Cette troisième tentative aura été la bonne. Après deux reports, la course pour l’Assemblée Nationale a été lancée ce dimanche 29 mars 2020. Au centre de vote Mamadou Konaté à Bamako-coura en commune III de Bamako, les citoyens, entre craintes du Covid19 et volonté d’accomplir leur devoir civique, se sont rendus de façon timide aux urnes.
Ambiance au centre Mamadou Konaté
Adieu l’ambiance des jours de fêtes électorales.C’est uncalme de cimetière qui règneau centre de vote du groupe scolaire Mamadou Konaté ce dimanche matin. Dès l’entrée, une fiche au mur sensibilise les électeurs sur le Covid19 en vue de les assurer des dispositions prises contre cette menace mondiale. Un corps mixte de la Police, de la Garde et de la Protection civile assure leur sécurité.
Les candidats et les autorités, avant le jour-j, ont appelé au civisme et au respect des mesures barrières sur les plateaux Télé. En ce jourretenu pour le premier tour des législatives, l’affluence est timide par rapport aux élections précédentes. « En faisant une comparaison avec la présidentielle de 2018, la foule de cette année ne représente qu’une goutte d’eau dans la mer. On a ouvert le bureau à 8h, mais il a fallu attendre plus de 30 minutes pour enregistrer le premier électeur.», nous explique le président du bureau de vote N°6.
La tenue de ce scrutin a fait jaser. Le Président de la République, dans son discours du 25 mars 2020, a affirmé que l’organisation de ces législatives, figure parmi les recommandations du Dialogue National Inclusif(DNI). « Ce scrutin prend sa source dans les recommandations du Dialogue Nationale inclusif », s’est-il justifié.
Pour les principaux animateurs de la scène politique, le dialogue n’a pas prévu le coronavirus.Donc ces élections, pour eux, doivent être reportées pour deux raisons principales : la menace de la pandémie du Covid19 et l’enlèvement récent du chef de file de l’opposition. « Le chef de file de l’opposition, l’honorable Soumaïla Cissé a été enlevé, il y a seulement une semaine. Vu la place qu’il occupe, est-ce que le gouvernement ne doit pas penser à un report du scrutin ?», s’interroge, le docteur ChoguelKokallaMaïga.
Jusqu’aux environs de dix heures, c’est le calme plat dans le centre. « Mon Dieu, il y a peu de gens ici hein ! Est-ce que les gens vont venir voter aujourd’hui ? Regarde, nous ne sommes qu’une dizaine en plus des forces de sécurité. Ça alors », s’étonne une quadragénaire accompagnée de son amie.
Installé à quelques mètres du bureau N°2, Famory Doumbia, le chef du centre discute avec des agents de santé venus pour vérifier le matériel sanitaire. Le sexagénaire porte une chemise bleue-claire surun pantalon jean bleu. Ces agents de santé en gilet blanc, au nombre de quatre suivent le superviseur, bureau par bureau pour s’assurer de la disponibilité de solution hydro-alcoolique, de l’eau et du savon. Après cette visite, Famory regagne sa place dehors. Chaque minute qui passe, il est sollicité par un président de bureau pour clarifier une situation.
Il nous explique : « Ici, c’est le centre du groupe scolaire Mamadou Konaté. Il est composé de 15 bureaux de 500 électeurs. 12 bureaux de vote sont alignés dans le même bloc et les trois autres notamment le treize, le quatorze et le quinze sont isolés derrière, non loin du terrain scolaire ». Selon lui, tous les bureaux ont ouvert à huit heures, à l’exception de deux bureaux dont les présidents ont été remplacés.
En effet, les bureaux de vote sont repartis entre les salles de classe à l’intérieur desquelles, se trouvent : du gel hydro-alcoolique, l’isoloir, l’urne, des bulletins de vote, l’encre, la liste d’émargement.
Toujours à l’intérieur des bureaux, à l’entrée comme à leur sortie, les votants utilisent le gel hydro-alcoolique. Chaque président et assesseur porte des gants.Par contre, la plupart des délégués des partis n’en disposent pas. Mais certains citoyens jugent que les kits sanitaires sont insuffisants. A l’image de Bissou Diarra, déléguée de parti : « On nous a fait savoir qu’il y a de l’eau et du savon qu’on doit utiliser avant de voter, mais je n’ai rien vu, à part le gel dans les bureaux de vote ». Un électeur au sortir d’un bureau de vote se dirige vers un seau d’eau, c’est vide. Il lance des propos violents avant de sortir en colère.
Devant la porte d’entrée, on aperçoit des électeurs qui viennent de façon très timide. Une dame d’une cinquantaine d’années à mobilité difficile, accompagnée de deux jouvenceaux qui la tiennent par les bras, sort d’un véhicule. Elle vote dans le bureau N°2. La participation juvénile prime sur celle des vieux. Mais, elle est timide dans les deux catégories. Cela, aux dires un jeune surnommé Ivoirien, « peut s’expliquer par la pandémie du Covid19 qui menace le pays depuis quelques jours. ». Entretemps, l’infatigable chef du centre, des pas nonchalants, fait le tour des bureaux. Il se déplace pour visiter les trois bureaux isolés. Son entrée marque un silence de cimetière (peur ou respect envers un aîné ?).
Quelques heures avant la fermeture des bureaux, les indécis commencent à affluer. Ils sont en majorité d’âge avancé. Ceux-ci sont guidés par des jeunes pour trouver leurs bureaux respectifs. « Monsieur, s’il vous plait, je ne sais ni lire ni écrire.Pouvez-vous m’indiquer là où je dois voter ?», s’adresse un vieillard à un jeune, carte d’électeur à la main.
Famory qui avait regagné sa place dehors est appelé par un responsable de bureau pour régler un problème. Dans le bureau N°8, en majorité des électeurs dont le nom de famille commence par la lettre « K », le chef du centre taquine une vieille dame : « Hé ! Président, ne laisse pas cette tortue sortir sans lui donner du gel à boire et à se maquiller », lance-t-il sous éclats de rire de toute la salle. Sa cousine à plaisanterie réplique « Hé! Mais ce petit Doumbia m’a eu Hein. Regardez-le avec ce pantalon jean malgré son âge ». Le cousin « Doumbiakèni », rit et fait un geste symbolique à la vielle dame. « Tiens ce petit billet de 2.000 F pour faire de la pâte d’arachide ». Un stylo fiché entre les boutons de sa chemise, le chef Doumbia est envahi par des fiches éparpillées sur son table-banc. Des incorrections sont glissées dans les textes, Doumbia utilise le blanco pour les corriger.
D’abord prévues les 28 octobre et 18 novembre 2018, les élections sont reportées d’un mois à la suite d’une grève des magistrats qui a retardé le dépôt des candidatures. Le 15 octobre, la Cour constitutionnelle reporte finalement le scrutin à avril 2019 en prorogeant de six mois de mandat des députés. Bien que ces élections soient tenues dans un contexte très tendu, elles ont eu lieu, après plusieurs années de report afin de renouveler les 147 membres de l’Assemblée nationale du Mali.