Présidentielle : Le constat de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne

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Cécile Kyenge, chef de la Mission d’observation électorale de l’UE, au cours de la conférence de presse à Bamako, le 31 juillet 2018
Cécile Kyenge, chef de la Mission d’observation électorale de l’UE, au cours de la conférence de presse à Bamako, le 31 juillet 2018

Cette déclaration préliminaire de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE UE) est présentée avant l’achèvement du processus électoral. Des étapes essentielles restent à accomplir, notamment l’annonce des résultats et le traitement du contentieux éventuel. La MOE UE n’est en mesure de se prononcer que sur les observations effectuées jusqu’à ce stade du processus, et publiera ultérieurement un rapport final comprenant une analyse complète du processus et des recommandations pour les élections futures. La MOE UE pourra également faire des déclarations ultérieures sur l’avancement du processus en cours si elle le juge approprié.

 Résumé​

L’élection du 29 juillet constitue une étape décisive dans le processus de consolidation de la stabilité politique et institutionnelle dans un pays fragilisé par la crise sécuritaire et institutionnelle de 2012.

  • La campagne électorale a été fortement affectée par la détérioration des conditions sécuritaires dans les régions du centre et du nord. Dans une situation de sécurité fragile limitant fortement la capacité de mouvement des candidats, la disparité de moyens financiers et logistiques entre les candidats est devenue déterminante dans ces régions. La tenue d’activités gouvernementales mettant en valeur le bilan du Président sortant a aussi contribué à accentuer les inégalités entre candidats.
  • Bien que des incidents sécuritaires aient affecté le déroulement du scrutin dans une partie des bureaux de vote des régions centre et nord, le vote s’est déroulé dans le calme dans le reste du pays. Les procédures ont été globalement respectées malgré des difficultés dans l’établissement des procès-verbaux.
  • La très récente modification de la Loi électorale, bien qu’apportant quelques innovations intéressantes a nécessité des clarifications de dernière minute de la part des autorités en charge des élections, ce qui n’a pas été sans difficultés. Plusieurs aspects procéduraux ne sont pas évoqués de manière suffisamment concrète et détaillée dans la loi.
  • Comme déjà observé par la MOE UE de 2013, la Cour constitutionnelle, arbitre final de l’élection, peine à établir la nécessaire confiance en son impartialité pour assurer la crédibilité de son traitement des résultats et du contentieux, sa procédure de recensement des voix, non-établie textuellement, n’étant pas accessible aux représentants de candidats, ni aux observateurs.
  • Même si les trois organismes en charge du scrutin ont parfois manqué de coordination et de compétences techniques, le scrutin a été organisé dans le respect du chronogramme électoral. Le cadre de concertation, à la base un outil de transparence et de communication, n’a pas toujours réussi à contenter tous les acteurs impliqués et le Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (MATD) a failli à conserver la confiance des acteurs politiques, surtout à la fin du processus.
  • Le fichier électoral de 2018, qui comprend 8.000.462 électeurs, reste perfectible quant à son inclusivité, particulièrement pour les jeunes, qui en sont absents en très grand nombre. Bien qu’un audit ait jugé le fichier suffisamment fiable pour organiser le scrutin, il a été contesté par un grand nombre de candidats en fin de campagne, obligeant le MATD et la Délégation générale aux élections (DGE) à s’en expliquer.
  • Menée de manière disparate, l’opération de distribution des cartes d’électeur a malgré tout atteint un fort pourcentage, en un temps record, ce qui peut en partie s’expliquer par la pratique observée de distributions groupées, contrevenant à la loi, et ne garantissant pas que les titulaires légitimes des cartes les aient effectivement reçues.
  • Malgré la loi instituant un quota pour augmenter le nombre de femmes dans les fonctions nominatives et électives et des programmes de promotion du genre, la participation des femmes à la vie politique et publique reste faible. Elles sont souvent reléguées à des rôles subalternes et tenues éloignées des organes décisionnels.
  • Avec vingt-quatre candidatures retenues sur les trente dossiers déposés, la procédure de candidature, entièrement de la compétence de la Cour constitutionnelle, a été inclusive. Ainsi, sept des huit recours, portant sur des inexactitudes dans les listes de parrainage de conseillers municipaux, ont reçu une réponse favorable.
  • Les médias publics et privés ont pu couvrir la campagne et le processus électoral de manière libre et sans entraves majeures, malgré des dispositions sévères en matière de délits de presse. Ils se sont également activement investis dans l’effort d’éducation civique des électeurs. En dépit de la création de programmes spécifiques aux élections, peu de débats contradictoires ont animé la campagne médiatique.
  • Même s’ils ont réalisé l’effort de couvrir l’ensemble des 24 candidats, les médias audiovisuels publics leur ont toutefois accordé un accès inégal aux programmes d’information, favorisant Ibrahim Boubacar Keïta par la couverture de ses activités en tant que candidat et de Président en exercice, et par celle du gouvernement. Les médias privés ont souvent fait preuve de manque d’équité dans la couverture des candidats, notamment par le biais d’espaces publicitaires clairement identifiables ou de reportages payants.

