C’est une inspection pour le moins surprenante que les autorités financières viennent de coller à la Commission électorale nationale indépendante (Céni). En effet, à mi-parcours des élections générales qu’elle est censée accompagner jusqu’à leur terme, les fonds alloués à la supervision de la présidentielle sont déjà l’objet d’un audit devant s’étendre sur 45 jours selon l’ordre de mission des enquêteurs. La démarche paraît d’autant plus trivial qu’un risque de chevauchement avec le calendrier des législatives – annoncées pour novembre prochain – est inévitable puisqu’en pleins préparatifs de la députation, la Céni risque d’être distraite par les tracasseries de fouineurs administratifs et financiers.
De quoi offusquer la plupart de ses membres de cet organe et même les diviser sur la posture à adopter face à une mission de vérification aussi atypique. Et pour cause, celle-ci est perçue comme une malveillance voire une insulte par nombre d’entre eux, qui s’estiment par conséquent en droit d’opposer une fin de non-recevoir aux réclamations des pièces justificatives des dépenses électorales ciblées par l’enquête. C’est avec autant d’indignation qu’ils s’interrogent sur le déclenchement de pareille mission aussitôt après l’investiture du président de la République. Et les motivations, pour beaucoup, ne peuvent découler que du bras-de-fer qu’entretiennent la Céni et l’Hotel des Finances sur les proportions de ressources à affecter à la supervision des élections. Tandis que la Commission électorale les a évaluées en tenant compte de l’incidence budgétaire de la nouvelle loi électorale et de l’avènement des nouvelles régions créées, le ministre Boubou Cissé ne peut souffrir
que les charges dépassent celles des années électorales précédentes. «Illogique et indéfendable!», s’est insurgé un membre de la Commission interrogé sur la question, en mentionnant au passage que le nombre de bureaux de vote a augmenté du tiers par rapport aux précédentes élections et que les charges des différents démembrements ont été grevés à la proportion de leur nombre.
C’est faute d’entente sur la question et devant le risque d’organiser la présidentielle sans supervision, que le contentieux a été finalement porté à l’arbitrage du chef du Gouvernement. Ce dernier a donné un avis favorable au déblocage des ressources que la Ceni avait du reste consommées par anticipation au risque d’être à la traîne du processus électoral. L’organe de supervision, explique-t-on, a dû en effet ce faire recourir à un endettement auprès des banques pour le fonctionnement de ses démembrements mensuellement entretenus ainsi que pour les missions de ses différents membres – dont chacun avait la responsabilité d’une zone spécifique pour la conduite de la supervision électorale. Et il se susurre que certains membres de l’organe n’avaient pas encore regagné Bamako lorsque les auditeurs avaient débarqué.
A Keïta