Pour ces élections communales, s’il y en a qui jubilent et ne renient pas ce scrutin grâce aux bons scores qu’ils ont réalisés, pour d’autres, ce sont des élections malvenues car cela consacre la division du Mali. Les nombreux manquements et irrégularités en ont rajouté à la confusion pour faire le lit de divagations et conjectures.
En donnant la primauté d’une loi morte et enterrée sur la nouvelle loi électorale, c’en était donc parti pour une grande confusion qui a ôté une large part de crédibilité à ces élections communales. En effet, selon les termes de la lettre adressée par le ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et la réforme de l’Etat “aux chefs de partis politiques” et non à toutes les têtes de listes de candidatures (la nuance est de taille !) : “L’organisation des élections communales du 20 novembre 2016 se poursuivra sur la loi de la loi n°06-44 du 04 septembre 2006, modifiée portant loi électorale”. Comme nous le fait remarquer un de nos amis juristes, cette lettre du Ministre sème une terrible confusion, notamment avec l’usage du verbe “se poursuivra” qui introduit déjà la suspicion de superposition de deux régimes juridiques car, légalement, “les élections ne devaient pas se poursuivre avec l’ancienne loi citée par le Ministre, mais se dérouler entièrement avec cette loi ou démarrer avec la nouvelle loi et se terminer par elle”, selon notre interlocuteur qui poursuit : “Cette partie de la lettre du Ministre Ag Erlaf jette le doute sur la crédibilité du scrutin parce qu’il n’appartient pas à un ministre, quelles que soient les situations, à s’exprimer ainsi. La loi ne permet pas de marchandages et cela signifie que ces élections ont vu leur fondement juridique s’écrouler”, précise-t-il.
L’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali lui donne raison car L’Observatoire note que deux lois électorales ont été mises en application pour la tenue des communales. Comme argumentaire, l’Observatoire rappelle, par la voix de son président, Ibrahima Sangho, que les candidats ont abordé ces élections avec l’esprit de la nouvelle loi électorale, notamment en se conformant lors de la campagne électorale à l’Article 73 de cette nouvelle loi, la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi électorale. En effet, c’est une disposition nouvelle qui a été introduite dans le dispositif et stipule que “Les pratiques publicitaires à caractère public et commercial (offre de tissus, de tee-shirts, d’ustensiles de cuisine, de stylos, de porte-clés, de calendriers) ainsi que leur port et leur usage, des dons et libéralités en argent ou en nature à des fins de propagande pour influencer ou tenter d’influencer le vote durant la campagne électorale sont interdits dès la convocation du collège électoral”.
Si maintenant à seulement six jours des élections une lettre du Ministre Ag Erlaf (qui date donc du 14 novembre) ramène tout le monde à l’ancienne loi qui ne comporte pas pareilles dispositions, on ne peut pas affirmer que pour ces communales, force est restée à la loi. Force est plutôt restée à la confusion. Une autre confusion, notamment pour l’élection du maire, se situe au niveau de la nouvelle loi électorale et le Code des Collectivités territoriales révisé, lequel prévoit que le poste de maire revient désormais à la tête de liste majoritaire après la publication officielle des résultats. Tout le contraire de ce qui se passait auparavant où avec les combines mises en place au niveau du Conseil municipal, le maire pouvait être issu de la liste classée dernière aux élections et ayant donc le plus petit nombre de conseillers communaux. Avec la confusion, on a pensé que la nouvelle disposition pour l’élection du maire est contenue dans la toute dernière loi électorale. Conséquence pour ceux tombés dans ce piège, on a commencé à penser à d’éventuelles combinaisons à mettre en place avec des alliés potentiels, alors qu’il n’en était rien. C’est pourquoi, lors de la conférence de presse qu’il a animée dès le lendemain du scrutin pour annoncer les tendances de la Commune VI qui mettait son parti, l’Urd, en tête après dépouillement des bulletins, et en même temps mettre en garde contre d’éventuelles manipulations des résultats, Me Demba Traoré a fait cette précision importante suite à la question d’un animateur radio qui baignait, lui aussi, dans cette confusion.
Que dire aussi des deux spécimens de bulletins de vote qui ont circulé ? Cela en a rajouté à la confusion déjà débordante pour devenir le lit de toutes sortes de conjectures. C’est ainsi que des policiers aperçus à Daoudabougou, au niveau d’une imprimerie d’un des cadres du Rpm, ont fait dire, lors de meetings de candidats, que c’est la preuve d’une machine de fraude mise en place par le Rpm qui se ravitaillait ainsi frauduleusement en bulletins de vote. Ceci expliquant cela, Bakary Issa Keïta, secrétaire général du Rpm en Commune IV et patron de cette imprimerie a été accusé, sans preuve, de procéder à une fraude électorale. Il sera blanchi avec les éclaircissements du ministère de la Sécurité intérieure et de la protection civile précisant, lors d’une conférence de presse, que parmi les mesures de sécurisation du scrutin, il y a la sécurisation de tous les lieux de fabrication des imprimés électoraux donc toutes les unités du pool d’imprimeurs impliquées dans cette opération.
Comme si cela ne suffisait pas, des dénonciations de résultats de bureaux de vote de Bamako parvenus tardivement au Gouvernorat, parfois le lendemain comme en Commune IV, en plus d’urnes déclarées disparues, n’ont fait qu’accroître la confusion, terreau fertile à des divagations et conjectures qui se mêlent aux vérités pour former un cocktail de doutes sur la transparence du scrutin.
A.B.N.