La Mission d’observation électorale de l’UE (MOE UE), dirigée par la Chef observateur Cécile Kyenge, députée au Parlement européen, est présente au Mali à l’invitation du Gouvernement malien pour observer l’élection présidentielle du 29 juillet, et un éventuel deuxième tour fixé au 12 août. Arrivée le 19 juin dans le pays, la Mission dispose à Bamako d’une équipe cadre de 9 analystes dans les domaines électoral, politique, juridique, droits de l’homme/genre, données de l’observation et médias, ainsi que d’une équipe logistique et sécurité. Le Mission a déployé le 2 juillet 20 observateurs de longue durée qui assurent le suivi de la phase pré-électorale, de la campagne électorale et du déroulement du scrutin, ainsi que de la compilation des résultats. Pour le jour du scrutin, la Mission a déployé en tout près de 100 observateurs issus de 25 Etats membres de l’Union européenne, ainsi que de la Norvège, de la Suisse et du Canada.

 

Observations préliminaires

  1. Contexte politique

Dans un contexte où l’autorité de l’État n’est pas pleinement établie sur tout le territoire malien, en particulier dans le nord et le centre du pays, l’incertitude quant au déroulement du processus électoral dans les zones d’insécurité a constitué un important élément de préoccupation pour la majorité des candidats ainsi que pour la MOE UE. La semaine précédant le scrutin a été marquée par une crise de confiance dans le processus électoral.

A l’issue d’une conférence de presse, le 20 juillet, au cours de laquelle le candidat et chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé a fait part de ses préoccupations relatives au fichier électoral, vingt candidats sur les vingt-quatre ont fait front commun pour exiger l’adoption de mesures techniques et politiques pour assurer la transparence du processus. La publication d’une instruction du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (MATD) permettant un exercice plus large, mais contesté, du vote par procuration a ultérieurement aggravé la crise. À la veille du scrutin, l’annulation de cette instruction et la décision de permettre la présence des observateurs nationaux et internationaux à tous les niveaux de la centralisation a permis de décrisper la situation. Toutefois, la publication d’une liste des bureaux où le vote ne pourrait pas avoir lieu, demandée par les partis de l’opposition et les missions d’observation internationales, a été faite seulement après la fin des opérations de vote le 29 juillet, et sans détails essentiels.

 

  1. Campagne électorale

Vingt-quatre candidats ont participé au scrutin du 29 juillet 2018, dont les deux candidats du second tour de l’élection présidentielle de 2013 : le Président sortant Ibrahim Boubacar Keïta et le chef de file officiel de l’opposition Soumaïla Cissé. Une seule femme candidate a participé à ce scrutin.

Une campagne électorale marquée par des inégalités aggravées par les conditions sécuritaires

La campagne électorale, qui s’est tenue du 7 juillet au 27 juillet, n’a pas été de grande ampleur. Tandis que les libertés de rassemblement et de mouvement ont été respectées, la détérioration des conditions sécuritaires dans les régions du centre et du nord a fortement réduit la mobilité des candidats et les activités de campagne. Les difficultés logistiques et financières liées aux déplacements dans les régions les plus affectées par l’insécurité ont, par conséquent, déterminées le déroulement de la campagne. Les tournées des candidats se sont majoritairement concentrées dans les régions du sud, principale réserve de voix. Quant aux régions du centre et du nord, bien que les voyages aient été facilités par la MINUSMA, les activités ont été notamment circonscrites aux centres urbains en raison de l’impossibilité de circuler librement dans les zones affectées.

