locaux feront leur apparition. Ce qui viendra inéluctablement offrir du travail à de nombreux artisans, nous a-t-on dit, rompus dans les techniques de transformation des matières locales.
Notre enquête nous a conduits non seulement auprès des opérateurs économiques frappés de peur depuis l’adoption par l’Assemblée nationale de ladite loi mais aussi auprès des experts du ministère de l’Environnement et de l’assainissement à l’origine même de l’interdiction des sachets plastiques et granulés servant à leur fabrication. La loi ainsi adoptée stipule que sont "interdits à partir d’avril 2013 la production, l’importation, la détention, la commercialisation, l’utilisation des granulés et de sachets plastiques". Une précision s’impose en la matière. La loi, telle que prise dans cet intitulé, touche en partie tout ce qui concerne le secteur des plastiques. Alors qu’après enquête, il s’est révélé que tous les sachets plastiques ne sont pas visés par cette mesure. Seuls sont concernés les sachets plastiques faits à partir d’un film en polyéthylène de basse densité utilisé dans l’emballage d’eau, des denrées alimentaires. Il s’agit en fait des sachets noirs, bleus et de toutes autres couleurs qui ne sont pas biodégradables et qui peuvent rester plus de 400 ans sans se dégrader.
Les sachets ainsi incriminés sont faits à partir de granulés c’est-à-dire des grainsqui, par soufflage, donnent du plastique pour la fabrication des sachets.
Au cours d’une séance de travail initiée hier dans les locaux de la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances entre experts environnementaux, industriels et consommateurs, tous ont reconnu les nuisances causées par les sachets plastiques. Et ont beaucoup insisté sur son impact sur l’environnement lié entre autres à la diminution des espaces agricoles et du coefficient d’infiltration du sol et la baisse du rendement agricole, la pollution visuelle des sols, l’encombrement des caniveaux et des égouts, le dégagement de polluants organiques persistants (dioxines et furanes) pendant leur brulage. Aussi, les impacts au point de vue sanitaire sont loin d’être négligeables : les sachets plastiques servent de poches de prolifération des vecteurs des maladies (mouches, moustiques), l’irritation des voies et des yeux pendant le brûlage entrainant des maladies cardiovasculaires et respiratoires. Sans oublier, les effets cancérigènes et tératogènes et la mort du cheptel.
"C’est pour toutes ces raisons que nous avons initié le projet de loi interdisant la production, l’importation, la détention et la commercialisation, l’utilisation des granulés et des sachets plastiques au Mali " a dit Abdoulaye Traoré, chargé des pollutions et nuisances à la direction de l’assainissement. Au départ, explique t-il, «nous sommes partis sur la base d’un arrêté pour mettre un frein à l’utilisation des matières plastiques ciblées. Mais, nous nous sommes rendus compte que sur cette base, il nous sera difficile de prendre des sanctions et de sévir contre toute personne qui enfreint la loi» a -il précisé, ajoutant que c’est pourquoi, il a été décidé de faire un projet de loi à soumettre à l’Assemblée nationale.
Il nous est revenu que ce projet ainsi élaboré fut débattu tout d’abord à la Direction nationale des industries, puis au Conseil économique social et culturel et dans d’autres structures et ONG de la place.
Cette démarche vaut tout son sens et visait à faire adhérer le maximum d’opérateurs économiques à cette volonté des autorités de bannir purement et simplement l’usage des plastiques. Quand on sait que plusieurs unités industrielles interviennent dans le domaine du plastique. Dont huit sont parvenues à accroitre leur pouvoir d’achat dans sa production et dans sa commercialisation.
Il s’agit de Gatal industrie, Simplast, Somip, SBP plastique, Umaplast, Soacap, Somanap, Siego. Notons par ailleurs que la SOACAP (société africaine de chaussures et articles plastiques) est le plus gros producteur de pochettes et sachets plastiques avec plus de 40 000 tonnes par an soit 30% de la consommation nationale.
L’inquiétude des opérateurs économiques quant à la fermeture de leurs unités industrielles et à la perte de leur pouvoir d’achat n’est pas justifiée, déclarera pour sa part le Directeur national de l’assainissement Félix Dakouo. Qui précise que le texte n’a pas été élaboré sur un coup de tête. «Nous nous sommes d’abord rassurés qu’il existe bel et bien des alternatives avant de faire de ce projet une loi qui s’applique à tous».
Il y a lieu de préciser que beaucoup de pays africains sont déjà passés par là et ont tourné le dos aux sachets non biodégradables. Il s’agit du Rwanda, de la Tanzanie, de la RD Congo, du Gabon, du Tchad, pour ne citer que ceux-là.
La trouvaille des experts environnementaux est de remplacer les sachets plastiques non biodégradables par ceux biodégradables et d’approvisionner le marché malien de ces nouveaux produits.
