Eléctions législatives : Les déçus, les reçus et les satisfaits

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Le ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales a procédé le vendredi dernier à la publication des résultats définitifs provisoires du premier tour des élections législatives qui s’est déroulé le 1er juillet. En attendant le verdict de la Cour constitutionnelle, on peut d’ores et déjà tirer quelques leçons.

La domination de l’Adéma

Sur les 13 sièges enlevés au premier tour, l’ancien parti au pouvoir place dix élus (sous réserve de confirmation par la Cour constitutionnelle). Et au second tour, l’Adéma se retrouve sur liste propre en compétition directe sur 40 sièges et en alliance en compétition sur 72 sièges. Ce qui confirme le regain de bonne santé d’un parti qui prouve ainsi qu’il demeure la première force politique du pays et rend crédibles les déclarations de son président, Dioncounda Traoré, qui pronostiquait le retour au pouvoir de l’Adéma en 2012. Au regard des résultats, tous les observateurs s’accordent à dire que l’Adéma, sauf catastrophe, pourrait bénéficier seule de la majorité absolue. Ce qui devrait conforter sa position dominante au sein de l’ADP et la mettre à l’abri de quelques tours pendables.

La victoire probable de l’Adéma prouve que malgré les problèmes qu’elle a traînés et les crises internes, ce parti a encore de la réserve et sait toujours compter sur sa machine électorale. En attendant les résultats définitifs, on peut craindre la lutte des ego au sein d’un parti qui ne manque ni de prétentieux ni d’ambitieux qui pourraient voir leur appétit aiguisé par les résultats législatifs. Mais on peut affirmer que c’est une belle revanche sur 2002 où les différents verdicts de la Cour constitutionnelle avaient privé ce parti d’une majorité qui lui tendait les bras à l’Assemblée malgré la défaite de son candidat à la présidentielle.


Le recul du RPM

Avant le début de la compétition, le Rassemblement pour le Mali avait les faveurs des pronostics pour au moins conserver sa position de seconde force politique de notre pays. Cela essentiellement grâce à une apparente cohésion et à une absence totale de crise de leadership. Et puis le RPM avait de bons atouts : son président était au perchoir de l’Assemblée nationale, tous les députés de Bamako sont du RPM etc. Mais les résultats du premier tour ne lui sont pas favorables. Non seulement le RPM n’a pas pu placer un seul élu au premier tour (y compris IBK dont le cas est symptomatique de ce qui est arrivé au parti) mais il se trouve presque partout en ballotage défavorable. Ceci est dû au fait que le RPM n’a presque pas fait de campagne et a montré des limites organisationnelles inquiétantes pour un parti dont les ambitions sont connues. On peut presque parier que le RPM n’aura pas le nombre d’élus dont il disposait dans l’Assemblée sortante avec pour conséquence la perte probable du perchoir par son président.

La confirmation de l’URD

La victoire dès le premier tour (en attendant le verdict de la Cour constitutionnelle) de Younoussi Touré à Niafunké symbolise la bonne santé de l’URD. Créée lors d’une scission au sein de l’Adéma après les législatives de 2002, l’URD pourrait voir le nombre de ses députés passé de 17 à une trentaine. Au second tour, l’URD est presque partout en ballotage favorable sur liste commune. Avec les résultats du second tour, l’URD devrait se positionner comme deuxième force politique derrière l’Adéma au sein de l’ADP. Ce qui devrait nourrir quelques ambitions notamment au niveau du bureau de l’Assemblée nationale ou de la formation du gouvernement.

La rareté des femmes

On peut déjà le dire : il y aura moins de femmes à l’Assemblée nationale que lors la législature sortante. En effet, seules 22 ont pu survivre au choc du premier tour ; ce qui devrait logiquement donner moins de 12 députés femmes au sortir du second tour. Elles étaient 14 au sein de l’Assemblée nationale sortante. Au moment de la confection des listes électorales, des voix s’étaient élevées pour plaider leur cas, mais malgré tout elles ne représentaient que quelque 10% sur les listes.

L’utilisation abusive des procurations avec la complicité de l’administration

L’une des caractéristiques du premier tour des élections législatives est sans conteste l’usage abusif des procurations. Sur le plan légal, la procuration répond à des critères bien déterminés et constitue une sorte de dérogation pour palier des situations exceptionnelles comme les cas de maladie ou les cas de voyages impromptus. Or, l’administration en complicité avec certains candidats ont transformé l’exception en règle. Les cas les plus retentissants ont été constatés dans le Nord, notamment à Gao où la preuve a été faite que la liste Adéma a bénéficié de milliers de procuration signées à blanc (voir déclaration des partis politiques), à Bourem où la CENI recommande même l’annulation de 6 000 voix obtenues grâce aux procurations, à Goundam où un taux de participation anormalement élevé a été remarqué dans des zones inhabitées, à Kati où on soupçonne certains candidats d’avoir fait voter des Guinéens, etc.