Dans une situation de sécurité fragile limitant fortement la capacité de mouvement des candidats, la disparité de moyens financiers et logistiques entre les candidats est devenue déterminante dans ces régions. D’ailleurs, le fait que l’aide publique aux partis politiques1 soit intervenue seulement en fin de campagne a désavantagé les candidats ne disposant pas de ressources financières conséquentes et créé une distorsion dans les moyens dont disposent les différents partis et coalitions pour leur planification de campagne. Des mesures spécifiques sur le financement de la campagne électorale et le plafonnement de ses dépenses auraient pu atténuer cette tendance.

L’implication des ministres du gouvernement, y compris le ministre du MATD, dans la campagne du Président Ibrahim Boubacar Keïta a été importante. Des activités gouvernementales ont, à maintes reprises, servi d’occasion pour mettre en avant le bilan du Président. L’opposition a dénoncé à plusieurs reprises ces activités mêlant mobilisation en faveur du Président sortant et visite gouvernementale ainsi que l’implication des ministres dans la coordination de la campagne du Président en région. Cette participation n’étant pas encadrée par la loi, cela rend difficile le contrôle de l’utilisation des moyens de l’État et remet en cause la nécessaire neutralité du ministre du MATD, en charge de l’organisation de l’élection. Une démarcation plus nette entre activités officielles du Président et activités de campagne serait souhaitable afin d’assurer l’équité entre les candidats.

Les observateurs de la MOE ont couvert 68 activités de campagne. La campagne a été visible à Bamako et dans les principales capitales régionales et de cercles à travers des affiches des candidats, qui ont misé sur la campagne de proximité (porte-à-porte, groupes de discussions informelles, caravanes, etc.), tout en mettant à contribution les syndicats, artistes, associations de jeunes et de femmes pour mobiliser les électeurs. Pour les grands rassemblements, le remboursement de frais de carburant et du transport de militants a été une pratique commune, surtout dans les activités de campagne du Président sortant2. Certains candidats ont aussi fait campagne dans les pays où la diaspora malienne est la plus représentée. Les thématiques abordées, diffusées aussi via les réseaux sociaux et les sites internet, étaient liées au développement, la sécurité, la réconciliation nationale ainsi que l’importance du retrait des cartes d’électeurs. La fin de la campagne a été marquée par la remise en cause du fichier électoral par l’opposition déclenchant une polémique qui a crispé le climat politique.

 

  1. Cadre juridique

Un cadre juridique ayant bénéficié des récentes modifications de la Loi électorale mais présentant encore des lacunes

Le cadre national est à préciser et à compléter, malgré une révision électorale, certes tardive, mais intégrant des innovations intéressantes. L’abandon du projet de révision constitutionnelle n’a pas permis d’apporter certains correctifs utiles au texte de 1992. Le cadre juridique est cependant complet au niveau international, le Mali ayant ratifié la plupart des grands textes internationaux et régionaux. Le bilan de l’application des recommandations faites par la MOE UE en 2013 reste très mitigé, une minorité de points ayant été pris en considération jusqu’ici.

Parmi les innovations, la présence dans les bureaux de vote d’assesseurs appartenant à la majorité et à l’opposition est à souligner. Face au nombre de candidats pouvant se réclamer de l’opposition, la procédure de nomination des assesseurs n’est pas suffisamment détaillée. D’autant que le contentieux de nomination, bien qu’efficace, ne concerne que les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et ses démembrements, et n’aborde pas le sujet des membres de bureaux de vote. Pour d’autres nouvelles dispositions le nécessitant, les autorités ont essayé, dans la précipitation, de les préciser réglementairement et de manière consensuelle, comme le cadre du constat de force majeure en matière de distribution des cartes qui a été précisé et assoupli par le MATD ou encore la procédure de vote par procuration.

