Faute d’emploi, les jeunes diplômés maliens acceptent de plus en plus de travailler de manière bénévole. Mais ils connaissent bien des déboires et n’ont aucun interlocuteur à qui se plaindre…
“J’ai un diplôme de juriste. Depuis un an, je travaille avec un avocat. Il lui arrive de me donner 1 000 ou 2 000 F CFA, mais jamais plus. Et, nous sommes trois bénévoles dans le cabinet. Notre maître ne fait que plaider, c’est nous qui faisons le gros du travail”. Ces propos sont de O.D., un bénévole.
Aujourd’hui, rares sont les sociétés, entreprises privées, publiques et services d’Etat qui n’ont pas de bénévoles.
Très dévoués et discrets, ils sont disponibles pour toutes sortes de travail.
Le bénévolat est certes, l’action de faire un travail sans obligation et gratuitement, mais, au Mali, le terme s’est un peu galvaudé, car les bénévoles d’ici, s’ils travaillent gratuitement, ils ne le font pas de manière désintéressée.
“Je n’ai pas le choix. En restant à la maison, j’aurai perdu mon temps. Ici, je me fais connaître, et je noue des contacts qui peuvent me permettre d’avoir un travail”, estime ce jeune qui travaille dans une entreprise de la place.
Au départ, les bénévoles s’investissaient dans les actions humanitaires. C’était des personnes dotées de compétence et qui désirent se rendre utile à la collectivité. “La solidarité de voisinage” comme on dit. Mais, là, le travail des bénévoles était un passe-temps, un loisir.
Une grande polémique a lieu aujourd’hui dans les entreprises à leur sujet. Certains se posent des questions au sujet de leur compétence, d’autres de leur utilité.
Il n’y a pas de problème de bénévole, soutient un chef de service. “Ils sont là, c’est pour leur bien. Personne ne les retient. S’ils ne se sentent pas bien, ils peuvent partir”.
“Partir, mais où ?” semble répondre Y.D. une technicienne en santé.
C’est là justement, tout le drame des travailleurs bénévoles au Mali.
Ils se sentent dans leur majorité, traités de manière injuste, mais, n’exerçant sur aucune base légale, ils n’ont personne pour les défendre, les soutenir ou même les reconnaître.
Tout ceux que nous avons rencontrés refusent de faire connaître leurs identités, “pour ne pas avoir des problèmes”.
“Nous avons des griefs que nous ne pouvons formuler à personne. Car personne ne nous amené et ne nous retient. Là où nous sommes, nous n’avons ni droit, ni devoir”, nous dit cette sortante de l’Ecica qui nous raconte son histoire.
“J’étais dans une entreprise pour ne pas perdre la main. J’effectuais mes déplacements à mes frais.” En six mois, je n’ai jamais reçu un centime de quelqu’un. Mon travail dépendait de l’humeur de la secrétaire titulaire. Ainsi, pendant un mois, personne ne me confiait un quelconque travail. Et, quand j’ai été voir le directeur, pour me plaindre il m’a délivré mon attestation de stage sans même me demander pourquoi j’arrêtais de travailler.
Combien sont-ils les bénévoles au Mali ?
Difficile de répondre à la question, car ils ne sont répertoriés nulle part. Les accords sont conclus de gré à gré.
Il suffit de connaître quelqu’un dans une entreprise ou un service pour lui demander la permission de venir travailler gratuitement… Et, d’après nos constats, c’est dans le domaine de la santé que l’on rencontre le plus grand nombre de bénévoles.
Médecine et bénévolat
Ainsi, pour ce médecin chef, le bénévolat dans la Santé est nécessaire car, il faut travailler pour ne pas perdre la main.
Le bénévolat permet donc aux jeunes en attente d’emploi de fixer leurs connaissances.
Nos hôpitaux compteraient le plus grand nombre de bénévoles.
Dans certains services (gynécologie notamment), on en retrouve jusqu’à 15 ou 20.
Pour certains, en dehors des sous qu’ils se font “à gauche et à droite”, il n’y a aucune autre rémunération. Quand bien même, selon ce médecin chef, “ce sont les bénévoles qui font marcher nos hôpitaux. S’ils n’y étaient pas, il y aura à coup sûr une crise de personnel. Car, ce sont eux qui assurent les gardes”.
Et, selon notre interlocuteur, les bénévoles de la santé sont “professionnellement bons”.
La question des bénévoles embarrasse, car, ces martyrs du chômage ne sont pas considérés comme employés, puisque, ne travaillant sur aucune base juridique.
Malick Camara