Les sachets biodégradables auxquels il est fait allusion sont des sachets qui se dégradent avec le temps. Le procédé est que lorsqu’on ajoute aux granulés des additifs oxo bio dégradables, on obtient des sachets plastiques bio dégradables. Il suffit seulement de cinq ans pour que ces sachets se dégradent. Cela à la différence des sachets non bio dégradables pouvant durer plus de 400 ans avant de se dégrader. On comprend que ce qui change, c’est surtout les matériaux qui vont désormais rentrer dans la fabrication des plastiques. Il s’agit du d2w. C’est un procédé chimique en vigueur dans beaucoup de pays ayant banni l’usage des sachets plastiques non biodégradables.
Suivant la séance d’explication d’hier mercredi devant les opérateurs économiques, il va s’en dire que les avantages d’un emballage utilisant la technologie d2w sont loin d’être négligeables. Le plastique d2w se dégrade selon une durée de vie prédéterminée entre 6 mois et 5 ans, il est aussi résistant qu’un plastique traditionnel. Fait important : le plastique d2w utilise les mêmes machines de production sans modification pour un surcoût mineur. Il est certifié pour tout contact alimentaire et peut être recyclé ou fabriqué à partir de matériau recyclé. Ce n’est pas tout, il ne se fragmente pas simplement mais se biodégrade en CO2, eau et biomasse sans aucune forme de toxicité pour l’environnement.
Pas de péril en la
demeure
Les experts environnementaux soutiennent que le plastique bio dégradable offrira diverses opportunités aux opérateurs économiques et améliorera du coup les conditions de santé de la population et du cheptel.
D’abord, les industries ne connaitront pas d’impact majeur au point de mettre la clé sous le paillasson. Car l’essentiel des sachets plastiques est importé. Une seule usine de la place dénommée SIECO fabrique des sachets plastiques marqués. Cette production est très faible car l’essentiel des besoins provient de l’importation. Donc, une belle opportunité pour cette société qui expérimente déjà le plastique biodégradable. D’autres types de plastiques faits à partir de produits locaux feront leur apparition. Ce qui viendra inéluctablement offrir du travail à de nombreux artisans, nous a-t-on dit, rompus dans les techniques de transformation des matières locales. Il y’aura des emballages en carton, du papier à rouleau.
Le conseiller technique de l’ambassade de Chine a d’ailleurs promis, lors de son passage à la direction de l’assainissement, de fournir la liste de tous les produits bio dégradables disponibles dans son pays et de créer un partenariat entre les industriels maliens et ceux de son pays évoluant dans le secteur. Des promoteurs chinois se sont dits intéressés à venir investir à San et à Koutiala pour la production du sisal.
Aussi, des chercheurs maliens et opérateurs économiques de la diaspora se sont engagés, aux dires du Directeur national de l’assainissement, à faciliter l’introduction des biodégradables dans notre pays.
En clair pour les responsables du ministère de l’assainissement et de l’environnement, l’adoption de la loi interdisant les sachets plastiques n’aura aucun impact économique sur les activités des unités industrielles. Parce qu’au fond, il n’y a que le matériau qui change.
L’introduction de cette nouvelle technique n’a pas que des avantages économiques. Son apport sur les terres et sur la santé des personnes et du cheptel, qui est tout aussi important que son apport économique, fut exposé devant les industriels.
Les terres de cultures seront sauvées des plastiques qui, dans le sol, diminuent les rendements, les pertes en sol seront réduites et l’impact positif sera perceptible sur la végétation et les rendements.
Le cheptel connaitra plus de santé et les morts liées aux sachets plastiques diminueront. Et la santé des populations sera améliorée avec la diminution des maladies cardiovasculaires, des maladies respiratoires et des cas de cancer.
Les opérateurs économiques et consommateurs qui disent avoir maintenant compris la teneur de cette loi ont surtout déploré le déficit de communication des autorités autour de la question. Et ont demandé que des actions de sensibilisation se multiplient pour une large compréhension du public.
Au cours de la rencontre d’hier, il a été aussi décidé de la tenue tous les mois d’une séance de travail entre les acteurs concernés.
Les douaniers, qui participaient à la rencontre, ont été sensibilisés sur la teneur de la nouvelle loi afin qu’à son application, elle ne puisse souffrir d’aucun problème.
Les autorités ne semblent pas badiner avec son application. Au delà d’avril 2013, toute personne qui sera prise en possession d’un seul sachet de plastique (couleur noire) sera astreinte à payer la somme de 100 000 FCFA. La pénalité sera encore plus lourde quand il s’agit du plastique de couleur bleue. Elle s’élèvera à 200 000 FCFA.
Abdoulaye DIARRA