La Cour constitutionnelle, arbitre final de l’élection, peine à établir la nécessaire confiance en son impartialité pour assurer la crédibilité de son traitement des résultats et du contentieux, malgré la réputation de sa Présidente.3 Bien qu’un travail de longue haleine ait été effectué en particulier sur les moyens de preuve acceptés, l’absence générale de communication de la Cour n’est pas à même d’établir la sécurité juridique qui devrait informer clairement les candidats sur les moyens d’appuyer leurs recours. De plus, la phase de recensement des voix, non-établie textuellement, n’est accessible ni aux représentants de candidats ni aux observateurs ce qui la rend particulièrement opaque. Enfin, les recours n’étant pas suspensifs, ils n’empêchent en rien la proclamation du gagnant ce qui rend ces recours inefficaces, un changement de gagnant étant difficilement envisageable dans une élection présidentielle des mois après la prise de fonction.

 

  1. Administration électorale

Une configuration assez complexe inclut trois organes (le Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation – MATD, la Commission électorale nationale indépendante – CENI et la Délégation générale aux élections – DGE) avec différentes compétences dans l’organisation de l’élection. Le cadre de concertation et d’information des candidats, des partis politiques et du public a amené un certain consensus parmi les acteurs, mais il n’a pas réussi à répondre à certaines préoccupations importantes soulevées par l’opposition les jours précédant le scrutin4. Une médiation politique menée par le Premier ministre est intervenue dans ce sens, décrispant dans une certaine mesure la situation, juste avant le scrutin, mais d’autres questions soulevées par l’opposition et concernant la fiabilité du fichier électoral, et la liste des bureaux de vote où le vote ne pourrait pas avoir lieu sont restées sans réponse. Malgré tout, le calendrier électoral a été respecté.

En raison de plusieurs facteurs, l’élection est caractérisée par une faible inclusivité. Le cadre sécuritaire, la très faible inscription des jeunes au fichier électoral, les interrogations liées à la distribution des cartes d’électeur, qui pose une condition additionnelle à l’exercice du droit de vote, l’exclusion de la plupart des réfugiés maliens et les difficultés à voter pour les Maliens déplacés à l’intérieur du pays ont contribué à limiter fortement le droit des Maliens au suffrage universel.

 

Une coordination problématique des trois organes en charge du scrutin

Les organes en charge du scrutin ont réussi à faire face à toutes les échéances électorales sans enregistrer de retard dans le chronogramme des opérations. Bien que les trois institutions en charge aient chacune des prérogatives claires, elles ont manqué parfois de coordination et de communication à l’intérieur du système d’administration électorale entraînant des dysfonctionnements 5. Les divers représentants en charge de l’élection se sont montrés globalement coopératifs avec la mission.

L’organisation des élections, les formations et le planning de distribution des cartes d’électeur n’étant pas entièrement coordonnés au niveau national par le MATD6, ils ont dépendu des moyens et compétences variés des préfets et sous-préfets. Cela a créé des disparités de préparation et d’exécution7. Pour faire face aux défis sécuritaires et logistiques, le MATD a été obligé de s’appuyer largement sur le PNUD et la MINUSMA8 pour les opérations électorales. La sécurisation du matériel sensible a été organisée d’une manière disparate et sans règles précises.9 Le MATD, au travers de ses démembrements, a conduit un programme de formations en cascade pour les agents électoraux qualifié d’inégal par les observateurs de la MOE UE10.

A son tour, la CENI a été fragilisée par ses moyens insuffisants et par ses dissensions internes. Bien que cette institution qui veille à la régularité des élections à travers la supervision et le suivi du processus électoral soit bien implantée à tous les niveaux, son rôle est plutôt secondaire dans le processus électoral.

Le MATD dispose de cinq jours pour l’annonce des résultats provisoires pendant que la Cour constitutionnelle doit statuer sans délai sur les résultats définitifs à partir du moment où elle reçoit le procès-verbal de résultats provisoires.

 

Un cadre de concertation partiellement effectif

Le cadre de concertation organisé par le MATD qui devait créer une dynamique de consensus entre les acteurs a dans l’ensemble bien fonctionné, bien que des questions importantes soulevées par les acteurs de l’opposition soient restées sans réponses11 avant le scrutin. Malgré des problèmes de communication entre MATD et parties prenantes, le rôle des partis politiques dans le processus a été renforcé par leur présence dans les commissions de distribution des cartes d’électeur et par la désignation d’assesseurs de la majorité et de l’opposition dans les bureaux de vote qui ont renforcé l’intégrité de l’élection.

