Pour son rapport 2017, l’ancien Bureau du Vérificateur Général a effectué une mission de vérification de la gestion financière et comptable de l’Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (APEJ). Cela, pour les exercices 2014, 2015, 2016 et le 1er trimestre 2017. Cette période sous revue a connu plus de 20, 85 milliards de FCFA de dépenses effectuées. La présente mission portait, d’une part, sur les marchés, les contrats simplifiés, les achats par bons de commande ou bons de travail et la régie d’avances et, d’autre part, sur les opérations de prêts et d’emprunts. Elle a pour objectif de s’assurer de la régularité et de la sincérité desdites opérations. La mission a relevé de nombreux dysfonctionnements et irrégularités financières qui se sont traduits par des manquements dans le dispositif de contrôle interne et dans la gestion financière.
Il ressort de cette mission de vérification que l’APEJ ne dispose pas d’un manuel de procédures. Un projet manuel de procédures budgétaires et comptables définissant les conditions d’intervention du Fonds National pour l’Emploi de Jeunes a été élaboré par l’APEJ, mais non approuvé par les ministres chargés des Finances et de l’Emploi comme exigé par la réglementation. L’absence de manuel de procédures budgétaires et comptables validé ne permet pas à l’APEJ de réaliser efficacement ses activités. Aussi, la structure ne produit pas de compte de gestion. Pendant la période sous revue, l’Agent comptable de l’APEJ n’a produit aucun compte de gestion, contrairement à la réglementation en vigueur qui précise qu’un tel document doit être obligatoirement élaboré, par budget et par exercice budgétaire définitivement clôturé. Ce manquement ne garantit pas la qualité et la transparence de la gestion financière et comptable de l’APEJ.
En outre, le Comité de Crédit et de Garantie de l’APEJ n’a pas élaboré de grilles d’évaluation technique des projets. Or, selon la réglementation en vigueur ce comité doit procéder à une évaluation de chaque projet jeune, par secteur ou type d’activités, à travers une grille comportant des scores relatifs aux différentes rubriques du projet. L’absence de grilles d’évaluation peut exposer l’APEJ au financement de projets non rentables.
La mission révèle que l’APEJ a effectué des emprunts bancaires irréguliers. Elle a procédé à trois opérations d’emprunts auprès d’une Banque sans requérir l’avis du Comité National de la Dette Publique. Elle n’a pas, non plus, requis l’autorisation préalable de sa tutelle, le ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, pour les emprunts à plus d’un an, comme l’exigent les textes en vigueur.
L’APEJ a effectué des financements irréguliers en 2014 et en 2016, avant leur approbation par les organes technique compétents et le ministre chargé de l’emploi, deux projets relatifs à l’acquisition de cages flottantes et d’un réseau de points services. Un tel manquement peut conduire l’APEJ à financer des projets non viables. Aussi, elle n’a pas procédé à la conclusion de contrats simplifiés pour des achats atteignant le seuil. Pendant la période sous revue, elle n’a pas conclu de contrats simplifiés pour 27 opérations d’achats de biens ou de services dont les montants individuels atteignent 500 000 FCFA, seuil à partir duquel la conclusion d’un tel contrat est exigée. La non-conclusion de contrats simplifiés prive l’Etat de la perception de droits d’enregistrement. En plus, la structure n’a pas passé de marchés pour des dépenses atteignant le seuil légal. Elle n’a pas passé de marchés pour l’achat de 14 tracteurs et leurs accessoires, pour un montant de 158,41 millions de FCFA, deux opérations de fournitures de kits de formation de jeunes sélectionnés dans le cadre de la pisciculture à cages flottantes pour des montants respectifs de 1,05 milliard de FCFA en 2014 et de 1,29 milliard de FCFA en 2016, deux opérations de dépenses pour l’organisation de la cérémonie de lancement du 7ème programme du stage de formation professionnelle pour des montants respectifs de 34,45 millions de FCFA et de 34,04 millions de FCFA. En lieu et place de contrat de marché public, l’APEJ a conclu des conventions de partenariat pour les projets et a fait effectuer des prestations de service sur la base d’une simple facture, sans procéder à des appels à concurrence, ni motiver les raisons du recours à un tel choix.
Manquements relevés dans les opérations de dépenses
Là, la mission a constaté que le directeur de l’APEJ a procédé à un fractionnement de dépenses. En effet, dans le cadre de l’organisation des Journées Nationales de l’Entreprenariat Jeune, en 2014, les dépenses de restauration d’un montant total de 28,24 millions de FCFA ont été réparties en trois achats effectués à travers deux factures et un contrat simplifié auprès de deux prestataires, au lieu de conclure un marché par appel d’offres qui, au regard du montant total, est le seul mode requis. Le directeur général de l’APEJ n’a pas appliqué des pénalités de retard. Dans le cadre de deux marchés de fournitures de véhicules conclus en 2014, il résulte de la comparaison entre les dates de notification et de réception que leur exécution a accusé un retard de 108 jours par marché. Pourtant, il n’a pris aucune disposition pour appliquer les pénalités exigées selon les termes du contrat établi. Le montant total des pénalités non appliquées s’élève à 8,60 millions de FCFA.
Le rapport note aussi que l’Agent Comptable de l’APEJ n’a pas justifié des retraits effectués sur les comptes bancaires. Dans certains cas, les retraits sont partiellement justifiés. Le montant total de ces retraits non justifiés sur les comptes bancaires s’élève à 3,85 milliards de FCFA. Le Directeur de l’APEJ a ordonné des paiements irréguliers. Il a, sans base légale, octroyé au ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle un montant de 13,85 millions FCFA sous forme d’avances. Il a également autorisé le préfinancement du salaire du personnel du « Projet Jeunes » pour un montant de 8,59 millions FCFA. Aucune de ces avances n’a été remboursée. Le montant total de ces avances irrégulières s’élève à 22,44 millions de FCFA.
En outre, le rapport 2017 indique que le Directeur Général et l’Agent Comptable de l’APEJ ont effectué des paiements irréguliers. Dans le cadre de la mise en place de deux mille «Points Services Relais», en partenariat avec la Société WARI, ils ont irrégulièrement payé, en 2014 et 2015, un montant total de 450 millions FCFA à cette société en l’absence du «business model» définissant la contribution de chaque partie tel que prévu par la convention de partenariat. Aucun des sites d’installation des kiosques n’avait également été identifié. De plus, ce financement a été effectué avant l’approbation du Comité de Crédit et de Garantie et aucun kiosque n’a été installé comme l’atteste la lettre de WARI du 19 janvier 2018, plus de trois ans après le premier virement de fonds à la société WARI.
La mission recommande de corriger les manquements constatés, en appliquant les pénalités sur tous les marchés ayant pris du retard, en faisant aussi rembourser la somme de 13,85 millions de FCFA irrégulièrement accordée au ministère chargé de l’Emploi, à titre d’avances et la somme de 8,59 millions de FCFA irrégulièrement accordée au Coordinateur National du «Projet Jeunes» à titre de préfinancement de salaires.
Dieudonné Tembely