Maintien des élections communales et régionales pour le 25 octobre : Le Ministre Abdoulaye Idrissa Maïga envers et contre tous

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Abdoulaye Idrissa Maïga
Abdoulaye Idrissa Maiga, ministre de l’Administration territoriale

Depuis quelques temps, des voix s’élèvent au sein des états-majors politiques pour demander le report des élections communales et régionales du 25 octobre prochain en raison de l’insécurité qui sévit au nord et au centre du pays. Le ton a été donné par les maires après une concertation entre eux. D’un commun accord, ils ont demandé au ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Abdoulaye Idrissa Maïga, le report du scrutin. Mais le Ministre reste sourd et tient à opérer un forcing.

Il n’a pas tenu compte de la revendication de la CMA qui se fonde sur des dispositions de l’Accord d’Alger pour la paix et la stabilité et des réserves des autres groupes armés. Alors que l’ancien directeur de campagne du candidat IBK qu’il fut doit s’inscrire dans la démarche de la classe politique et même de la société civile, qui estiment à l’unisson que les conditions sécuritaires ne sont pas favorables à l’organisation des élections sur toute l’étendue du territoire national.

La  logique de boucler le processus électoral, soutenue par le gouvernement pour sortir  définitivement de la transition politique, dit-on, n’est que de la poudre aux yeux. L’argumentaire selon lequel la présidentielle et les législatives ont été organisées  en 2013 où il y avait plus d’insécurité que maintenant s’avère cynique comme justification du forcing du Ministre qui va à l’encontre de la volonté de la quasi-totalité des acteurs du processus électoral. Le gouvernement estime que le facteur d’insécurité ne saurait être un moyen de chantage que certains veulent mettre en avant pour exiger le  report des élections et répondre à des agendas personnels. Mais il doit savoir que la sécurisation des personnes et de leurs biens est de son devoir régalien alors que des failles à ce niveau ne se discutent plus tant elles sont patentes. Ce qui pousse les acteurs du processus électoral à la prudence. C’est vrai que la présidentielle a été tenue dans des conditions de moindre sécurité. Mais c’est une honte de s’en référer pour un Gouvernement sous les ordres du Président IBK qui a bénéficié de la confiance des populations pour que la situation vécue ne soit désormais qu’un mauvais souvenir.

Dans les conditions actuelles d’insécurité, comment battre campagne et sécuriser les opérations de vote ? Comment acheminer le matériel électoral ? Surtout si l’on sait que même les convois des casques bleus n’échappent pas aux embuscades des terroristes !  Pourquoi donc le Ministre Abdoulaye Idrissa Maïga veut-il à tout prix maintenir la date du 25 octobre prochain ? Est-ce un agenda personnel du Ministre Maïga ? Ou un agenda de personnes influentes tapies dans l’ombre et qui seraient pressées, voire même trop pressées de réaliser leurs ambitions communales ou régionales en vue de la prochaine présidentielle ? Voila le fatras de questions qu’appelle l’attitude de l’organisateur en chef des élections.

En lieu et place de réponses à ces préoccupations qui taraudent les esprits des citoyens et des acteurs politiques de la Majorité comme de l’opposition, en passant par la société civile, le ministre Maïga répond par un entêtement injustifié, tel un soldat en mission commandée et qui n’obéit qu’au seul ordre de son commanditaire de chef. C’est là où le Premier ministre et le chef de l’Etat doivent comprendre qu’au-delà du Ministre Maïga, le peuple s’adresse à eux et attend d’eux des prises de décisions conformes à ses aspirations.

En effet, IBK qui se réclame toujours du côté du peuple qui l’a élu avec un score à la soviétique, doit prendre la mesure exacte de l’importance de la question pour rester encore avec le peuple car comme le disait Machiavel souvent cité à l’emporte pièce, notamment avec le fameux « la fin justifie les moyens », rappelons que ce même Machiavel nous enseigne aussi que « le peuple est la citadelle du Prince ».

Par ailleurs, ce forcing du gouvernement à travers le ministre de l’Administration territoriale est contraire à l’esprit de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger. Ce document censé mettre fin à la crise  exige certaines conditions avant la tenue des élections, qui ne devraient se tenir avant les 18 à 24 mois de  la période intérimaire. Il s’agit de l’organisation d’une conférence  nationale pour résoudre certaines questions ; le redéploiement des forces armées et de sécurité reconstituées, de manière progressive avec l’accompagnement de la communauté internationale ; le redéploiement de l’administration et  le retour des refugies. Sans tenir compte des bouleversements induits par les dispositions de l’Accord, notamment en matière électorale.

En effet, l’Accord en appelle à la révision de la loi électorale de manière à assurer la tenue aux niveaux local, régional et national, au cours de la période intérimaire, d’élections en vue de la mise en place des organes prévus dans l’accord.

Dans un entretien accordé à notre confrère du journal  22 septembre, le président du groupe parlementaire VRD, le député Mody N’diaye n’est pas passé par quatre chemins pour dénoncer le forcing du gouvernement et les conséquences que cela pourrait engendrer sur le plan politique et même sécuritaire. Selon lui, même un fou sait qu’on ne peut pas tenir les élections aux dates prévues par le gouvernement. «Les conditions ne sont pas réunies pour tenir les élections sur toute l’étendue du territoire. L’insécurité est généralisée un peu partout sur le territoire. En plus, l’Accord de paix et de réconciliation prévoit qu’on ne peut pas tenir d’élection au nord avant 18 mois. A moins que le Gouvernement ne remette en cause sa signature, il ne doit pas organiser les élections aux dates annoncées».

Ne pas  tenir compte de la démarche de l’opposition politique peut se comprendre. Mais être en porte à faux avec sa propre majorité serait le comble de l’incohérence de la part du Ministre et au-delà de lui, de la part du président de la République. Conscient du danger de la tenue de ces élections sur la paix et l’unité nationale, la soixantaine de formations politiques de la majorité présidentielle rassemblées au sein de la convention du même nom, la CMP, ont déposé un mémorandum demandant le report des élections communales et régionales du  25 septembre prochain.

Si Issa Togo, président du groupe parlementaire Adema-Pasj se  pose la question de savoir ce que le Gouvernement cherche en maintenant la date du 25 octobre, le député Yaya Sangaré va plus loin. Il estime que c’est irresponsable  de la part du Gouvernement de dire qu’il ne veut pas mettre en place des délégations spéciales, au motif  que celles-ci ne bénéficient pas de préjugés favorables. Ce sont des agents de l’Etat, s’ils commettent des fautes, l’Etat doit les sanctionner. «Si l’on prend notre pays, on ne peut organiser les élections que dans deux régions, Sikasso et Kayes. Sauf si le Gouvernement les organise de façon séquentielle, sinon, on est obligé d’aller vers un report.»

En dehors des partis politiques de la majorité et de l’opposition, la société civile aussi a demandé le report. Pourquoi le gouvernement s’entête-t-il donc à organiser ces élections comme pour sceller la partition du pays ? En tous cas, organiser les élections sachant que la CMA occupe une partie du territoire national où aucun scrutin ne peut être organisé par l’Etat, c’est accepter, de fait, la partition du pays. Que cache donc l’attitude du Gouvernement ? Est-ce un agenda politique ou une manière de répondre à la volonté de certains partenaires qui ne cherchent que la partition du Mali sous la couverture de la communauté internationale.

Nouhoum DICKO

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