Le MATD n’a pas toujours réussi à communiquer d’une manière transparente et claire des informations clé pour la pleine transparence du processus, comme des données détaillées à propos de la distribution des cartes d’électeur12. Cela aurait pu conduire à éviter la crise de confiance survenue juste avant le scrutin. La MOE encourage le MATD à prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer sa communication avec les acteurs et le public, comme la publication des résultats provisoires, bureau de vote par bureau de vote, immédiatement après la proclamation pour garantir la transparence du scrutin.

 

Un fichier perfectible où la jeunesse malienne est notoirement sous-représentée

La sous-représentation des jeunes (18-24ans) qui constituent seulement 11 % des inscrits est une faiblesse très marquée qui a été soulignée dans le rapport d’audit effectué avec le concours des partis politiques et de l’Organisation internationale de la Francophonie en avril 2018. Selon les données de la DGE, environ un million de jeunes (environ 12 % du total des inscrits) ne sont pas inclus dans le fichier électoral. La plus grande partie des électeurs est constituée de personnes entre 24 et 58 ans, soit 78 % des inscrits. A la fin de l’audit, le fichier13 avait été déclaré à l’unanimité comme suffisamment fiable pour l’organisation de ce scrutin malgré les insuffisances relevées, notamment la présence de personnes décédées ainsi que la sous-représentation des jeunes majeurs.

Un débat à propos de la fiabilité des données mises en ligne par la DGE a été ouvert une semaine avant le scrutin par plusieurs partis de l’opposition. La DGE et le MATD ont expliqué les incohérences par des erreurs dans la mise à jour de la version en ligne du fichier électoral14.

Le droit de vote des réfugiés n’a été pris en compte en tant que tel qu’en Mauritanie dans 28 bureaux de vote pour 7.320 électeurs, même si à la date du 30 juin 2018 il y avait au total 138.690 réfugiés maliens dans les pays voisins dont 56.490 en Mauritanie15. Les déplacements internes forcés, occasionnés principalement par l’insécurité et les conflits armés, sont à la hausse depuis janvier 2018 mais aucune mesure spéciale n’est prévue pour garantir le vote des déplacés16.

 

Une distribution des cartes organisée de manière disparate avec une très faible traçabilité du processus

L’opération de distribution de cartes électorales a été effectuée de manière non-uniforme dans le pays, en raison notamment d’une absence de méthodologie organisationnelle claire. Les observateurs de la mission ont relevé des conditions de distribution disparates ainsi que des interruptions pour cause de grève17. Certains endroits ont commencé la distribution bien après la date prévue du 20 juin. Ces différences remettent en cause l’équité de la distribution, certaines localités bénéficiant de beaucoup moins de temps que d’autres18.

La distribution des cartes n’a pas toujours été faite individuellement mais de manière groupée par chef de famille ou de village et également aux représentants des partis politiques19. La MOE se demande si leurs destinataires légitimes ont pu exercer leur droit de vote. Le MATD n’a pas donné d’informations suffisamment détaillées pour s’assurer d’une traçabilité effective de ce processus. Le nombre de cartes distribuées a également suscité des interrogations, des régions très difficiles d’accès à cause de la situation sécuritaire enregistrant des taux de distribution bien plus élevés que, par exemple, à Bamako20. Le rôle de supervision de la CENI n’a pas été jugé suffisamment effectif par les observateurs.

Malgré les provisions de la loi électorale concernant la distribution des cartes d’électeur le jour du scrutin, elles n’étaient pas présentes dès l’ouverture dans tous les bureaux observés. Une augmentation de la distribution a été observée tout au long de la journée mais sans méthodologie uniforme21.

 

  1. Enregistrement des candidatures

Une procédure de candidature inclusive malgré les difficultés causées par les parrainages de conseillers communaux

Au terme d’une procédure d’enregistrement et de recours inclusive, la Cour constitutionnelle a proclamé le 4 juillet, soit deux jours avant la fin du délai légal, la liste définitive de vingt-quatre candidats sur trente dossiers déposés.

