Dimanche 29 juillet dernier, les Maliens étaient appelés aux urnes pour élire le président de la République. Comme lors de l’élection présidentielle de 2013, l’argent et des irrégularités ont fortement entaché le scrutin. En effet, achat de vote, absence de cartes d’électeur au centre de vote, problème d’identification des bureaux de vote, cafouillages dans les urnes… ce sont là, entre autres, quelques constats accablants enregistrés presque partout dans le pays. Des pratiques qui ont ouvert la voie à des fraudes…
Le peuple Malien faisait face son destin, le dimanche 29 juillet 2018. En effet, l’élection présidentielle de cette année était l’occasion pour les Maliens de s’exprimer sur la gouvernance des cinq dernières années. Une gouvernance marquée par le clientélisme, les magouilles, la corruption à grande échelle et les scandales financiers.
L’élection du 29 juillet 2018 s’est déroulée dans une ambiance électrique et dans un capharnaüm total dans certains centres du District de Bamako et de l’intérieur du pays.
Au centre de vote de l’école Fondamentale de Dioumanzana, avec 65 bureaux de vote et 19 000 cartes retirées sur 29 250, la distribution des cartes d’électeur a pris beaucoup de retard et s’est déroulée dans un désordre total. Ce qui a considérablement désorganisé les opérations de vote. Conséquence : beaucoup d’électeurs n’ont pas pu voter. Même scénario au centre de vote de Boulkassoumbougou et Fadjiguila où c’était un véritable parcours de combattant pour que les électeurs accèdent à leurs cartes… Si certains habitants ont pu voter tranquillement, beaucoup d’autres ont passé toute la journée à attendre en vain leur carte. Cet amateurisme a porté un grand coup au taux de participation dans la commune I.
Dans les centres de vote de la commune V et de Kalabancoro, il y avait des dysfonctionnements dont l’absence des cartes d’électeurs dans les bureaux de vote contrairement à ce qui avait été annoncé par l’administration. L’absence de certains agents électoraux aussi était constatée…
Dans ce centre, Mahamane Maïga, représentant de l’opposition affirme que l’absence de cartes d’électeur dans les bureaux a été notifiée à qui de droit. « Le gouvernement n’est pas sérieux dans ces démarches, car il avait promis de rendre disponible les cartes d’électeur au niveau des bureaux de vote, chose qui n’est pas réelle. C’est énervant et révoltant. Or si tu n’a pas la nouvelle carte d’électeur, tu ne peux pas voter avec la carte NINA… », a souligné un électeur déçu qui n’a pas pu voter faute de carte d’électeur.
Il n’était pas le seul citoyen confronté à ce problème. Beaucoup d’autres électeurs étaient confrontés ainsi qu’a un problème d’identification des bureaux de vote.
De l’argent par voix…
Autre constat désolant de ce scrutin : c’est l’intrusion de l’argent dans plusieurs centres de vote de la capitale. En effet, de la commune I, Commune III à la commune VI.., des responsables politiques, avec d’importantes sommes d’argent, ont envahi les centres de vote. (Kalaban-Coura, Tomikorobougou, Badialan, Niamakoro, Faladié…) Dans l’après-midi, des groupes de jeunes étaient mobilisés pour les achats de conscience. Un citoyen qui préfère garder l’anonymat: « J’ai été approché par un jeune me faisant une proposition financière pour choisir son candidat. Il n’était pas le seul à se livré à de telle pratique. Une dame au centre de vote de Faladié se livrait au même exercice d’achat de conscience», témoigne notre interlocuteur.
L’argent sale était déversé à Bamako, Kayes, Ségou… bref, dans tout le pays pour « acheter » la voix des citoyens. La somme proposée variait d’un endroit à un autre et se situait entre 1000 F CFA et 5000 F CFA. En somme, l’on profitait de la misère des populations en ce jour de scrutin. Quel désastre !
Ces pratiques peu orthodoxes ont été constatées dans plusieurs localités à Bamako au su et au vu des autorités compétentes en charge de la régularité et de la transparence du scrutin.
Si le vote est un devoir civique pour tous citoyens, cependant il reste monnayable chez certains. Ce constat était bien perceptible ce dimanche 29 juillet dernier, dans plusieurs autres localités pays.
Bourrage des urnes…
Le directeur de campagne de Soumaïla Cissé, Tiébilé Dramé, a indiqué que le scrutin organisé le dimanche 29 juillet 2018 a été entaché de nombreuses irrégularités et de défaillances graves, qui vont peser, indéniablement, sur le résultat définitif. A l’en croire, des observateurs électoraux ont recensé plus de 1000 incidents. « Par ailleurs, en raison de l’insécurité dans le Nord et le Centre, le vote n’a pas pu avoir lieu dans 12 circonscriptions. Nous en tenons le pouvoir pour responsable. Nous invitons le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation à rendre publique la liste exhaustive des localités affectées ainsi que le nombre précis d’électeurs concernés par bureau de vote. Ces graves dysfonctionnements ont nui à la participation pour ce grand rendez-vous démocratique », a-t-il déploré. Tiébilé Dramé a indiqué qu’il y’a eu bourrage d’urne dans plusieurs localités comme Tarkint (Nord du Mali) où le candidat Ibrahim Boubacar Keïta se retrouve avec 8000 voix contre zéro voix pour Soumaïla Cissé. En outre, il a dénoncé le fait que le candidat IBK détient 3335 voix à Gargando, 6500 voix à Talataye, 8000 voix à Salam… Toutes ces localités sont situées dans le Nord du Mali, où la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) aurait été mise à contribution pour bourrer les urnes.
Mohamed Sylla