Elections législatives partielles à Ansongo : La Cour Constitutionnelle a-t-elle dit le droit dans le contentieux ?

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La Cour constitutionnelle est l’un des piliers majeurs de la Démocratie malienne. Elle est juge de la constitutionnalité des lois,  des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Cette institution, dirigée pour la première fois par une femme a-t-elle dit le droit dans le contentieux électoral d’Ansongo où l’ADEMA-PASJ et l’URD ont porté plainte  pour l’annulation des résultats  dans la commune de Tessit au motif que les urnes aient été bourrées? A-t-elle mordu à l’hameçon du pouvoir comme d’autres institutions ? L’emblématique présidente que fut Mme Manassa Dagnoko adoubée par tout un peuple lors du procès de Moussa Traoré, acceptera-t-elle d’avaler n’importe quelle couleuvre après un tel passé glorieux ? La charismatique présidente et autres sages de la Cour doivent, à tout prix, crédibiliser une institution qui est en passe de devenir un juge électoral à la place des électeurs.

Composée de neuf sages, trois membres de la Cour Constitutionnelle sont nommés par le président de la République dont au moins deux juristes, trois par le président de l’Assemblée nationale dont au moins deux juristes et trois magistrats désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. La cour constitutionnelle dont le mandat est de 7 ans, renouvelable une fois est l’une des institutions les plus importantes pour la consolidation de la Démocratie. Ne dit-on pas d’elle qu’elle fait et défait les rois ? Elle est le dernier recours et son arrêt est sans appel. Alors, investie d’un tel pouvoir pourquoi ne peut-elle pas rendre des verdicts moins contestables et conformes au droit ? Sa présidente qui est une figure emblématique de la Justice et de la lutte pour la démocratie va-t-elle renoncer aux  idéaux pour lesquels elle s’est tant battue des années durant ? Voici en quelques lignes le parcours hautement élogieux de celle qu’on a surnommé en 1991 la dame de fer : Magistrat de classe exceptionnelle et doyen de corps, Mme Manassa Danioko est une icône de l’histoire de notre justice. Elle est née le 19 janvier 1945 à Kadiolo. Après son baccalauréat au lycée Terrassons de Fougères en 1966, elle décrocha une maîtrise en Droit. En 27 ans de carrière dans la magistrature, elle a occupé divers postes. Elle fut ainsi tour à tour juge d’instruction du tribunal de 1ère instance de Ségou (1970-1971), substitut du procureur de la République près le tribunal de 1ère instance de Ségou, Kayes et Sikasso entre 1972 et 1978, avocat général près la Cour d’appel de Bamako (1979-1981).
Mme Manassa Danioko a été ensuite conseiller à la Cour spéciale de sûreté de l’État (1983-1988), président du tribunal de 1ère instance de Bamako (1985-1988). Elle fut suspendue, puis radiée du corps suite à une ordonnance de référé en 1988 pour sa fermeté et son sens de la droiture.
Trois ans plus tard, elle reprend fonction à la DNAJ (Direction nationale de l’administration judicaire) suite à un arrêt de la Cour suprême annulant le décret de radiation. De 1991 à 1995, Mme Manassa Danioko fut procureur général près la Cour d’appel de Bamako, mais le public retiendra certainement une dame tenace lors du procès «Crimes de sang ».

Procureur général près la Cour suprême du Mali en 1995, elle a effectué deux mandats au Conseil supérieur de la magistrature (1979-1988). Mme Manassa Danioko était, de 1995 et 2002, ambassadeur de notre pays auprès du Canada, du Cuba, du Mexique, du Nicaragua et du Venezuela, avec résidence à Ottawa. Comment celle qui fut une amazone et une icône à une période charnière de l’histoire de notre pays puisse hésiter à dire le droit. En tous les cas  Ce qui s’est passé dans la commune de Tessit lors des élections législatives  partielles dans la circonscription électorale d’Ansongo se passe de tout commentaire. Selon le Président de l’ADEMA-PASJ, M. Tiémogo Sangaré, l’un des plaignants, jamais dans l’histoire démocratique du Mali on a enregistré un tel taux soviétique de participation à une élection fut-elle locale. 98 % de taux de participation dont 96% pour le RPM, presqu’un hold-up électoral, s’écriait le président de  l’un des partis de la Majorité. Quand à l’URD, la principale formation politique de l’Opposition, elle a dénoncé un bourrage massif des urnes avec des preuves à l’appui. Elle a démontré dans ces requêtes que les résultats fournis par l’administration ne correspondaient pas à ceux enregistrés dans les PV dûment signés  par tous  les délégués. Malgré ces preuves la Cour en a décidé autrement en égrenant son chapelet d’article pour finir par valider les résultats fournis par l’Administration. Le passage en force du candidat du RPM n’honore ni la démocratie ni le RPM. Et la première femme présidente de la Cour Constitutionnelle, en cautionnant de telles dérives, ferme définitivement la porte derrière elle aux autres compétences féminines qui pourraient convoiter de telles positions administratives. Déjà le passage de la première femme, Premier ministre n’a pas laissé de belles images de sortie. Alors, si les premières femmes qui ont la chance d’accéder aux hautes responsabilités de l’Etat n’ouvrent pas la voie aux autres, la promotion du genre notamment des femmes s’en trouverait hautement compromise. La Cour Constitutionnelle doit se faire respecter en faisant en sorte que chacun de ses verdicts soit un moment de grande clairvoyance juridique et populaire. Toujours tranché selon le droit avec en arrière pensée le combat pour la Justice et le renforcement de la Démocratie au Mali. La Cour Constitutionnelle ne doit pas être comme l’ORTM qui ne comprend sa mission que de passion pour l’Etat mais doit être une cour de combat du Peuple pour la Démocratie, la transparence et la Justice dans les élections.

En définitive la cinquième présidente de la Cour Constitutionnelle, après  Abdoulaye Dicko, Abdrahamane Baba Touré, Salif Berthé et Amadi Tamba Camara, et ses huit autres sages ont entre leurs mains l’avenir de notre démocratie. Ils doivent écrire leurs noms en lettres d’or dans les annales de l’histoire de notre pays en disant le Droit, toujours le Droit, rien que le Droit

Youssouf Sissoko

                                                                             youssouf@journalinfosept.com

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