La Cour constitutionnelle a initialement rejeté treize candidatures. Cinq dossiers étaient incomplets.22 Pour huit autres, des doutes existaient sur certains parrainages fournis par les candidats. En l’occurrence, pour prendre sa décision, la Cour constitutionnelle s’est basée sur des listes de conseillers communaux fournies par le MATD qui n’étaient pas entièrement à jour : des cas de démissions de conseillers n’étaient pas pris en compte, des modifications contentieuses de résultats de l’élection non plus. De plus, le changement de système de vote dans les élections locales et les prolongements de mandats dans certaines communes ont causé des complications que la Cour a surmonté.

 

  1. Médias

Une couverture médiatique pluraliste marquée par la partialité des médias publics et privés

Les médias ont généralement bénéficié pendant cette campagne d’un climat de liberté de la presse,23 bien que les journalistes soient confrontés aux dispositions sévères de la Loi portant régime de la presse et délit de presse (2000).24

Le monitoring des médias25 de la MOE UE (7 au 27 juillet) indique que les médias audiovisuels publics ont favorisé Ibrahim Boubacar Keïta par la couverture de ses activités en tant que Président en exercice. Il en va de même de la couverture des activités du gouvernement, lequel a défendu activement le bilan du Président26, et ce au détriment des autres candidats. En revanche, les médias d’Etat ont respecté le planning de passage des candidats dressé par le Comité national d’égal accès aux médias d’État (CNEAME)27. Pourtant, des candidats ne se sont pas manifestés pour profiter de certains espaces, notamment le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé28.

Aucune disposition n’est prévue dans la loi électorale concernant la régulation des médias privés pendant la campagne, d’autant que la Haute autorité de la Communication (HAC) n’a pas exercé son pouvoir de régulation des médias privés, bien qu’un code de bonne conduite ait été signé sous son égide. Ainsi, les médias privés ont fait preuve de manque d’équité dans leur couverture des candidats, notamment par le biais d’espaces publicitaires clairement identifiables ou de reportages payants. Africable TV, l’une des principales chaînes privées, a ainsi accordé plus de la moitié de son temps d’antenne à Soumaïla Cissé et à Ibrahim Boubacar Keïta. De même, ce dernier et trois autres candidats29 ont dominé les ondes de Cherifa TV, autre télévision de poids, tandis que Soumaïla Cissé y était presque absent.

Du côté des radios privées, le Président sortant a devancé nettement le chef de l’opposition sur Kledu et Nieta, alors que Renouveau FM a privilégié largement Soumaïla Cissé. La radio Kayira a consacré la quasi-totalité de sa couverture à Oumar Mariko. Enfin dans la presse écrite, Ibrahim Boubacar Keïta a monopolisé les espaces rédactionnels des quotidiens Info Matin, l’Indépendant et les Echos, alors que Soumaïla Cissé a occupé la moitié de celui du quotidien Le Républicain. Les nombreux médias communautaires et associatifs n’ont pas été le canal privilégié des candidats pour faire campagne dans les régions.

En dépit de la création de programmes spécifiques aux élections, et l’effort fourni par les médias dans l’éducation civique des électeurs, peu de débats contradictoires ont marqué la campagne médiatique. Notamment les débats organisés par le National Democratic Institut (NDI) entre dix candidats ont été interdits de diffusion sur les médias étatiques et très peu relayés dans les médias privés.

Il est à signaler que le seul discours haineux à retenir était dans les colonnes du journal Le Républicain dans un article non signé ciblant Cheick Modibo Diarra le qualifiant de « chien ». La HAC, dont c’est pourtant le rôle en tant que régulateur des médias, n’avait pas réagi au 31 juillet.

Le monitoring des médias25 de la MOE UE (7 au 27 juillet) indique que les médias audiovisuels publics ont favorisé Ibrahim Boubacar Keïta par la couverture de ses activités en tant que Président en exercice. Il en va de même de la couverture des activités du gouvernement, lequel a défendu activement le bilan du Président26, et ce au détriment des autres candidats. En revanche, les médias d’Etat ont respecté le planning de passage des candidats dressé par le Comité national d’égal accès aux médias d’État (CNEAME)27. Pourtant, des candidats ne se sont pas manifestés pour profiter de certains espaces, notamment le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé28.