Mais l’administration ne s’est pas seulement signalée par l’attribution de procurations par milliers. En effet, certains préfets et sous préfets ont été surpris en train de tripatouiller les résultats en déchirant des enveloppes pour en changer le contenu. C’est le cas à Ténenkou où le sous préfet est accusé d’avoir changé les résultats en faveur de l’honorable Ouleymatou Tamboura donnée largement battue mais qui se retrouve en première position ; tout comme à Yélimané où le préfet est accusé d’avoir modifié les résultats sortis des urnes afin d’obliger le député Mamadou Hawa Gassama à un second tour.

Dans tous les cas, qu’il s’agisse des procurations ou de l’immixtion de l’administration dans les opérations électorales, la Cour constitutionnelle a du pain sur la planche.

Les déceptions du premier tour

Le premier tour des élections législatives a réservé bien de surprises. Et dans certains il faut tout simplement parler de déception.

La première déception nous est venue du RPM à travers son président Ibrahim Boubacar Kéita. Le président sortant de l’Assemblée nationale a été contraint à un second tour dans sa commune par une liste d’indépendants conduite par Moussa Mara. N’ayant pas fait de campagne du tout, IBK s’était contenté à faire le tour de certains chefs de quartier et à multiplier les messages de remerciements pour le soutien de la commune IV lors des élections…présidentielles. Ayant péché par excès de confiance, IBK sera obligé de mouiller le maillot face à des jeunes challengers qui regrettent de ne l’avoir pas étalé dès le premier tour. Il faut rappeler que lors des élections présidentielles, IBK avait battu ATT dans cette commune. Mieux, en 2002, il avait gagné haut la main dès le premier tour. Son mauvais score combiné à la pâleur de son parti dans la compétition législative pourrait être des handicaps pour la conservation du perchoir.

Il y a également Me Mountaga Tall du Cnid. Conduisant une liste de gros bras (Cnid, Adéma et URD), Me Tall devra batailler fort pour sa reconduction. Il connaît mieux que quiconque sa ville de Ségou et l’humeur changeante de ses habitants. Et comme il se dit qu’il n’est pas en odeur de sainteté à Ségou, il sait ce qu’il lui reste à faire d’efforts pour venir à Bamako. S’il devait gagner, ce qui pourrait être le cas au regard de ses 46% du premier tour, il devra batailler au sein de l’ADP pour conserver son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale. Or au sein de ce regroupement, il a des partenaires plus forts, sans état d’âme et autrement plus coriaces que le RPM lors de l’aventure de Espoir 2002.

On ne peut passer silence le naufrage du chanteur Salif Kéita qui s’était aligné sur la liste du PCR dans la circonscription de Kati. Quelques mois avant même le début de la campagne, le chanteur donnait de la voix pour annoncer sa candidature, mais également sa victoire dès le premier tour avec au moins 90% des voix. Curieusement personne ne l’a vu faire le tour de sa circonscription en train de battre campagne. Mieux, le début de la campagne avait coïncidé avec sa tournée musicale à l’intérieur du pays. Résultat : Salif a été renvoyé par les politiciens à ce qu’il sait faire le mieux c’est-à-dire chanter.

Parmi les déceptions on peut évoquer le cas de Dioncounda Traoré, président de l’Adéma. Dans son cas, on modère un peu notre jugement parce qu’il n’a jamais gagné au premier à Nara. Mais, comme beaucoup d’observateurs, nous avions pensé qu’il profiterait de la dynamique ATT et de l’ADP pour faire le plein des voix au moins cette fois-ci. Mais hélas, il est contraint à un second tour comme à son habitude.

Mahamane Santara de Djenné également figure dans cette liste des déçus. Non seulement il ne gagne pas au premier tour, mais il se trouve largement distancé. Ce qui pourrait l’empêcher de siéger à l’Assemblée pour la quatrième fois d’affilée depuis l’avènement de la démocratie.

On ne peut pas passer sous silence la défaite de Kaourou Doucouré du Parena dans la circonscription électorale de Yélimané. Il n’aura pas eu la chance de participer au second tour. On regrettera l’une des fortes voix de l’Assemblée nationale qui ne manquait aucune occasion pour interpeller vigoureusement les membres du gouvernement. Le dernier à avoir été interpelé par Kaourou Doucouré est le ministre de l’Agriculture à la veille de la campagne électorale. Ce qui a fait dire à certains observateurs que l’honorable Kaourou cherchait à mobiliser l’électorat autour de sa candidature. Mais visiblement cela n’a pas suffi.

Pour terminer, on ne peut pas taire le sort qui est arrivé à Sékou Diakité de l’Adéma en commune II. Contrairement aux précédents, le secrétaire à la communication de l’Adéma n’était pas candidat mais cela n’enlève rien à sa déception. Non seulement Sékou Diakité était le coordinateur régional de Bamako de son parti mais également le coordinateur régional de Bamako de l’ADP. Il était particulièrement actif sur le plan de la mobilisation. Mais voilà que cela ne lui a pas permis d’empêcher l’échec de son parti en commune II qui pour la première fois ne participe même pas au second tour. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, la DAF de l’AMADER qu’il dirige vient d’être épinglée par le Vérificateur général pour la rondelette somme d’un peu plus du milliard. De quoi perdre ses illusions et ses ambitions.

El Tiégoum B MAIGA

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