Lutte contre la fraude aux élections : pour un mandat présidentiel unique de dix ans au Mali ?

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Aussi bien la Cour Constitutionnelle que le Directeur National de l’Intérieur viennent de reconnaître que les élections générales de 2007 se sont déroulées sur fond de fraude généralisée. Pour juguler ce fléau d’aucuns estiment qu’il faut instituer un mandat présidentiel unique de dix ans au Mali.

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«Croyez-vous que le président va perdre, ici, dans ma circonscription ?»

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C’est le terrible aveu fait par un de nos représentants diplomatiques à l’étranger, à son hôte de passage. C’était lors de la dernière élection présidentielle de 2007. Cela signifie tout simplement que cet ambassadeur a mis le paquet pour faire le plein des voix au président sortant afin d’assurer sa réélection. Et si possible dès le premier tour. Le «takokelen» réalisé par ATT avec un score nord coréen en lieu et place du «takaprin» prédit par ses adversaires politiques est là pour corroborer cette hypothèse.

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Pour ne pas être relevé de son poste et garder l’estime du prince, notre auguste représentant s’est mis en quatre. Il n’est pas le seul à agir ainsi. Un peu partout sur l’ensemble du territoire national, aussi bien pendant l’élection présidentielle que lors des législatives, l’administration, qui est la principale organisatrice des élections, s’est départi de sa neutralité. Préfets, sous-préfets, gouverneurs de région se sont livrés à cœur joie à la manipulation des chiffres et au tripatouillage des résultats électoraux.

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Dans bien de localités, le vote des électeurs a été détourné avec comme effet boomerang que d’année en année le taux de participation chute de façon vertigineuse. En s’abstenant du choix de leurs dirigeants, les Maliens ne se sentent plus concernés par l’avenir de leur pays. De Banierèbougou le Mali est en train de prendre la route de «Fatobougou».

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Mais, ce n’est pas ATT en personne, loin s’en faut, qui a dit à tous ces gens là de tremper dans la magouille et le vol. Il y a d’abord comme une conspiration du silence qui fait qu’au zèle des uns s’ajoute la politique alimentaire des autres. Chacun s’accroche désespérément à des privilèges souvent mal acquis. A cela il faut la théorie des yeux du général Moussa Traoré lorsqu’au procès crimes de sang on a posé la fameuse question «qui a tiré ? Qui a donné l’ordre de tirer ?» Le célèbre avocat des martyrs, Me Binké Kaminté de répondre alors : «Moussa Traoré n’avait pas besoin de donner l’ordre de tirer ; il suffisait qu’on le regarde dans les yeux» pour savoir.

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Ainsi, ATT n’avait pas besoin de donner l’ordre de frauder. Il suffisait qu’on se rappelle de sa toute puissance. Au niveau des élections législatives c’est le même engrenage fatal. Chaque nabab blotti dans son petit royaume fait régner la terreur sur les électeurs, se livre à l’achat des consciences, aux menaces et intimidations. C’est ainsi qu’on retrouve d’inamovibles députés à l’Assemblée nationale qui croient que leurs privilèges proviennent de l’ordre divin. Face à un système aussi bien rodé l’opposition regroupée au sein du Front pour la Démocratie et la République a beau crier au loup, elle ne sera pas entendue. Aucune de ses revendications à savoir l’audit du fichier électoral et la dénonciation du bulletin unique comme source de fraude, ne sera prise en compte. A son égard on a affiché haine et mépris alors que ses membres étaient taxés de mécontents et de déçus du régime puis plus tard de mauvais perdants.

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Pourtant il y avait bel et bien le loup dans la bergerie. En effet, les principaux fraudeurs qui sont les organisateurs des élections,comme Boubacar Sow, affirme sans sourciller que «la fraude est la plus grande plaie de notre dispositif électoral». Boubacar Sow assure que «lors des dernières élections, la fraude a atteint une ampleur jamais égalée dans notre pays». Ce faisant, il emboîte le pas à la Cour Constitutionnelle l’organe chargé de veiller à la régularité des élections qui, le 10 août dernier, avait affirmé que «les acteurs politiques, des candidats de quelques bords que ce soit se sont installés à demeure dans la fraude généralisée».

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Cette confirmation de la fraude à l’échelle nationale tranche nettement avec les avis des observateurs internationaux qui ont entoné sur le même refrain que «de façon générale, les élections se sont bien déroulées sur l’ensemble du territoire national ; les quelques irrégularités constatées ça et là ne sont pas de nature à entacher la sincérité du scrutin». Venus tout juste à la veille du scrutin, les observateurs semblent avoir les yeux dans la poche en émettant des verdicts de complaisance quand les principaux acteurs de la farce électorale font leur mea-culpa.

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Il ressort de tout cela qu’en Afrique il est difficile de battre un président en exercice. Deux exemples, à contrario, survenus dans la sous-région confirme cette tendance générale. Il s’agit de la victoire de Nicéphore Soglo sur Mathieu Kérékou au Bénin en 1996 et de celle de Adboulaye Wade sur Abdou Diouf au Sénégal. Au centre de la polémique dans ces pays, le fichier électoral, un vrai poison pour l’alternance mais aussi l’impressionnante machine à broyer l’opposition qui entoure le chef d’ Etat sortant. Impuissant face au démon de la fraude, certains politologues pensent qu’il faut instituer un mandat présidentiel unique de dix ans au Mali pour juguler le fléau. Pour ou contre ? Les débats sont ouverts.

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Mamadou Lamine Doumbia

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