Aucune disposition n’est prévue dans la loi électorale concernant la régulation des médias privés pendant la campagne, d’autant que la Haute autorité de la Communication (HAC) n’a pas exercé son pouvoir de régulation des médias privés, bien qu’un code de bonne conduite ait été signé sous son égide. Ainsi, les médias privés ont fait preuve de manque d’équité dans leur couverture des candidats, notamment par le biais d’espaces publicitaires clairement identifiables ou de reportages payants. Africable TV, l’une des principales chaînes privées, a ainsi accordé plus de la moitié de son temps d’antenne à Soumaïla Cissé et à Ibrahim Boubacar Keïta. De même, ce dernier et trois autres candidats29 ont dominé les ondes de Cherifa TV, autre télévision de poids, tandis que Soumaïla Cissé y était presque absent.

Du côté des radios privées, le Président sortant a devancé nettement le chef de l’opposition sur Kledu et Nieta, alors que Renouveau FM a privilégié largement Soumaïla Cissé. La radio Kayira a consacré la quasi-totalité de sa couverture à Oumar Mariko. Enfin dans la presse écrite, Ibrahim Boubacar Keïta a monopolisé les espaces rédactionnels des quotidiens Info Matin, l’Indépendant et les Echos, alors que Soumaïla Cissé a occupé la moitié de celui du quotidien Le Républicain. Les nombreux médias communautaires et associatifs n’ont pas été le canal privilégié des candidats pour faire campagne dans les régions.

En dépit de la création de programmes spécifiques aux élections, et l’effort fourni par les médias dans l’éducation civique des électeurs, peu de débats contradictoires ont marqué la campagne médiatique. Notamment les débats organisés par le National Democratic Institut (NDI) entre dix candidats ont été interdits de diffusion sur les médias étatiques et très peu relayés dans les médias privés.

Il est à signaler que le seul discours haineux à retenir était dans les colonnes du journal Le Républicain dans un article non signé ciblant Cheick Modibo Diarra le qualifiant de « chien ». La HAC, dont c’est pourtant le rôle en tant que régulateur des médias, n’avait pas réagi au 31 juillet.

 

  1. Participation des femmes

La participation des femmes à la vie politique et publique demeure faible

La participation politique et publique des femmes reste marginale, et ce malgré l’existence des politiques et programmes étatiques pour la promotion du genre, et de nombreux plaidoyers des associations de la société civile. Une seule femme est candidate à cette élection présidentielle, il s’agit de la troisième femme candidate à cette élection depuis 1992. Les principaux obstacles à la participation effective des femmes sont d’ordre socio-culturel et économique, dont le manque de formation.

Au sein des partis politiques, les femmes sont rarement intégrées dans les organes décisionnels et se voient plutôt reléguées dans les sections féminines où leur rôle se limite souvent à la mobilisation des électeurs et à l’animation des activités de la campagne. Les femmes étaient nombreuses à participer aux activités de la campagne mais rarement en tant qu’intervenants.

L’égalité entre les hommes et les femmes est garantie dans la Constitution. Cependant, certaines dispositions discriminatoires à l’encontre des femmes30 sont toujours en vigueur, en contradiction avec les obligations internationales du Mali, et ne permettent pas aux femmes de jouir des mêmes opportunités que les hommes.

Une loi31 instituant le quota minimum de 30 % de femmes32 dans les fonctions nominatives et électives a permis d’accroître considérablement le nombre de conseillères municipales élues en 201633. En revanche, pour les fonctions nominatives, le quota n’est que très peu respecté34. L’application du quota concernant les fonctions nominatives dépend de la bonne volonté de l’Etat, étant donné que la loi ne prévoit pas de sanctions dans le cas de non-respect. Les observateurs de la MOE ont relevé que seulement 16 % des présidents des bureaux de vote observés étaient des femmes.

 

  1. Observateurs nationaux et internationaux

La CENI a accrédité 68 organisations nationales et internationales. Le Pool d’observation citoyen du Mali (POCIM)35 a déployé 2.000 observateurs et la Coalition pour l’observation citoyenne des élections au Mali (COCEM)36 a déployé 1.000 observateurs. Certains groupes d’observation ont fait des déclarations et des constats avant le scrutin, sur la révision du fichier, la distribution des cartes, la campagne électorale et les violences électorales37.

