D’emblée, la Coordination des mouvements de l’Azawad (Cma), en reprochant au Gouvernement la fixation du calendrier électoral des élections locales de façon unilatérale, est dans son bon droit. En effet, au terme de l’Accord issu des négociations d’Alger, notamment en son article 68 : « Le présent Accord entrera en vigueur dès sa signature par les Parties et la Médiation ».En d’autres termes, l’Etat malien reste actuellement lié aux dispositions de cet Accord qui spécifie, en son article 50, que « la communauté internationale est garante de la mise en œuvre scrupuleuse ».Il n’est donc pas question de la violer si nous voulons rester crédibles aux yeux de la communauté internationale et continuer à bénéficier de son soutien si précieux, surtout après tant d’efforts déployés pour parvenir à la signature de ce document, symbolisant la retrouvaille entre frères et sœurs du Mali.
Les premières lézardes entre le Gouvernement et la CMA sont apparues avec la mise en place des agences de développement régional comme demandé par l’Accord. La CMA proteste pour n’avoir pas été associée à cette activité qui, pour elle, doit se tenir en parfaite concertation avec les trois parties signataires de l’Accord d’Alger. En plus, selon l’alinéa 2 de l’article 40 consacré à ces agences de développement régional dans l’Accord : «L’Agence fait partie de l’administration régionale et est placée sous l’autorité du Président de l’Assemblée régionale, devant laquelle elle est responsable ». En clair, la CMA, en contestant la mise en place de ces agences, estime certainement qu’on est en train de mettre la charrue avant les bœufs car aucune disposition n’est encore prise pour la mise en place de la région au sens de l’Accord, en son article 8 : «Les régions sont compétentes, dans un cadre général préalablement défini par voie législative et règlementaire… ».
C’est dans ce prolongement que le calendrier électoral fixé par le Gouvernement est aussi rejeté par la CMA parce qu’il faut s’atteler aux réformes promises, avant d’envisager l’organisation d’élections locales qui doivent d’ailleurs tenir compte des dispositions du chapitre 3 de l’Accord consacré au cadre institutionnel et la réorganisation du territoire. Il convient de retenir que le mot « réorganisation » est explicitement utilisé. Alors, qu’attend-on pour le faire ?
Ce projet de réorganisation au plan institutionnel et de la réorganisation du territoire, est d’ailleurs renforcé par l’article 6 du même chapitre : «Les parties conviennent d’une architecture institutionnelle permettant aux populations du Nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ses populations, au sein des institutions nationales ». Sans commentaire !
Cette réforme administrative attendue, présentée par ailleurscomme l’achèvement du processus de décentralisation déjà engagé, tarde à voir le jour. Une raison, parmi tant d’autres, de ne pouvoir tenir les élections à la date prévue, notamment le 25 octobre 2015.
Mais en dehors même de l’inopportunité de la tenue des élections locales en terme de calendrier, la nature du scrutin pose problème. En effet, selon le Code électoral en vigueur, le citoyen n’a pas la possibilité de désigner directement le maire ou le président du conseil régional, parce qu’il vote pour une liste. Souvent, le peuple est trahi par des coalitions de combinards qui se débrouillent pour marchander les différents postes et faire émerger comme maire ou président du Conseil régional, un illustre inconnu ou un personnage controversé.
Avec l’Accord d’Alger, les maires et présidents devront être élus au suffrage universel direct, comme c’est précisé à l’alinéa 2 de l’article 6 précité: «La région est dotée d’une Assemblée régionale élue au suffrage universel direct, bénéficie d’un très large transfert e compétences, de ressources et jouit des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés ». L’alinéa 3 renchérit : «Le président de l’Assemblée est élu au suffrage universel direct. Il est également le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région ». Et l’alinéa 4 de compléter : «Les cercles et les communes sont dotés d’organes délibérants (Conseil de cercle et Conseil communal) élus au suffrage universel direct et dirigés par des bureaux ayant une fonction exécutive avec à leur tête un président du Conseil de cercle et un maire élus ».
Aussi, dans le cadre de ces réformes attendues, faudra-t-il définir la répartition des compétences par la loi, comme le stipule le chapitre 4 de l’Accord, notamment en son article 9 : «Les délibérations des collectivités territoriales sont exécutoires dès leur publication et leur transmission au représentant de l’Etat. La répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales est déterminée par la loi, sur la base du principe de subsidiarité ».
Au vu de tous ces préalables, il est impensable que l’Etat puisse faire machine arrière en essayant d’ignorer ses engagements contenus dans l’Accord pour organiser des élections communales et régionales qui font fi de toutes ces réformes dont la conduite ne pourra s’effectuer en si peu de temps.
Mais alors que faire puisque les mandats des conseillers municipaux et conseillers régionaux seront caducs ? C’est là où s’orientent actuellement les réflexions au niveau du pouvoir qui reste conscient de l’impossibilité de la tenue des élections selon le calendrier fixé. Mais il fallait faire cette annonce pour rester dans la légalité et aussi ne pas donner l’impression de laisser pourrir la situation pour ensuite mettre les collectivités locales sous la coupe de la majorité présidentielle et surtout du parti au pouvoir en y installant des délégations spéciales pour en assurer la gestion pour la période transitoire.
Comme le confie un haut responsable du RPM : « Nous l’aurions fait, ils auraient crié à la manipulation ». Ils, ce sont les membres de l’opposition qui doit éviter un piège : il ne faut jamais prendre la responsabilité de demander au Gouvernement d’ignorer les dispositions de l’Accord d’Alger. Par conséquent, que l’on arrête le jeu de dupes entre la majorité et l’opposition pour dialoguer et faire un choix entre les deux termes de l’alternative : installer des délégations spéciales ou prolonger à titre exceptionnel le mandat des équipes en place. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Et l’Assemblée nationale ne se trouve pas bien placée pour dire le contraire car la Transition suite au coup d’état du 22 mars 2012, c’est tout justement hier.
Amadou Bamba NIANG