En attendant le verdict de la Cour constitutionnelle, elles sont 15 femmes à fêter leur victoire lors des deux tours des élections législatives. Au début, elles étaient près de 200 candidates sur la ligne de départ. Soit sur des listes de partis politiques pour celles qui ont pu se battre au sein de leur formation ou qui ont pu débourser de l’argent à suffisance pour acheter le choix qui s’est porté sur elles. Soit sur des listes indépendantes pour celles qui ont décidé d’y aller seules avec les mêmes armes que les hommes sur un terrain qui ne leur réservait pas les faveurs des pronostics.
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Le nombre relativement bas représente celles qu’on peut qualifier de véritables rescapées. Beaucoup d’appelées, peu d’élues pourrait-on dire s’agissant des femmes dont celles qui ont gagné ont survécu parce qu’ayant utilisé les mêmes méthodes que les hommes et oubliant au passage jusqu’à ce qui fait leur spécificité.
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Avec à peine 10% à l’Assemblée nationale, on peut dire que notre système démocratique ne réserve que la part congrue à celles qui constituent plus de 51% de la population. Et scrutin après scrutin, on se rend compte que leur représentation au niveau du parlement fond comme beurre au soleil. En 1997, il y avait un peu moins d’une vingtaine d’élues sur à peu près 120 députés à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, elles sont 15 et encore. Dans tous les cas, de 1992 à aujourd’hui, le rôle que les femmes ont joué dans l’avènement de la démocratie est de moins en moins proportionnel à la place qu’elles occupent.
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Nous sommes loin des temps où certaines responsables des organisations féminines déclaraient leur volonté de rompre avec l’image de la femme applaudisseuse pour celle de la femme prenant en main son destin. Or depuis, les femmes n’ont jamais paru mieux tenir le rôle d’applaudisseuses que maintenant. Quand on regarde les directions des partis politiques, rares sont celles qui ont pu se frayer un chemin et obtenir une place autour de la table presque exclusivement réservée aux hommes. Par contre ce sont les femmes qui constituent le gros des bataillons de base mobilisant et battant le tam-tam pour les électeurs et les candidats. Cela est certainement la première bataille qu’elles ont perdue : celle d’une meilleure représentativité au sein des instances dirigeantes des partis politiques. Elle sera le début d’une série d’échecs aussi cuisants les uns que les autres mais qui semblent être autant de signaux sur le fait que les femmes devraient peut-être changer de fusil d’épaule.
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Après la bataille de la représentativité au sein des directions des partis politiques, les femmes ont engagé une deuxième bataille : celle du quota. Visiblement mal emmanchée malgré le fait que certains partis politiques ont pris en compte de manière formelle ce souci avec l’insurmontable difficulté de le traduire en acte, la bataille pour le quota occulte un certain nombre de handicaps qui représentent de véritables boulets que les femmes traînent depuis la nuit des temps. Sans être exhaustif, on peut souligner les contraintes objectives que son l’analphabétisme et la sous scolarisation et également la force subjective de certaines valeurs dont les femmes sont justement les dépositaires. Ce qui fait qu’il n’est pas surprenant de subodorer une sorte de contradiction entre les élites féminines et leurs sœurs majoritairement préoccupées par les pesanteurs de toutes sortes.
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Mais en plus de ces handicaps, la question du quota n’a pas tenu compte, à notre avis, du fait que la politique est fondée sur le relationnel, la confiance et les compétences que les femmes plus que les hommes devraient développer pour s’imposer sur un marché électoral où elles sont perçues comme du bétail. Et comme l’approche quota a été perçue plus come une sorte de courte échelle que comme moyen de niveler certaines inégalités, les tentatives de l’adopter sous forme de loi ont échoué. Lors de l’adoption de la loi électorale, même les élues n’ont pas cru devoir voter contre une loi qui ne tenait pas compte du quota qui figurait pourtant dans le projet de loi.
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Puisque les hommes ne veulent pas d’elles, elles ont décidé de faire comme eux. C’est là la troisième bataille qu’elles allaient justement perdre. Puisqu’elles ont décidé de ne plus se comporter comme de simples victimes, elles allaient adopter la même démarche que leurs « bourreaux » en renonçant à assumer leur identité et à porter leurs messages. Nous avons vu des femmes qui ont fait un usage abusif de l’argent sans parvenir à dissiper tous les soupçons sur sa provenance et son origine. Comme les hommes, elles ont fraudé, triché et corrompu pour avoir les voix des électeurs. Elles ont distribué des moulins, des marmites, des baignoires, des mortiers , des pilons, des sacs de céréales, du sel, des apéricubes, de l’argent liquide, du savon etc.
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Elles ont fricoté avec les représentants de l’Administration pour sortir en tête. Celles qui ont perdu au sortir des urnes se plaignent du fait que l’utilisation de l’argent a défavorisé les femmes qui sont les plus frappées par la pauvreté. Elles déplorent que les partis politiques ont mis les places sur les listes électorales aux enchères, excluant du coup les femmes qui n’ont aucune ressource. On pourrait en rire si ce n’était pas vrai ; on pourrait en rire si cela n’était pas accepté tant par les hommes que par les femmes ; on pourrait en rire si les femmes n’avaient pas voulu rivaliser avec les hommes sur le terrain politicien en faisant feu de tout bois et en distribuant des billets de banque à la pelle.
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Elles seront donc 15 à l’Assemblée nationale, si la Cour constitutionnelle confirme les résultats rendus publics par le ministère de l’Administration territoriale. Elles seront 15 au milieu de 132 hommes qui les regarderont comme leurs semblables, comme celles qui sont des initiées et qui sont capables de faire aussi bien qu’eux. A elles d’apporter un peu de fraîcheur et surtout de recouvrer leur statut de femmes qui devront porter les espoirs des autres femmes.
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Bassaro Touré
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