Invalidation de Tiébilé Dramé : Des procédures douteuses et un arrêt curieux

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L’invalidation par la Cour constitutionnelle de la candidature de Tiébilé Dramé continue d’alimenter les conversations dans les salons et grins et d’inspirer les analystes politiques. Le président du Parena, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle voit sa volonté de prolonger son combat politique au sein de l’hémicycle brisée nette par l’arrêt de la Cour constitutionnelle.rn

A bien des égards, la décision prise par les neufs sages paraît bien curieuse. La liste invalidée comprenait outre Tiébilé Dramé, deux députés sortants qui ont décidé de faire liste commune : Cheickna Hamalla Bathily passé à l’URD après son élection sous les couleurs de l’UDD et Moustapha N’Diaye de l’Adéma. A priori il n’y avait pas de problème encore moins de crainte quant à la validité de la liste. A priori seulement. Parce que l’UDD a décidé de faire payer à Cheickna Hamalla Bathily sinon sa trahison du moins son infidélité matérialisée par son nomadisme vers l’URD.

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Saisie d’une requête de l’UDD, la Cour constitutionnelle a cru devoir déceler certaines incongruités et quelques incivilités dans l’état civil du candidat Bathily. Celui-ci serait né à plusieurs endroits, attestés par les numéros d’un premier jugement supplétif valant acte de naissance, puis d’un second, puis d’un troisième et même d’un quatrième, tous remis par l’UDD qui en avait contre le député sortant et qui ne faisait pas mystère sur ses intentions de le faire payer. Le doute est apparu aux yeux de la Cour constitutionnelle lorsqu’elle a examiné le volet n°3 du casier judiciaire, pièce nécessaire à la recevabilité de la candidature. 

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Le lien entre les numéros des « jugements supplétifs » et le volet n°3 du casier judiciaire de Cheichna Hamalla Bathily a fini par constituer un gros doute quant à la validité de la candidature du député sortant. C’est finalement ce doute qui devait entraîner l’invalidation de Bathily qui tombe avec la liste entière dont fait partie Tiébilé Dramé. Stupeur au sein de l’opinion nationale en cette soirée du jeudi 31 mai. Les intéressés, notamment Tiébilé et Bathily qui sont les plus connus, crient à la machination. Celui par qui l’invalidation est venue parle d’atteinte à son honneur. La victime collatérale qu’est Tiébilé estime que la Cour a rendu un jugement politique.

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La décision de la Cour constitutionnelle est-elle sans reproches du point de vue du droit ? Aux yeux des spécialistes en droit que nous avons approchés, l’arrêt de la Cour n’est pas irréprochable et s’interrogent. La première interrogation porte sur la capacité offerte à la Cour constitutionnelle d’examiner et de se prononcer sur la régularité d’une pièce d’état civil jugé par elle, non pas fausse mais simplement douteuse. Faut-il rappeler qu’entre la proclamation de la liste provisoire et la proclamation de la liste définitive, ceux qui possédaient des requêtes n’avaient eu que quarante huit heures et les neufs sages eux-mêmes moins de quarante huit heures ?

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Ce qui ressemble fort à une course contre la montre qui n’est hélas pas sans dommage sur la moralité et la sincérité du processus. La seconde interrogation se rapporte à l’analyse qui a permis à la Cour d’aboutir sur la base du doute, à l’invalidation de toute une liste dont font partie outre le député sortant, des hommes politiques d’une envergure nationale. En l’absence de toute possibilité d’épargner les autres de la vengeance dont l’UDD a poursuivi Bathily, n’aurait-il pas été plus sage et certainement plus conforme aux principes de la Justice de leur faire bénéficier du doute ?

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Le Parena crie au loup et son président à l’acharnement contre sa personne. Cheickna Hamalla Bathily pense la même chose et promet à ses bourreaux d’un jour que la lutte sera longue. Mais en mettant en doute la position juridique de la Cour constitutionnelle. Le Parena est-il non plus sans reproche ? Non de l’avis des mêmes spécialistes en droit. Pour eux, le député sortant a bien fait l’objet d’une condamnation (probablement à une peine afflictive et infamante) lui interdisant toutes possibilités de se présenter à la députation encore moins d’être député.

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Or il se trouve qu’il l’a été. Il a probablement bénéficié d’un non lieu partiel et d’une disqualification lors d’un second jugement dont on ne retrouve nulle trace dans la lecture de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, selon eux. Mais alors, se demande l’un d’eux, « aucun juge ne pourra accorder une telle « faveur » à une personne condamnée auparavant par une cour d’assise sans que celle-ci ne statue à nouveau ? ». Si les faits criminels ont été disqualifiés en partie et l’accusé absout en partie, cela devrait ressortir d’un dossier qu’il y a lieu de mettre à disposition, selon eux.

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En tous les cas, de leur point de vue, les procédures dans cette affaire Cheickna Hamalla Bathily sont assez douteuses pour ne pas permettre de jeter l’ombre d’un doute sur le dispositif de l’arrêt rendu. « Mais le juge, fut-ce-t-il juge constitutionnel, doit-il se laisser gagner par le doute ou par l’évidence ? » s’interroge gravement un des spécialistes avant de conclure aussi sec que la question de l’indépendance du juge est désormais posée dans notre pays en quête de droit et de justice.

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Bassaro Touré.

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Nouvelle Republique du 7 juin 2007

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