Elections communales du 20 novembre 2016 : L’Observatoire dresse un réquisitoire cinglant contre le gouvernement

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Cela s’est passé lors du point de presse que l’Observatoire pour les Elections et la Bonne Gouvernance au Mali  a tenu le 26 novembre à son siège. Son président, Ibrahim Sangho, était accompagné des membres de son ONG et de la société civile malienne pour faire l’état des lieux des communales du 20 novembre dernier. A cet effet, il a dressé un cinglant  réquisitoire contre le gouvernement malien qu’il a accusé d’avoir trahi la République. Les points saillants !

L’Observatoire est une plateforme de 36 Organisations Non Gouvernementales et Associations de la société civile ayant développé une expertise dans le domaine électoral et sur les questions liées à la gouvernance démocratique depuis 1996 au Mali.  Les organisations membres de l’Observatoire ont mis à contribution 1 millier d’observateurs de longue durée, de 2015 à 2016, pour suivre les élections communales dont le scrutin s’est déroulé le 20 novembre 2016 au Mali. Ainsi, dans le cadre de sa veille citoyenne, l’Observatoire a produit des rapports d’alerte, respectivement le 28 février 2015 sur les grands défis à relever et le 7 novembre 2015 sur la démocratie en péril. Il a fait une première Déclaration sur le coup d’Etat électoral en perspective, le 12 novembre 2016.

 

Les constats

Par rapport à des élections libres, l’Observatoire a constaté la terreur sur les élections et leur non tenue sur l’ensemble du territoire, conformément au décret de convocation. Des violences, des enlèvements de personnes humaines et des assassinats ciblés ont entaché le scrutin. Des groupes armés signataires et non signataires de l’Accord sont indexés.

Ainsi, malgré les assurances données par le Gouvernement, il n’y a pas eu d’élection dans l’ensemble du pays, notamment à Kidal.  Les régions de Ménaka et de Taoudéni ont été exclues des communales. Le vote s’est déroulé sans anicroches majeurs dans deux régions : Kayes et Sikasso, et dans le district de Bamako. Il s’est déroulé avec assez de violence dans 5 régions : Koulikoro, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao. Il ne s’est pas déroulé dans 3 régions : Kidal, Ménaka et Taoudéni. L’Observatoire a constaté la mise en valeur de deux (2) Lois électorales pour la tenue de ces communales par le Gouvernement. Toutefois, le Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Réforme  de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf, à travers une lettre en date du 14 novembre 2016 (6 jours avant le scrutin), a signifié aux partis politiques la primauté d’une loi morte et enterrée sur la loi vivante et en vigueur. La lettre dit en substance que : « l’organisation des élections communales du 20 novembre 2016 se poursuivra sur la base de la loi n°06-44 du 04 septembre 2006, modifiée portant loi électorale ».

Cela constitue une violation grave des lois et règlements du pays par le Gouvernement et une grave entorse aux idéaux de la République.

Il convient de noter que la nouvelle loi électorale, qui est la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, stipule en son article 210 (nouveau) que : «La présente loi abroge toutes les dispositions antérieures contraires, notamment la Loi n°06-44 du 4 septembre 2006 modifiée par la Loi n°2011-085 du 30 décembre 2011, la Loi n°2013-017 du 21 mai 2013 et la Loi n°2014-054 du 14 décembre 2014. »

L’Observatoire a aussi constaté que le vote des forces armées et de sécurité n’a pas été effectif conformément à la Loi en vigueur, la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, qui dit en son article 87 que : « Le scrutin a lieu un dimanche. Toutefois, en cas de nécessité et hormis le cas de l’élection du Président de la République, le scrutin peut se tenir tout autre jour de la semaine. Dans tous les cas, le scrutin est ouvert le dimanche précédent pour les membres des forces armées et de sécurité. »

Sans parler de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui devrait être entièrement revue dans sa composition conformément aux dispositifs de la nouvelle Loi électorale qui stipule, entre autres, en son article 4 que : « dix (10) membres sont désignés par les partis politiques suivant une répartition égale entre les partis politiques de la majorité et ceux de l’opposition politique. »

On assiste simplement à une trahison de la République

Par rapport à des élections équitables et inclusives : l’Observatoire a noté que 2 spécimens de bulletin de vote ont existé dans plusieurs communes du Mali, avec l’intention de jouer à la grande confusion des citoyennes et des citoyens et dans le dessein de favoriser certaines formations politiques au détriment d’autres. Aussi, le Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat a dit disposer d’un budget de 12 milliards de francs CFA.

