La journée de rencontre des régulateurs de la presse avec les journalistes, organisée par le ministère de la Communication, le lundi 16 mars 2020 dans un hôtel de la place, visait à rappeler aux hommes de médias leur rôle de responsabilité dans la réussite des élections. Les exposés des deux principaux conférenciers, Abdoulaye Sidibé (président du Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat) et Gaoussou Drabo (membre de la Haute autorité de la communication) ont porté sur la bonne conduite (règles d’éthique et de déontologie) des journalistes et la répartition des temps d’antenne des campagnes des partis sur les médias d’Etat en période électorale.
A l’ouverture de la journée d’échanges, Yaya Sangaré (le ministre de la Communication, chargé des relations avec les institutions, Porte-parole du Gouvernement) s’est appesanti sur le rôle citoyen que joue la presse en cette période électorale. D’après le ministre Sangaré, les élections législatives à venir sont déterminantes, nécessaires, obligatoires pour la stabilité du Mali, pour la consolidation du processus démocratique, pour le renforcement des Institutions de la République du Mali et pour le renouvellement du mandat des députés qui avait été prorogé deux fois à cause des circonstances sécuritaires du pays.
Ces élections législatives, à ses dires, seront transparentes, crédibles et acceptées par tous les Maliens. Et tout est mis en œuvre pour la réussite de ces élections. C’est dan ce cadre que la journée est organisée pour amener les journalistes à participer à une élection apaisée car la question électorale est très sensible. “[…] Le vote reste synonyme de tension, de crise et de conflits. Dans ces conditions et au regard de la situation particulière du pays, couvrir une élection devient une gageure. […] Une démocratie repose sur la possibilité d’exprimer librement des opinions diverses et sur des voix des citoyens bien informés. Les médias, les journalistes jouent un rôle déterminant dans les processus électoraux en assurant la circulation des informations, des opinions et leur confrontation. Etant garants de la démocratie, les journalistes doivent jouer un important rôle dans la légitimation et dans l’acceptation des résultats des élections. Et ces responsabilités confèrent aux journalistes des droits et des devoirs. Nous invitons les hommes de médias à nous aider à avoir des élections apaisées. Pour ce faire, il est important que chacun connaisse et agisse dans son rôle et dans ses limites. C’est pourquoi, nous avons demandé aux autorités de régulation des médias de bien vouloir se joindre à nous pour l’animation de la journée d’échange”, a indiqué le ministre Yaya Sangaré.
Abdoulaye Sidibé : “J’espère
que les politiciens, pour la révision constitutionnelle à venir, vont corriger l’insuffisance du Code électoral en définissant la période de précampagne sinon à la veille des élections, le parti au pouvoir
va continuer à s’accaparer
les médias d’Etat”
Abdoulaye Sidibé, le président du Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat a présenté a fait savoir que son comité est l’organe indépendant prévu à l’Article 7 de la Constitution du Mali. Ses membres sont désignés et exercent librement les prérogatives liées à leurs missions sans aucun lien de subordination vis-à-vis des Institutions de désignations. Ses membres ne peuvent recevoir d’injonctions.
Comme missions, le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat assure l’égal accès pour tous aux médias d’Etat dans les conditions fixées par les lois et règlements en vigueur. A ce titre, a-t-il informé, le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat veille à l’équilibre et au pluralisme de l’information en tenant compte des différentes sensibilités politiques, économiques, sociales et culturelles du pays.
Le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat comprend 7 membres, désignés chacun par chacun par une Institution : Président de la République, Premier ministre, Cour constitutionnelle, Assemblée nationale, Haut conseil des collectivités, Conseil économique, social et culturel, Cour suprême, Haute cour de justice. A ses dires, le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat veille à une répartition équitable du temps d’antenne et de l’espace rédactionnel consacrés aux candidats et aux formations politiques pendant les campagnes électorales.
D’après lui, le document de base du Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat est l’Arrêt de la Cour constitutionnelle. Pour les élections législatives du 29 mars prochain, le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat doit gérer en trois semaines (21 jours) de campagne, 129 partis en lice et 67 listes indépendantes. En plus de l’égal accès aux médias d’Etat, le Comité tient compte de l’équité dans la répartition du temps d’antenne. C’est ainsi que 2 minutes sont accordées à chaque candidat sur l’Ortm (radio et télévision). En plus de ces 2 minutes, une minute supplémentaire est accordée aux candidats qui postulent dans 6 à 20 circonscriptions. Ceux qui postulent de 21 à 35 circonscriptions ont 2 minutes supplémentaires. Ceux qui sont au-delà des 35 circonscriptions bénéficient de 3 minutes supplémentaires. Et trois tirages au sort sont effectués pour établir l’ordre d’enregistrement, de passage et de diffusion des messages des candidats sur l’Ortm. Et ces tirages sont effectués en présence de tous les candidats en vue d’éviter les critiques à l’encontre du Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat. Un huissier est commis pour le constat.
