De plus en plus, des voix s’élèvent pour demander l’organisation des élections en mettant de côté les réformes, une des revendications majeures du coup d’État du 18 août 2020. Il va sans dire qu’aujourd’hui, organiser des élections générales avec des textes mis en cause ne ramènera pas la stabilité politique dans notre pays. Elles risquent d’exposer le nouveau président à des lendemains difficiles.
Les Maliens de tout bord sont aujourd’hui unanimes qu’une relecture de nos textes s’impose pour mettre fin à des crises politiques qui débouchent le plus souvent sur des coups d’État dont la gestion ne profite qu’à ses auteurs et à leurs complices civils. Cette nécessité de procéder à un toilettage des textes a été ressentie dès les premiers pas de la démocratie au Mali. Du président Alpha Oumar Konaré à Ibrahima Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en passant par feu Amadou Toumani Touré (ATT), des tentatives ont eu lieu mais elles ont été abandonnées sous la pression de l’opinion nationale.
Mais depuis un certain temps, des acteurs politiques se prononçant sur la gestion de la transition et de la vie de leur parti veulent qu’on aille coûte que coûte aux élections en laissant le soin des réformes au nouveau président ou de modifier les parties de la Constitution qui fâchent pour le moment. Au nombre des formations politiques qui souhaitent que le Mali reste dans le schéma actuel, figurent en bonne place l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) et le Rassemblement pour le développement et la solidarité (RDS) du professeur Younous Hamèye Dicko. Ainsi, Ils enterrent le rêve de bâtir un Mali nouveau dans lequel tous les citoyens maliens seront égaux devant la justice, bénéficieront des logements décents, des soins décents, d’un système d’éducation performant et de l’eau potable. Une telle attitude venant de la part de ces deux (02) partis politiques n’est nullement une surprise. Dans la mesure où, ils ont toujours œuvré pour la restauration des pratiques mafieuses de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM, ex-parti unique) et de l’impunité qui leur sert de couverture pour échapper à la justice du peuple malien dont ils ont bafouillé l’honneur et la dignité au cours de leur passage aux différents postes ministériels dans les équipes gouvernementales qui se sont succédé depuis l’instauration du multipartisme dans notre pays.
À la faveur de la présentation des vœux de nouvel an à la presse, le 16 janvier, l’ADEMA-PASJ est encore allé dans le sens contraire de la volonté populaire qui reste et demeure les réformes institutionnelles. On se rappelle que ce parti s’est opposé aux concertations nationales en 2012. Avec ses alliés du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FDR), ils n’ont pas voulu la tenue de ce grand rendez-vous pour nettoyer les écuries d’Augias. En effet, le président de ce parti, le Pr Tiémoko Sangaré, a laissé entendre: «Nous pensons qu’il faut éviter d’aller dans l’aventure de la rédaction d’une nouvelle Constitution. Il faut aller vers une révision à minima en modifiant les dispositions qui, à la pratique, ont montré qu’elles sont sources de problèmes». Et ce titre: ‘‘L’ADEMA opposée à la rédaction d’une nouvelle Constitution’’ barrait la Une de L’Indépendant du 18 janvier 2021. De son côté, le professeur Younous Hamèye Dicko déclarait dans la parution de l’hebdomadaire ‘‘Le Malien’’ du 18 janvier: ‘‘La révision constitutionnelle appartient à un président élu’’.
Cette prise de position à l’état actuel du Mali qui cherche désespérément la paix n’est ni plus, ni moins qu’un suicide collectif prôné par l’ADEMA-PASJ et le RDS pour le peuple malien. Ces anciens udpmistes reconvertis en démocrates pensent que les élections sont une fin en soi. Alors qu’elles ont créé plus de problèmes dans notre pays que de solutions aux demandes sociales. Il est à noter que toutes les crises politiques du Mali sont nées de l’élection présidentielle forcée du président Alpha Oumar Konaré, en 1997. Ce coup de force de l’ADEMA contre la démocratie malienne a laissé des traces indélébiles sur l’histoire politique de notre pays. Et depuis, le Mali cherche sa voie dans l’édification d’une société démocratique.
En reléguant au second plan la revendication majeure du peuple malien qui a conduit à la chute d’IBK, le 18 août 2020, l’ADEMA-PASJ et le RDS viennent à nouveau de découvrir leur vrai visage hideux, à savoir le maintien de l’instabilité politique, l’impunité, la corruption et la délinquance financière, le détournement de deniers publics, l’affairisme, la surfacturation et la spéculation foncière et immobilière. Ils ne veulent pas le démantèlement de ce système prédateur qui a permis à leurs militants et cadres de piller les richesses nationales afin de constituer un trésor de guerre pour l’achat des consciences lors des élections.
Aujourd’hui, ramer en sens contraire des intérêts du peuple malien révèle de la félonie et de la méchanceté gratuite. Tous les Maliens de bonne foi et même des observateurs étrangers reconnaissent que le Mali a besoin d’une relecture de ses textes fondateurs. Et de 1992 à nos jours, l’exercice du pouvoir a montré que notre Constitution a besoin d’un toilettage pour prendre en compte les préoccupations des populations maliennes.
Si les présidents Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré (ATT) et Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) ont échoué dans leur tentative de doter le Mali d’une loi fondamentale, la nécessité s’impose plus que jamais à la transition de faire ce travail pour que les Maliens se réconcilient avec eux dans un élan patriotique. C’est aux autorités de la transition de travailler pour les intérêts du peuple malien au lieu d’écouter les balivernes de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) et le Rassemblement pour le développement et la solidarité (RDS). Mais tout porte à croire que la transition est en train de marcher dans cette direction en colmatant les brèches pour sauver les restaurateurs de l’ordre ancien. Car jusqu’à présent, elle évolue dans l’ombre quant aux reformes de l’État.
Yoro SOW