Les Organisations de la société civile (OSC) qui devraient agir sur le scrutin du 20 novembre 2016 en aidant à corriger en temps réel les dysfonctionnements et les insuffisances du scrutin, n’ont bénéficié d’aucun accompagnement pour ce faire.

Il convient également de noter que la véritable communication électorale, à travers l’information, la sensibilisation et la mobilisation des citoyennes et des citoyens par les OSC, a été savamment amputée du processus.

Les OSC avisées sur les questions de monitoring, de veille, d’alerte et de contrôle citoyen depuis vingt ans au Mali, ont été sciemment écartées.

Au lieu de l’exclusivité  tant recherchée en démocratie, on a assisté à une exclusion digne d’un régime de dictature. `

La sincérité du vote ?

L’Observatoire a constaté l’achat de conscience à ciel ouvert dans l’ensemble des centres de vote lors des communales du 20 novembre 2016 au Mali. Les billets de 1.000 francs CFA et 2.000 francs CFA étaient remis à des votants, moyennant la photo de leur choix sur les bulletins de vote, prise à l’aide de leurs téléphones portables.

Les partis politiques dans leur majorité, profitant de la grande misère des maliennes et des maliens du fait de la gouvernance actuelle, ont utilisé l’argent de manière éhontée pour obtenir des voix.

La corruption électorale a atteint des proportions jamais égalées lors de ces élections communales. Les citoyennes et les citoyens du Mali ont été juste considérés comme du bétail électoral et non comme des êtres vivants qui aspirent  à plus de dignité et de mieux-vivre.

Des recommandations

Au Gouvernement de la République du Mali, l’Observatoire recommande :  Une véritable souveraineté sur l’ensemble du territoire national ; une meilleure sécurisation des personnes et des biens partout au Mali ; une meilleure gouvernance au bénéfice exclusif du peuple malien ;

un retour effectif de l’administration dans les localités et/ou régions où elle est absente : Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni ; un prompt retour des réfugiés et des déplacés pour leur pleine participation aux échéances électorales et la mise en place d’un organe unique de gestion des élections au Mali.

Au Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, l’adoption d’un Code électoral en République du Mali ; l’implication immédiate et effective des organisations de la société civile (OSC) dans le cheminement du processus électoral : avant, pendant et après les élections ;  la mise en place d’un cadre permanent et opérationnel de concertation avec les OSC ; la mise en œuvre de véritables programmes d’information, de formation, de sensibilisation et d’éducation civique, en étroite collaboration avec les OSC spécialisées sur les questions de gouvernance, de démocratie et d’élections au Mali.

A l’Assemblée Nationale du Mali : Une indépendance d’esprit dans l’exercice de la fonction d’élus du peuple malien ; une veille permanente sur le respect des Lois votées au nom du peuple malien, surtout au regard de la sincérité des élections communales du 20 novembre 2016.

Au pouvoir judiciaire du Mali : Une véritable indépendance dans l’exercice de ses fonctions ; un respect scrupuleux de l’intérêt supérieur du peuple malien au nom duquel il rend la justice.

Aux partis politiques du Mali : Le respect total et intégral de la Loi électorale en vigueur qui est la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 ; l’arrêt immédiat et définitif de l’achat de conscience des citoyennes et des citoyens ; la mise en œuvre de véritables programmes d’information, de formation et de sensibilisation des maliennes et des maliens sur les valeurs démocratiques, afin d’éviter à notre pays le chaos et la désolation ; le respect du Code de bonne conduite des partis politiques.

Aux partenaires techniques et financiers du Mali : Un appui conséquent et équitable aux OSC spécialisées dans les domaines de la gouvernance, de la démocratie et des élections pour leur permettre de mener à bien les activités d’information, de formation et de sensibilisation des citoyennes et des citoyens en vue d’une véritable résilience démocratique au Mali.

Gaoussou M. Traoré 

 

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