La CEDEAO, avec un effectif de 21 observateurs de longue durée (OLD) et de 150 observateurs de courte durée (OCD), est la mission d’observation internationale la plus nombreuse, avec à sa tête l’ancien Premier ministre du Burkina Fasso, Kadré Désiré Ouédraogo. La mission de l’Union africaine est dirigée par Thomas Boni Yayi, ex-Président béninois, et déploie 6 OLD et 40 OCD. L’Organisation internationale de la Francophonie dispose seulement d’une mission d’information et de contact de 12 personnes. Le déploiement dans les régions du centre et du nord a constitué un défi pour toutes les missions d’observation.

 

  1. Vote, dépouillement et tabulation des résultats

Des procédures globalement respectées malgré des difficultés dans l’établissement des procès-verbaux

Bien que des incidents sécuritaires aient affecté le déroulement du vote dans une partie des bureaux de vote des régions centre et nord, le scrutin s’est déroulé dans le calme dans le reste du pays. Les autorités n’ont pas publié avant le début de la centralisation une liste complète et détaillée des bureaux de vote où l’élection n’a pas pu se tenir38. Sa publication constituerait un élément indispensable à l’intégrité et à la transparence du processus.

La quasi-totalité des bureaux de vote observés39 ont ouvert à l’heure ou avec un retard inférieur à 30 minutes40. Dans la plupart des bureaux observés l’ouverture s’est déroulée de manière transparente et la conduite des procédures d’ouverture a été évaluée comme positive dans 95 % d’entre eux.

Les procédures de vote ont été correctement appliquées dans la quasi-totalité des bureaux de vote visités par la mission41 et les électeurs étaient en mesure d’y exprimer librement leur choix. Dans quelques cas les observateurs ont néanmoins relevé des insuffisances dans l’application des procédures qui n’ont pas eu à ce stade d’impact majeur sur l’ensemble des opérations de vote42. Ces insuffisances relèvent d’une formation lacunaire des agents électoraux ainsi que d’interprétations divergentes de la loi électorale. Les délégués des candidats étaient présents dans la quasi-totalité des bureaux de vote observés avec une présence conséquente des délégués des candidats Ibrahim Boubacar Keïta, Soumaïla Cissé, Aliou Diallo et Cheick Modibo Diarra.

Dans les bureaux de vote observés, le dépouillement a généralement été conduit de manière transparente et consensuelle. Cependant, les procédures n’étaient pas suffisamment maîtrisées dans presque la moitié des bureaux observés, notamment concernant l’établissement des procès-verbaux. Les résultats ont été affichés à l’extérieur dans seulement 60 % des bureaux de vote observés. Les assesseurs et délégués de partis politiques ont reçu un procès-verbal ou un récépissé des résultats dans 95 % des cas. Les observateurs nationaux étaient présents dans 39 % des bureaux de vote observés.

La mission poursuit actuellement l’observation de la centralisation des résultats dans 14 cercles et le district de Bamako. Les procédures s’effectuent jusqu’à présent de manière transparente et continue, avec la participation des représentants de candidats. La MOE poursuivra l’observation dans les cercles, le district de Bamako et au niveau national jusqu’à l’annonce des résultats provisoires par le MATD.

Bamako, 31 juillet 2018

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3 COMMENTAIRES

    • Tu n’as pas féliciter ces gens!!!

      On s’en fout de ce qu’ils pensent!

      Nous ne sommes pas des enfants qu’il faut surveiller!

      Ces européens n’ont rien dit quand la franSS et l’uKKK ont détruit la libye et larguer des armes sur le nord du continent…

      • Je suis d’accord avec toi que les imbeciles Sarko, Hilary et David ont detruit la Libye et du coup tout le Sahel, mais il y a aussi notre faute a nous Africains, pourquoi n’avons nous pas demander a nos armees d’aller defendre la Libye contre ces imbeciles, c’etait notre devoir d’Africains mais nous n’avons rien fait, meme pas deposer une plainte aux Nations-Unies pour denoncer les trois imbeciles qui finallement par la main de Dieu ont tous echoue d’ailleurs battus aux elections par la revolte des gens humbles et sages en France, aux USA et le Brexit en Angleterre.

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