Le président du Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat est revenu sur les reproches faits à son comité qu’il ne réagit pas au fait qu’à la veille des élections, le parti au pouvoir s’accapare des ondes. Il a répondu que son comité qui travaille suivant la Loi est limité par rapport à cette question. Il a regretté le fait qu’il n’y ait pas de loi au Mali qui définit la période de précampagne. Il fait savoir qu’au Cap-Vert et à Madagascar, le président démissionne de ses fonctions pour éviter qu’il n’utilise les moyens de l’Etat à des fins de précampagne.
“Au Mali, il n’y a rien. La Loi est muette sur la période de précampagne. J’espère que les politiciens, pour la révision constitutionnelle à venir, vont corriger cette insuffisance en définissant la période de précampagne parce que nous avons constaté que souvent, à la veille des élections présidentielles, quand le président sortant se représente, tous les ministres se mettent à inaugurer des infrastructures. Ce qui ne peut être qu’une campagne déguisée. Et l’Ortm qui n’a pas le choix est obligé de couvrir ces événements. Parce que le Code électoral ne dit rien par rapport à ça. Espérons que cela soit corrigé. Sinon, la pratique risque de continuer. Parce que ni le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat ni l’Ortm n’ont aucun recours par rapport à ça”, a-t-il conseillé.
Les principes à observer et les conduites à éviter par les journalistes
Gaoussou Drabo de la Haute autorité de la communication (HAC) a rappelé les principes à observer et les conduites à éviter. Des conseils formulés dans la brochure élaborée par la HAC à cet effet. Comme principes à observer pendant la période électorale, le journaliste doit, entre autres, livrer aux citoyens des informations crédibles (exactes, honnêtes, impartiales, vérifiées, sources recoupées) ; assurer un traitement égal, équilibré et équitable de l’information relative aux candidats et aux partis politiques en compétition ; présenter de façon impartiale et objective les partis politiques, les candidats et leurs programmes, en vue d’éclairer le choix des électeurs ; doit promouvoir et renforcer le débat démocratique dans la pluralité des opinions, ainsi que dans le respect de la vie privée, l’honneur et la dignité des candidats et des acteurs du processus électoral ; veiller à ce que l’animation des espaces de débats et d’échanges se fasse dans la mesure et la pondération ; contribuer à la sauvegarde de la paix, de la concorde sociale et de l’unité nationale , se souvenir qu’il n’a pas vocation à publier ou à diffuser sans discernement tout discours sous le prétexte du droit du public à l’information ; doit utiliser les méthodes honnêtes et légales pour obtenir des informations ; connaître et respecter les dispositions des textes législatifs et réglementaires, notamment celles relatives à l’accès des candidats et partis politiques aux médias publics et privés, à l’ouverture et à la clôture de la campagne électorale, au déroulement des scrutins et à la proclamation des résultats.
Le journaliste doit, entre autres, spontanément rectifier toute information sur un candidat ou un parti politique qu’il a publiée ou diffusée et qui s’est révélée inexacte ; accorder systématiquement un droit de réponse ou de réplique à tout candidat ou parti politique dans les conditions prévues par la loi ; respecter en toutes circonstances l’esprit de confraternité. Dans sa recherche de l’information, le journaliste doit s’adresser directement aux candidats, aux partis politiques ou leurs représentants dûment mandatés et aux institutions en charge du processus électoral.
Comme conduites à éviter, le journaliste, entre autres, ne doit pas publier ou diffuser les allégations inexactes et les propos injurieux, discriminatoires, diffamatoires et mensongers de tout candidat ou parti politique ; ne doit pas publier ou diffuser les allégations inexactes et les propos de tout candidat ou parti politique incitant à la violence et à la désobéissance civile, ainsi qu’à la haine raciale, ethnique ou religieuse ; ne doit pas s’ériger en donneur de leçon ; ne doit pas confondre son métier avec celui de publicitaire ou de propagandiste ; ne doit pas afficher un comportement public partisan dans la publication ou la diffusion de ses informations ; ne doit pas publier ou diffuser les résultats électoraux sans prendre soin de préciser leur caractère partiel, provisoire ou définitif ; ne doit pas se laisser influencer ou manipuler par un parti politique ou un candidat.
Siaka DOUMBIA