Ils s’appellent Me Demba Traoré pour le CNID, Habib Sofara pour l’ADEMA, Makan Traoré pour le RPM, Korian Sidibé et Makando Koné pour l’URD, tous députés. Seydou Guindo, Moussa Sangaré (ADEMA), Mohamed Dofana (URD) tous maires. Ils ont en commun de n’avoir pas obtenu l’investiture de leurs partis politiques aux législatives de juillet prochain. Mécontents, ils décident de les quitter soit pour être candidats indépendants, soit pour s’inscrire sur les listes d’autres partis politiques, adversaires ou non des leurs. Un comportement frivole qui montre combien certains de nos hommes politiques sont dépourvus de tout attachement, idéologique ou autre, des formations politiques dont ils se réclament et qui ne représentent à leurs yeux qu’un gagne-pain. Rien de plus.
Le nomadisme politique a la vie dure au Mali. Avec l’avènement d’un président non affilié à un parti politique, en l’occurrence Amadou Toumani Touré, le phénomène a pris de l’ampleur. Le Mouvement citoyen, présidé par le ministre Djibril Tangara, à la dévotion entière du président ATT, n’arrête pas de débaucher militants, responsables, conseillers communaux et députés des formations politiques.
Le RPM de IBK a été la plus grande victime de cette pratique, instaurée par les amis du locataire de Koulouba. En effet, les Tisserands ont vu trois de leurs députés, notamment Boubacar Boiré de Fana, Tangara de Niono et Modibo Makanguilé de Nara rallier le collectif des députés indépendants. Deux autres députés RPM, Tidiani Guindo de Bankass et Mamadou Koumaré du même cercle ont respectivement rejoint l’URD de Soumaïla Cissé et l’ADEMA de Dioncounda Traoré.
Le RPM a également vu un député CNID, Karounga Diawara de Ségou et Baye Ag Hamdy du PARENA grossir ses rangs. Avant que ce dernier ne le quitte au profit de l’URD. Ce dernier parti a aussi bénéficié du ralliement des deux députés RAMAT : Aguissa Dicko et Madjou Maïga. S’y ajoute l’adhésion de Cheickna Bathily de l’UDD à l’URD, dont il est même actuellement l’un des vice-présidents.
Ce nomadisme politique de nos élus en fait trahison des électeurs, affaiblit les partis et discrédite les acteurs concernés. A la faveur des législatives du 1er juillet, cette pratique néfaste à l’exercice de la démocratie s’est considérablement accrue.
En effet, nombreux sont les élus – députés, maires et conseillers communaux – non investis par leurs formations politiques respectives qui ont démissionné de celles-ci pour se présenter sur liste indépendante ou celle d’un autre parti politique.
Le cas qui a fait beaucoup de bruits, ces derniers jours, est sans doute celui du jeune député, Me Demba Traoré du CNID, qui a démissionné de son parti pour se retrouver sur une liste URD en commune VI.
A Yorosso, l’honorable Magando Koné de l’URD, battu au cours des primaires de son parti, a également quitté cette formation politique pour constituer une liste indépendante. Député du parlement panafricain, la charmante Korian Sidibé de Yanfolila n’a pas été retenue par l’URD. Elle a également démissionné pour former une liste indépendante. A Niafunké, le parti de Soumaïla Cissé est fortement secoué par le choix des candidats qui a vu le maire de Dofana, Mohamed Dofana et celui de N’Gorkou tourner dos au parti au profit de l’ADEMA, dont ils seront les porte-étendards aux législatives. Idem pour Makan Traoré du RPM qui a mordu la poussière, lors du choix des candidats. Il compétira à Kolokani sur liste indépendante contre l’avis des Tisserands.
Que dire de Habib Sofara, un fidèle parmi les fidèles de ATT, un «ami et surtout un frère» qui a tout fait à Sofara avec le locataire de Koulouba ? Ce député ADEMA, chef de village de Sofara a été écarté au moment ultime pour être remplacé par un de ses neveux, le transitaire Gano. C’est ce dernier qui ira avec l’inamovible député Mahamane Santara sur une liste ADEMA à Djenné. Très populaire, Habib Sofara, n’a donc pas hésité à dire au revoir aux abeilles pour atterrir sur une liste URD.
A Bankass, deux maires ADEMA ont claqué la porte après avoir échoué aux primaires. Il s’agit de Seydou Guindo de la commune de Kani Bonzon et Moussa Sangaré de Wankoro. Ils ont, en effet, rallié le RPM, affaibli dans cette localité par le départ de deux de ses députés sur les trois qu’il comptait. Ces deux personnalités ont constitué donc avec le troisième député RPM, Moussa Yossi, une liste au nom des Tisserands.
A Bla, l’ADEMA a aussi réussi à débaucher un maire RPM qui sera sur une liste commune ADEMA-CNID (deux pour le premier et un pour le second). A Sikasso, le député Housseïni Guindo du RPM a également pris ses distances vis-à-vis de ce parti qui a refusé son diktat et se retrouve sur une liste ADEMA. Il y a des cas similaires dans plusieurs circonscriptions, notamment en commune V et Nara où respectivement le premier adjoint au maire, Ibrahima Djoni de l’URD, Modibo Makanguilé du RPM sont tous démissionnaires de leurs formations politiques.
C’est dire que les législatives créent beaucoup de problèmes aux partis en raison des ambitions personnelles souvent contrariées. Cependant, il faut reconnaître que c’est la loi électorale qui fait obligation à un militant non investi par son parti et qui souhaiterait être candidat à la députation de démissionner de sa formation politique initiale. Mais force est de reconnaître que la pratique a prouvé que, dans la plupart des cas, les démissionnaires ne reviennent plus à leur parti d’origine. Chaque élu qui a un strapontin ne veut plus le lâcher. Les intérêts personnels primant toujours sur ceux du parti. Il est donc grand temps que le pouvoir légifère sur le nomadisme des élus et que les formations politiques s’adonnent davantage à leur mission de formation et d’éducation.
Chahana TAKIOU
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