Le Mali est cité partout dans le monde (peut-être à tort) comme un modèle démocratique.
Nous avons bien dit peut-être à tort car les pratiques auxquelles s’adonnent nos actuels dirigeants sont peut-être populistes mais pas démocratiques. A titre de rappel, la démocratie est définie comme une forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple tout entier. En suivant cette logique, on s’aperçoit que la moindre des choses dans une démocratie c’est de pouvoir voter en toute liberté sans aucune pression pour qui on veut. Hélas, cela n’a pas été le cas pour la plupart d’entre nous. « Nous » représente ici les maliens vivant à l’étranger, particulièrement en France et plus précisément dans le Rhône-Alpes. Dans ce petit papier, nous allons essayer de vous montrer comment tout a été fait pour que nous ne puissions pas voter.
Incroyable mais vrai !!!C’est ça le Mali d’aujourd’hui. Pour pouvoir voter, il faut bien entendu avoir une carte d’électeur. Et justement c’est cette carte qu’on n’a pas voulu nous donner. Si c’est ce qu’ils appellent démocratie, ils se trompent gravement. Dans les vraies démocraties (France, Allemagne, Etats-Unis…), on incite les citoyens à aller retirer leur carte d’électeur mais au Mali on les décourage de le faire, très bizarre, non ? Les raisons avancées sont aussi dérisoires qu’insultantes. Une des raisons évoquées est relative à la loi qui stipule qu’un bureau de vote ne peut être ouvert que dans une circonscription qui compte au moins 600électeurs potentiels.
Nous sommes désolés mais dans le Rhône-Alpes il y’a plusieurs milliers d’électeurs potentiels. En 2002 nous avons pu voter sans problème. Alors, est-ce qu’ils vont nous dire qu’entre 2002 et 2007, le nombre d’électeurs maliens dans le Rhône-Alpes a baissé jusqu’à ce point ? Les étudiants arrivent chaque année en grand nombre, certains jeunes qui n’ont pas pu voter en 2002 (faute d’avoir 18 ans) auraient pu le faire cette année, autant dire que cette raison avancée est techniquement impossible et moralement indigne. Pour ceux qui ne savent pas, le Rhône-Alpes est la première région industrielle de France et la deuxième région économique après l’Ile de France (Région Parisienne).
Notre région compte des grandes villes comme Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, Valence, Annecy, Chambéry…Oui, il y a beaucoup de maliens en France, sachez qu’ils n’habitent pas tous l’Ile de France, il y’en a un peu partout en France et notamment beaucoup en Rhône-Alpes. Dire qu’il n’y avait même pas de bureau de vote ici, franchement c’est une situation déplorable à laquelle les autorités actuelles devront répondre.
Personnellement, plusieurs mois avant l’élection j’ai eu au téléphone Le consul du Mali à Lyon. Tenez vous bien, il ne savait même pas qu’il y’aurait eu des élections présidentielles au Mali en 2007. Il m’a quand même dit qu’il ferait tout pour me récontacter, chose qu’il n’a jamais faite. Je l’ai encore rappelé une semaine avant les élections et là pas de réponse. Après l’élection, j’ai encore essayé de joindre le consulat pour savoir au moins pourquoi aucun bureau de vote n’a été ouvert dans notre région. Pas de réponse.
Ce ne sont pas seulement les maliens du Rhône-Alpes qui ont été empêchés de voter mais aussi ceux de beaucoup de régions françaises, de Suisse, d’Allemagne, de certaines provinces canadiennes et de certains Etats américains. Cette pratique indécente, inacceptable et anti-démocratique est devenue monnaie courante en Afrique. En effet, Abdoulaye Wade qui se vante d’avoir remporté l’élection dès le premier tour (57%) face à quinze autres candidats doit beaucoup à cette pratique. A titre de rappel, les sénégalais du Rhône-Alpes ont carrément été invités à aller voter à Genève, c’est-à-dire dans un autre pays. Quelle force de dissuasion ? Bien évidemment plus de 80% des inscrits ne sont pas allés voter. Ainsi, nous ne devons pas être surpris par les résultats des élections en Afrique.
Au Mali, ATT passe dès le premier tour avec 68,31% des voix face à sept autres candidats. C’est normal parce qu’une grande partie de ceux qui ont voté est membre du mouvement citoyen ou de l’ADP, les autres ayant été exclus. Leur tort ? Ne pas appartenir au mouvement citoyen ou à l’ADP.
Dans le Rhône-Alpes, nous avons été privés de notre devoir civique Parce que nous n’avons pas de représentation du mouvement citoyen. Après on vient nous dire qu’ATT a gagné même en France. Cela est compréhensible puisque 80% de ceux qui ont voté en France sont des adhérents du mouvement citoyen. Mais que les choses soient claires : si on avait laissé les gens voter librement en France, ATT n’aurait pas gagné ici et cela, il le sait très bien. Aujourd’hui, plus que jamais nous devons remettre en cause nos jeunes démocraties africaines. En Afrique, les élections se gagnent dès le premier tour (ne me dites pas qu’aux Etats-Unis ou en Allemagne par exemples les élections se gagnent aussi dès le premier tour car nous n’avons pas les mêmes systèmes électoraux et dans ces pays aucun second tour n’est prévu par la loi électorale) sauf si le président sortant n’est pas candidat à sa propre succession.
Est-ce à dire que tous les présidents africains ont été à la hauteur de leurs missions ? Sûrement pas ! Il n’y a eu dans l’histoire de l’Afrique (francophone) que deux exceptions à ce que nous venons de dire. Au Bénin (Nicéphore Soglo, président sortant contre Mathieu Kérékou au second tour) et au Sénégal (Abdou Diouf, président sortant contre Abdoulaye Wade) ; dans les deux cas d’ailleurs les présidents sortants ont été battus. La pratique que nous dénonçons n’honore pas du tout notre continent qui est déjà malade depuis bien des années.
Mais pour l’intérêt du Mali, nous appelons le FDR à juste dénoncer le processus électoral tout en reconnaissant les résultats qui ont été sortis des urnes. Cela ne sert à rien de paralyser le pays si au bout il n’y a pas une annulation du scrutin or, tout le monde sait que l’élection du 29 avril ne sera pas annulée ; rappelez-vous de l’élection présidentielle de 1997. Pour finir, nous tenons à préciser que nous n’avons été mandatés par aucune formation politique pour écrire ce petit papier. Nous l’avons juste écrit pour dénoncer une pratique politique immorale qui sévit actuellement chez nous et qui consiste à écarter du jeu électoral une frange de la population hostile à la conduite des affaires de nos dirigeants.
D’ailleurs, la démocratie c’est la liberté de voter pour qui on veut, non ?
Vive le Mali dans une Afrique prospère !
Aboubakar Sidiki CISSE
Doctorant en Sciences Economiques, France.
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